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RDC : le transport ferroviaire peut jouer un rôle de premier plan dans l'économie et le développement social du Congo

congo-autrement Par Le lundi, 30 novembre 2020 0

Dans Accueil

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Le chemin de fer en RDC est actuellement organisé en 4 réseaux distincts, à savoir une ligne permettant de relier Matadi et Kinshasa d'une part, ainsi qu'un réseau plus étendu, en liaison avec la Zambie, l'Angola et le lac Tanganyika, avec Lubumbashi comme point central, une ligne reliant Kisangani et Ubundu, pour pallier les Stanley Falls sur le Congo, et enfin une ligne à voie étroite dans la région de l'Uele (nord). Il existe par ailleurs des projets de prolongement des lignes existantes, dont une liaison entre Kinshasa et Ilebo, ce qui permettrait de joindre les deux réseaux les plus importants.

 

Pourquoi la RDC doit parier sur le ferroviaire pour son développement ?

 

 

Le 15/05/2020

 

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La RD Congo est un pays continent d’une superficie de 2.345.410 Km², soit l’équivalent de dix pays européens réunis que sont : la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche, le Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg et la Suisse. Cependant,  malgré cette vaste étendue, la RD Congo apparaît comme une nation plutôt « enclavée » du fait de l’absence de réseaux de communication et de transport, à la fois,  moderne et efficace pour assurer le déplacement de personnes et de marchandises.

 

Les moyens de transport naturel, tel que le fluvial est très peu développé en RD Congo. Ce déficit aggrave le déséquilibre social entre les provinces et cela peut remettre en question le sentiment d’appartenance à une communauté des destins et le développement socio-économique du pays.

Ne disposant pas d’installations portuaires en eau profonde sur le versant Atlantique, elle reste dépendante de ses 9 voisins pour accéder aux marchés sous régionaux, régionaux et internationaux. Pour sortir de cette situation, la réalisation des moyens de transport et de communication moderne reste l’un des principaux défis que la RD Congo devra relever très vite si elle veut s’assurer d’un développement durable.

Par conséquent, la construction d’un réseau ferré national apparait comme une priorité absolue pour l’aménagement du territoire et la circulation des personnes et des marchandises.

Actuellement, il existe en RD Congo trois réseaux ferrés distincts, non interconnectés, d’une longueur totale de 5 033 kilomètres. Ces réseaux ne disposent pas du même standard d’écartement entre les voies (rails). Hérités de la colonisation, leur vocation première était l’évacuation des matières premières vers l’Occident mais celle-ci n’a jamais été remise en question ni redéfinie pour être mis au service du développement économique de la RD Congo. Seuls 17% de ces réseaux ferrés sont électrifiés, soit 858 kilomètres de voies ferrées situées dans la région minière du sud Katanga.

Trois compagnies se partagent l’exploitation du ferroviaire en RD Congo. La Société Nationale des Chemins de Fer Congolais (SNCC) avec 3641 kilomètres de voies dans le Sud-Est du pays. Cela représente 72% de l’ensemble de réseaux nationaux.

Les Chemins de Fer des Uélé (CFU), au Nord-Est du Pays, forme un réseau à voie étroite long de 1026 kilomètres, soit 21% de trois réseaux nationaux réunis.

Enfin, la Société de Commercialisation des Ports et des Transports (SCPT anciennement ONATRA) gère 365 kilomètres de voies ferrées entre Kinshasa et Matadi. Ce tronçon représente 7% du réseau ferré national.

En l’absence d’une véritable politique publique de transport ferroviaire, les réseaux existants sont aujourd’hui dans un piteux état pour une exploitation commerciale. Le manque des moyens d’investissements empêche l’exécution des travaux de réhabilitation pour mettre toutes les installations ferroviaires aux normes et aux standards de sécurité internationaux. De ce fait, le schéma des installations ferroviaires dont nous disposons n’est plus adapté ni aux besoins actuels ni aux besoins futurs d’une RD Congo soucieuse de jouer un rôle moteur dans le développement économique en Afrique centrale.

 

Quel réseau ferré pour la RDC et pour quels enjeux?

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La RDC doit se doter d’un réseau ferré « unique » et moderne, fusion de ses 3 réseaux existants et épousant les 4 corridors de flux de personnes et de marchandises allant de l’Ouest, Nord-Ouest, Nord-Est et Sud-Est.

Un réseau ferré national qui lui permet de faire face à trois enjeux majeurs que sont la croissance démographique, la diversification de l’économie et le renforcement de l’unité et de la cohésion nationale.

En effet selon les estimations des Nations Unies, la population congolaise passera à 105 millions d’habitants d’ici à 2030 et à 148 millions en 2050. Cette croissance engendrera un besoin accru de mobilité de la population entre les 26 provinces et un besoin d’aménagement des territoires.

L’impérieuse nécessité de développer un marché intérieur basé sur une industrie locale de transformation rend indispensable la mise en place d’un système de transport multimodal, cohérent, avec des dessertes locales et en fonction des corridors logistiques définis pour faciliter les échanges de marchandises alimentant les marchés de toutes les provinces. Avec le développement de ce marché intérieur, la RD Congo ne misera non seulement sur ses 80 millions de consommateurs congolais mais sur 410 millions de citoyens africains répartis dans quatre communautés économiques (COMESA, SADEC, CPGL, CEEAC) auxquelles la RD Congo est membre, et plus largement encore avec les consommateurs de la Zone de Libre Echanges Continentale (ZLEC), à savoir l’Afrique. La vitalité d’un tel marché nécessitera la construction des équipements ferroviaires (gares, trains) modernes et répondant aux normes internationales. La RD Congo se doit donc de devenir le « Hub » des échanges commerciaux et de la mobilité des citoyens du continent en assurant des liaisons entre le Nord, le Sud, l’Ouest et l’Est de l’Afrique.

Pour y parvenir, elle doit stratégiquement jouer la carte de l’intégration et de l’interconnexion avec d’autres réseaux ferrés africains. Il nous semble dans la perspective de la diversification de son économie et au regard de sa souveraineté, que la RD Congo devra se doter d’un port en eau profonde. Le projet de port de Banana actuellement en gestation, reste indispensable à la RD Congo pour  disposer d’un corridor d’évacuation des marchandises et des matières premières du Katanga via Banana vers l’extérieur en toute indépendance. Ce projet nécessite la construction d’un tronçon ferroviaire d’une centaine de kilomètres reliant le nouveau port au réseau ferré existant entre Matadi et Kinshasa puis d’un deuxième tronçon Kinshasa-Ilebo. Par ailleurs, le corridor des flux Nord/Ouest permettra d’assurer la liaison avec la République Centrafricaine voire le Tchad via Zongo, Bumba, Gemena et Kisangani. Le corridor Nord/Est, quant à lui, ouvrira l’accès vers l’Egypte via la ville d’Aru frontalière avec l’Ouganda au moyen d’un réseau ferré reliant les villes de Kisangani, Mungbere  et Aru. Et enfin le corridor des flux Sud/Est assurera l’interconnexion avec les réseaux de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe avec une liaison ferroviaire entre les villes de Sankania, Kananga, kindu, Ubundu et Kisangani. A l’issue de la réalisation de ce projet ambitieux, la RD Congo sera au cœur de l’intégration panafricaine comme le montre la carte du réseau ferré national,  ci-après.

Comptant parmi les 16 pays du monde qualifiés de « havre de la biodiversité (faune et flore)», la RD Congo dispose d’un potentiel touristique jusqu’ici inexploité. Potentiel touristique exceptionnel qu’il faudra de relancer dès que le pays disposera d’un moyen de transport ferroviaire permettant aux touristes de découvrir la beauté de notre pays. Sur cette lancée, le projet de construction du port en eau profonde, à Banana,  par exemple, offrira à la RD Congo la possibilité d’exploiter les 40 kilomètres du littoral Atlantique et de développer le tourisme en y installant hôtels, restaurants et d’autres types d’habitations pouvant être mis en location pour un séjour de vacances et week-end (AirBnB). Un tel projet sera créateur d’emplois si on arrivait à réaliser un raccordement ferroviaire jusqu’à Kinshasa. Avec une infrastructure ferroviaire à double voie, électrifiée et équipée d’organes de signalisation et d’aiguillages automatisés, on pourra mettre environ deux heures pour aller à la plage et atteindre le littoral Atlantique au départ de Kinshasa.

Enfin, un réseau de transport ferré facilitant les échanges et la mobilité, sur toute l’étendue du pays, permettra de renforcer la cohésion nationale et le sentiment d’appartenance à une seule République et indivisible. Un tel réseau ferré a l’avantage de réduire les inégalitésentre les territoires et de favoriser l’accessibilité vers les milieux ruraux enclavés, les villes moyennes, les grandes agglomérations et vers les pays limitrophes. Ses capacités de tonnage de marchandises transportés dans le respect total de l’environnement (il est le mode de transport le moins émetteur de CO2 au monde avec seulement 8,6 g par voyageur et pour 1 kilomètre parcouru) de même que des voyageurs renforcera la compétitivité des territoires.

En somme, la RD Congo, pour s’assurer d’un développement harmonieux, doit lancer un chantier de modernisation des 5033 kilomètres de son réseau ferroviaire existant (RVB, équipements de signalisation, aiguillage, double voies, électrification, etc.) et de construction des nouvelles lignes ferroviaires d’environ 10 000 kilomètres pour assurer un meilleur maillage du territoire et favoriser l’intermodalité.  Ainsi, elle disposera d’un réseau ferré national (RFN) d’un peu plus de 15 000 Km au total dont le coût d’investissement oscillerait entre 60 et 65 milliards de dollars USA.

Se lancer dans un tel chantier pharaonique est certes très coûteux pour une économie comme celle de la RD Congo mais qui reste insignifiant par rapport à la valeur de notre sous-sol estimé par la Banque Mondiale à 24 000 milliards de dollars USA. La réalisation d’un tel projet vital pour son développement créerait de centaines de milliers d’emplois directs et indirects. Pour ce faire, nous appelons l’Etat Congolais à se doter d’un fonds garanti par les matières premières stratégiques afin de financer la construction de toutes les infrastructures dont il a besoin pour reprendre sa place dans le concert des Nations.

 

Claude Mwangelu

Directeur de projets, Cadre supérieur SNCF

 

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