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Culture : Nos arts et traditions sont les reflets de nos valeurs

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Les scientifiques s’accordent à qualifier l’Afrique de berceau de l’humanité. Nos ancêtres ont su protéger et gérer leur patrimoine naturel et culturel: pourquoi ne pourrions-nous pas gérer le nôtre et en faire le ciment de notre identité culturelle?

Qu’est-ce que l’identité culturelle?

L’identité culturelle, c’est ce qu’un individu a en commun avec les autres membres du groupe. Par exemple une langue, des lois, des codes, des mythes, des proverbes, des valeurs… L’identité culturelle est l’affirmation d’un noyau de valeurs persistantes et qui servent de ciment entre l’individu, sa culture et les différents groupes d’appartenance.

Arts et traditions en RDC sont le reflet de nos valeurs

 

 

Le 22/05/2019

 

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Arts et cultures

Si le lion, la lionne et ses petits du parc national de Kundelungu figurent sur le billet de 20 Fc. Si l’éléphant figure sur le billet de 100 Fc. Si l’agriculture et les instruments de musique illustrent le billet de 200 Fc. Si l’exploitation artisanale du diamant est retracée sur le billet de 500 Fc, c’est que l’État est conscient de ses richesses, et que notre monnaie est le fil conducteur d’une identité culturelle et naturelle.

Si le bâton d’Ishango dans le parc des Virunga à l’Est de la RDC est le système de calcul le plus ancien de l’humanité et en quelque sorte la première machine à calculer mise au point par l’homme, il y a déjà vingt mille ans…

Si les chefs-d’œuvre d’Afrique centrale sont mis en valeur dans tous les musées internationaux comme au musée des Arts premiers à Paris, voulu par le président Chirac…

Alors nous, les enfants de RDC, devons apprendre à connaître les richesses de notre patrimoine culturel, conservé et étudié par nos musées et nos parcs nationaux, nos jardins botaniques, nos réserves de biosphère.

Prenons par exemple l’image du masque. Tout le monde le connaît mais avons-nous conscience de son sens profond, de sa symbolique? Le masque se conçoit comme un tout: costume, gestes, paroles, danse. Il sort à des occasions précises de transition : naissance, initiation, deuil, saison, cycle lunaire. Il soude la communauté autour d’un message codé et crée une solidarité et une responsabilité.

Le masque qui vient de la forêt, est issu d’un arbre aux propriétés effectives et symboliques, propriétés observées et éprouvées. Le masque, enfin, lie l’homme et la nature, symbolise le passage d’un monde à l’autre.

Les biens fonciers, c’est-à-dire la terre, ce que nous avons de plus précieux dans notre pays, sont traditionnellement entérinés par les esprits des ancêtres fondateurs et les esprits de la nature. Le respect du rituel et le sens du sacré permettent aux hommes de vivre en communication avec la nature, héritage exceptionnel et divinisé.

 

Nos arts et traditions sont les reflets de nos valeurs

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Les chefs coutumiers sont censés détenir leur autorité traditionnelle des esprits de la nature et des ancêtres. Ils utilisaient et utilisent encore des objets symboles de leur pouvoir comme le tabouret, la canne, le porte-flèche… Ces ustensiles étaient chargés de pouvoirs magiques par le nganga. Celui-ci est quelqu’un qui a appris à soigner par les plantes et a été initié à certaines techniques liées à la magie, à la divination, à la religion. Il assiste le chef dans sa gouvernance, rend les objets efficaces en y intégrant des charges magiques et tente de résoudre les problèmes rencontrés par la communauté : deuil, maladie, stérilité…

 

Gérer, respecter, transmettre; égalité, responsabilité, solidarité…

Ces valeurs se retrouvent dans des objets ethnographiques appartenant à la collection permanente du Musée national de Lubumbashi, au Katanga. Découvrons-les. La responsabilité d’une bonne gouvernance. Agir pour solidariser la communauté.

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Statuette janiforme kajeba, bangubangu, Maniema.

Cette sculpture est transmise au chef lors de son investiture. Elle comporte deux visages qui représentent les ancêtres féminin et masculin, fondateurs du lignage. Elle permet au chef d’acquérir un don de double vue et d’entrer en contact avec les esprits ancestraux afin de résoudre les problèmes rencontrés par la communauté.

 

Éduquer : les secrets de l’agriculture se transmettent.

Les mythes qui font allusion à la connaissance de l’agriculture sont nombreux en RDC. Dans certains royaumes, les mythes d’origine révèlent que le Dieu créateur aurait convoqué les hommes pour leur livrer le secret de l’agriculture. Ensuite, lors des grandes migrations, les ancêtres fondateurs auraient conservé précieusement dans le secret de leurs coiffures les semences nécessaires aux cultures.

Le mythe originel luba rapporte que, lors des migrations, la soeur du chef aurait transporté dans un espace creux sous les tresses de sa coiffure, les éléments culturels essentiels : les graines de plantes comestibles, le feu vital et le panier pour la récolte des impôts. Cette tradition orale met donc en scène un chef et sa soeur, héros mythiques qui furent à l’origine de l’expansion de l’agriculture. Le tressage en cascade ou cruciforme des sculptures luba et hemba garde la trace de ce geste qui assurait à la collectivité la possibilité de se nourrir à long terme. Dans l’intersection de la croix, un rectangle symbolise la forme du paquet de semences. Les quatre directions de la coiffure évoquent l’univers, et leur intersection, le lieu où les esprits se divisent et se rassemblent. D’autres coiffures, en cascade, sont une variante de ce symbole. Ces populations et d’autres ont créé les grands royaumes de la savane du XVè au XVIIIè siècle.

Aujourd’hui, ce type de coiffure est aussi associé à l’autorité politique du royaume; il se rapporte aux signes de la voyance, reflète le rôle réel et symbolique de la femme, évoque les quatre directions de l’univers et le carrefour des esprits et résume la devise des hommes de la mémoire, membres de l’association secrète Mbudye: «tous pour un et un pour tous». Proverbe qui, malheureusement, s’oublie de plus en plus !

 

L’égalité des droits dans un foyer

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Le couvercle à proverbe ngunga, woyo, Kongo central, est en bois dur, lourd et résistant. Il doit se transmettre de génération en génération, dans la lignée des femmes.

Généralement, ce type de couvercle est utilisé lorsqu’éclate une brouille conjugale. La femme couvre la nourriture qu’elle a préparée pour son mari avec un couvercle orné de personnages qui expriment, par les proverbes illustrés, les raisons de son mécontentement. Les messages qu’indique le couvercle permettent à la femme d’exprimer à son mari ses griefs, cela devant la communauté des anciens. Les motifs utilisent la symbolique du chiffre trois. Toutes les bonnes choses viennent par trois : un mari doit donner à sa femme des vêtements ; une femme doit faire la cuisine pour son mari; ils doivent avoir des enfants. Le mari comprend ainsi l’élément qui fait défaut et peut remédier au problème dénoncé. S’il n’apporte pas de solution, la femme peut divorcer, en accord avec le conseil des anciens.

Par contre, l’homme défaillant ne pourra pas prétendre à se remarier. Les messages anecdotiques du couvercle du MNL parlent d’un mari paresseux, irresponsable et incapable de nourrir sa famille. Il aurait perdu son mariage et aurait été condamné à rester célibataire à vie par le conseil des Anciens.

 

L’homme initié, qui a appris le savoir des Anciens, connaît et respecte son patrimoine culturel

Les rites d’initiation se différencient d’un peuple à l’autre. Pour certains peuples, l’école d’initiation, n-khanda, est liée aux rites de la circoncision. Le plus souvent, les peuples de la savane (Tshokwe, Pende, Yaka…) qui les pratiquent les font accompagner d’une sortie de masques que portent les novices. Pour d’autres peuples, l’initiation permet de devenir membre d’une association secrète (Luba, Lega, Kuba, Leele). Ici, les initiés sont reconnus à partir du port d’un insigne.

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Masque d'initiation Yaka 

Les périodes de transition que sont la nouvelle lune, les deuils, les rites thérapeutiques et la fin du rituel de circoncision, lorsque les garçons pubères forment une nouvelle génération, étaient et sont encore marquées par des danses, chants et roulements de tambour. Pour l’initiation des jeunes garçons, on utilise les planches initiatiques.

Elles sont ornées de figures humaines ou animales ou d’idéogrammes (motifs géométriques symboliques), et de couleurs (rouge, noire, blanche) qui relèvent d’une haute valeur symbolique et didactique pour les jeunes garçons dans le camp d’initiation et pour la communauté. Les enseignements qui s’y rapportent dévoilent les grands secrets de la nature, des lois de l’univers et des forces mystérieuses qui conduisent à la sagesse. Cette sculpture représente un jeune initié après la circoncision. Le rouge est le symbole de la métamorphose accomplie : ce n’est plus un enfant mais un adulte responsable, qui détient les secrets de son patrimoine culturel. Le maître de l’initiation qui transmet les connaissances possède un puissant et incontournable pouvoir qu’il libère, capitalise, contrôle et redistribue au bénéfice des jeunes initiés pour la maîtrise des forces vitales cachées. La rigueur, la discipline et le respect des interdits sont indispensables pour la réussite de l’initiation. En soi, l’initiation est toujours comprise comme l’étape la plus dure de la vie où tout s’apprend en endurant des épreuves et des souffrances qui peuvent parfois coûter la vie. Il faut avoir du courage et être astucieux pour les surmonter. À la fin de l’initiation, le jeune initié, qui s’est rendu en brousse en tant que profane, revient au village pour être intégré dans la vie d’adulte en tant qu’homme culturel.

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Crâne de singe mungugundu, lega, Kivu-Maniema.

Enveloppé dans un morceau de peau d’écureuil, aux yeux représentés par deux boutons, ce crâne fait partie des objets initiatiques. Il métamorphose plusieurs symboliques dont celle d’un chef ou d’un père de famille qui prend trop peu de soin de ses subordonnés ou de l’avenir de ses enfants. Il peut aussi représenter les éclaireurs d’une troupe d’armée. Il est utilisé pour responsabiliser ceux qui détiennent le pouvoir.

 

Eco Congo

Les masques pris pour des fétiches en RDC

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Les masques seraient couverts d’esprits mystiques, quels qu’ils soient. Cette considération de l’ordre d’idées reçues, ou plutôt vestige de l’évangélisation de la RDC, nuit aux arts. Victime d’un christianisme protestant puriste adressé sans nuance aux pauvres et personnes non instruites, la sculpture ne peut ainsi avoir de clients parmi de nombreux Congolais.

 

Les masques parlent sans voix, ils sont porteurs de sens. Les Congolais le savent bien, qu’ils soient citadins nés ou venus des villages ! En religion ou chez les féticheurs, les masques jouent sur cette capacité communicationnelle. Dans les musées, ils sont représentatifs d’une certaine époque, d’histoire. Portés dans nos maisons ou dans les lieux de prière, ils acquièrent une dimension bien plus mystérieuse, associés à des puissances spirituelles. Alors ils peuvent effrayer, rassurer…

 

Des référents culturels qui effraient

Certains masques ne peuvent alors être ni approchés, ni touchés que par les seuls initiés. Et c’est là la peur. Et c’est l’image qui circule de ces œuvres d’art qui en réalité, ne sont que morceaux de bois auxquels les sculpteurs ont donné de la forme, appuyés sur leurs subjectivité et sensibilité, essayant de les extérioriser, les communiquer.

Chez les peuples Tshokwe du Katanga, comme chez les Pende,  par exemple, les masques sont rituels. Lors des  événements particulièrement importants, ces communautés invitent les objets dans un rituel approprié, une danse par exemple. C’est le cas à l’intronisation d’un chef, au cours des cérémonies funèbres, lors de l’initiation des jeunes à la vie d’adulte, etc. Le sociologue Xavier Nkumisongo, professeur à l’Université de Lubumbashi, fait observer que ‹‹ les masques rituels sont comme des médecins guérisseurs ou fétiches ››, chez les Pende et les Tshokwe. Ces rituels confèrent aux masques des conceptions que les évangélisés perçoivent en premier, au premier contact.

Les Tshokwe et les Pende sont convaincus que les masques sont opérateurs de miracle et cela est vécu dans plusieurs croyances. Ils sont connus comme pouvant apporter des solutions adéquates aux problèmes qui rongent le peuple, rien qu’en ramenant un dans sa maison, par exemple. ‹‹ Ils permettent de lever les mauvais sorts, guérir le peuple contre des épidémies dans le village ››, ajoute le sociologue.

 

Les masques portent l’âme des peuples

 

Les masques sont historiques et sont diversement utilisés ou interprétés selon les peuples. Ils sont, parfois, conçus dans le but rituel. D’autres le sont dans un but bien précis : religieux, fétichiste, funèbres. La modernité, née avec l’évangélisation de l’Afrique qui les a associés sans nuance aux fétiches et à l’idolâtrie, menace toutes ces œuvres. On en arrive à une équation presque trop facile : masque égale idolâtrie ou fétichisme. Alors ils sont à détruire, à brûler, à fuir.

Pourtant, beaux, porteurs de joie, comme le masque d’initiation des jeunes à la vie adulte, les masques sont des objets ordinaires. On les trouve, dans les sociétés traditionnelles, parmi les religieux (catholiques, par exemple). Malemba Nsaki est Anthropologue et professeur à l’Université de Lubumbashi. Il fait remarquer que ‹‹ les masques sont des  faits culturels, importants pour les peuples qui en font usage, alors que d’autres les utilisent comme emprunt. Chez les Tshokwe ou les Pende, les masques sont l’âme des peuples ››. Dès lors, d’après lui, conserver les masques c’est conserver une partie de soi, ses racines, ses origines. C’est l’autre usage des masques, très régulier chez les africains de la diaspora. En les affichant dans leurs salons ou leurs bureaux, ils affirment une identité, africaine, congolaise, tribale, etc. et croient ne pas pouvoir le perdre.

 

Protéger l’art et des valeurs culturelles

Le sociologue Nkumisongo pense que ‹‹ c’est un relâchement coupable ›› que de voir présenter des valeurs culturelles comme rétrogrades. Il s’inquiète que les dirigeants, eux non plus, ‹‹ ne croient plus aux considérations des peuples, créant des contradictions entre ce que vise le peuple et ce que veulent les gouvernants avec leurs orientations euro-occidentales ››, plus que africaines. En tout, il manque un travail d’éducation des peuples pour s’accepter.

Mais il sera peut-être question, en même temps, question d’éduquer les prédicateurs pour arriver à distinguer masques œuvres d’art, et masques potentiellement fétichistes. Car au-delà de la guerre déclarée contre ces œuvres, il y a une économie que l’on tue, et des professions que l’on enterre en RDC et en Afrique.

Arsène Bikina

Date de dernière mise à jour : lundi, 27 mai 2019

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Commentaires

  • A. Nkengi

    1 A. Nkengi Le jeudi, 12 décembre 2019

    Excellent article qui pousse à se rapprocher d'avantage de notre identité culturelle

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