Le 11/11/2017
Les Budja, Budza ou Mbuza, (parfois francisé Boudjas) sont un peuple de la République démocratique du Congo. Ils se situent principalement dans la province de la Mongala et le secteur et commune de Bumba. Les Budja sont des Bangalas, l'appellation qu'on donne à tous les habitants limitrophes de la partie nord du fleuve Congo.
Le Territoire de Bumba possède des villages tel que Bandala, Yamisiko, Yapaka, Yakenge, Bonzo, Kwanza, Monzamboli, Manga, Ebonda (un centre missionnaire de protestant), Yaligimba, Yakoloko et beaucoup d’autres. Ce peuple a constitué la majorité de la force publique du Congo lors de l'indépendance; et raison pour laquelle, plusieurs hauts gradés de l'Armée en sont issus, notamment des généraux qui occupèrent le poste de Chef d'États Majors Généraux du Congo-Kinshasa.
Histoire
Les Budza vivaient originalement dans le Bas-Uele, mais ont été poussés à migrer par les Azande, les Babenza et les Babati eux-mêmes poussés par les Arabes au xviiie siècle.
Selon la tradition orale, les Budza ont deux frères comme ancêtres. Le premier appelé Budja ou Budza, et le second Eloa, un guerrier vaillant. Les descendants d’Eloa sont appelés Budja Eloa, et les descendants de Budza, simplement Budza.
Eloa est un lointain ancêtre dont on sait peu de choses sur lui. Ses descendants, les Budja Eloa habitent la partie Nord du territoire de Bumba. Terriens par opposition à leurs frères riverains, leur territoire n'est pas clairement délimité. Appelés parfois les «?Abo Abo?», dérivé de mbi nilogi bo (moi, je dis), leur identité repose sur egenza, leur variété locale fortement apparentée au parler des Babenza et des Ngombe. Les terriens comprennent et parlent la langue des riverains, mais pas inversement. Sur la base des critères linguistiques, on peut dès lors délimiter l'emplacement de cette communauté qui est répandue dans le secteur Yandongi et dans les groupements ci-après : Auma, Bokoy, Bondunga, Yalisika, Yambila et Yanzela. Sans frontières communes, la même variété est parlée à Bolupi dans le secteur Mondzamboli et dans les groupements Bokoy et Gongo dans le secteur Bandayowa.
Au début du xxe siècle, les Budja sont connus pour leur hostilité vis-à-vis des autorités de l’État indépendant du Congo qui ont imposé le transport d’ivoire et de caoutchouc, ils se révoltent d'ailleurs de 1903 à 1905.
Les migrations des Budja (Ba mbunza)
Les Budja proviennent de la région de l’Uele où ils vivaient avec les Bagenza, les Mobango et les groupes apparentés. À partir des sources de la Lubi, affluent de l’Itimbiri, ils se dirigèrent vers le sud ouest, en suivant deux voies principales. La première voie fut suivie par les Budja dits «Yalisika », qui deviendront célèbres pour leur résistance aux Arabisés et aux Européens. L’autre voie fut celle empruntée par les Bagenza et les Bongbongo. La principale raison de leur départ de la région de l’Uele fut la guerre contre les Azande. Malgré leur victoire sur ceux-ci, qui n’osaient plus les attaquer, les Budja ont préféré migrer vers le sud-ouest.
Après avoir traversé la rivière Itimbiri, les Budjadu groupe Yalisika fondèrent plusieurs grands villages dans la région de Makombo ou Bokombo, affluent de la Loeka et près de Kulungame. La région de Bokombo se situe à mi-chemin, sur la ligne reliant Bumba à Ibembo. Après avoir fondé six villages, qu’ils abandonnèrent, à la recherche de meilleures terres, ils furent attaqués par les Ngbandi du territoire d’Abumumbazi, appelés «Butu». Les Budja infligèrent une défaite cinglante aux Ngbandi, qui ne revinrent plus jamais. Vint ensuite le tour des esclavagistes arabo-swahili appelés «Matambatamba » venant des Falls (Kisangani), et qui avaient atteint l’Itimbiri, afin de se mesurer aux Budja. Ils furent également battus, malgré leurs armes à feu, qu’ils abandonnèrent aux mains des Budja.
Si, grâce à leurs victoires sur les Azande, les Ngbandi et les Arabo Swahili, les Budja constituaient une sorte de rempart ou de protection pour les groupes du Sud (Ngombe-Doko et Mongo), ceux ci n’en subirent pas moins les attaques des Budja, qui allèrent jusqu’à les repousser sur la rive gauche du fleuve Congo.
Les Bongbongo et les Bagenza ne traversèrent pas directement l’Itimbiri. Ils longèrent la rive gauche et vécurent près de nombreux cours d’eau: Lobi, Likati, Matuame, Okange et Motulu. Ils luttèrent aussi contre les Azande et les Ngbandi, qui les repoussèrent vers le sud. Après les attaques des Matambatamba, les Bongbongo attaquèrent, à leur tour, les Apakabeti et nouèrent des relations avec les Budja de Yalisika aux sources de la Dua.
Tenant compte du fait que les attaques des Swahili eurent lieu dans les années 1880, on peut situer l’arrivée des Budja Yalisika aux sources de la Dua dans les années 1870. Ils occupaient donc la région de la haute Mongala depuis plus de deux décennies lorsqu’ils furent visités par les Blancs, dans les années 1890, en vue de les soumettre à l’exploitation du caoutchouc.
Les autres Budja qui traversèrent plusieurs fois l’Itimbiri occupèrent les deux rives de cette rivière, avant de s’étendre sur une bonne partie du territoire actuel de Bumba. Ceux de la rive gauche se retrouvent aujourd’hui dans la région de Mokaria.
Ajoutons que malgré leur bravoure aux combats, les Budja de la rive droite ont parfois affronté des ennemis redoutables (cf. infra).
Les traditions signalent les fameux Ehumba (Fonds d’archives B.Verhaegen), qui attaquaient les villages la nuit et forcèrent quelques groupes à aller s’installer sur la rive gauche de l’Itimbiri.
Il ressort de cette étude que les Budja furent les derniers à occuper le territoire de Bumba, dans la provincr de la Mongala. Les populations antérieures, les Batswa, les Mongo et les Ngombe Doko, furent repoussées soit vers le sud du fleuve, soit vers l’ouest.
Les affrontements entre les Budja et les Ngombe sont pourtant rarement évoqués. En réalité, la province est un point de rencontre, car les deux groupes ont suivi des voies différentes. Bien que venant tous de l’Uele, les Ngombe-Doko passèrent par la Mongala, tandis que les Budja progressèrent par l’Itimbiri.
Dans les frontières communes, se trouvent des populations qui ont subi des influences réciproques et il est difficile de les classer dans le groupe Ngombe ou dans le groupe Budja.
Les Budja et les groupes apparentés sont facilement identifiés par leurs villages, qui portent les noms des fondateurs précédés de Ya, par exemple
Ya-Ligimba (Yaligimba), Ya-Molanga (Yamolanga), Ya-Ndombo (Yandombo), Ya-Mongili (Yamongili).
D’après Jan Vansina, il s’agit ici d’un indice important d’une innovation institutionnelle qui apporta une innovation linguistique dans son sillage.
« […] on se mit à désigner les maisons, les villages et parfois les districts* par le nom de l’ancêtre patrilinéaire fondateur supposé, préfixé par ya- qui signifie “les enfants de” ou “les gens de”. Quelle que soit l’origine ultime de cette pratique, ce fut une innovation dans la région, et une innovation toujours liée à la nouvelle institution patrilinéaire. Elle exprima la nouvelle vision d’une façon à la fois économique et puissante » (Vansina 1991: 141).
Précisons, pour terminer, que les Budja avaient traversé l’Itimbiri avec l’aide des riverains bombanga. Pour les services rendus lors de la traversée, les Yandongi avaient dû offrir une femme au chef des Bombanga. À l’époque pré-coloniale, le pays des Budja, qui ne se réduisait pas au territoire de Bumba, mais s’étendait jusque dans la Province Orientale, dans le secteur Mobango-Itimbiri, était divisé en chefferies traditionnelles à base clanique.
Chacune d’elles avait son chef et demeurait indépendante des autres.
Voici comment la tradition explique l’origine et l’expansion des Budja
Les Budja sont originaires d’«Okombo» ou «Bokombo», lequel mot signifie «parassolier » (Musanga cecropioïdes). Bokombo est l’ancêtre des Budja actuels.
À la suite d’une disette, les compatriotes de Bokombo durent déménager en quête de sites propices. Celui-ci partit lui aussi à la recherche d’un milieu favorable pour habiter avec sa famille.
Il appela le lieu trouvé de son propre nom. Dans ce nouveau village, il eut quatre enfants: Mbesa, Obango, Budja et Ngelema. Ce lieu est actuellement localisé à cinquante kilomètres de Bumba au N-E de la rivière Itimbiri.
Devenue nombreuse, la famille de Bokombo se heurta à des conflits qui la divisèrent. Certains estiment que les causes de cette séparation seraient les querelles interclaniques: Mbesa se sépara de son frère Budja à cause de l’adultère. Cependant, les vieillards qui racontent cette aventure avec le souci de ne pas toucher à la morale, contournent la cause en disant que Mbesa et son frère Budja se disputèrent la tête d’une antilope et ce conflit occasionna leur séparation.
Ainsi, Mbesa traversa le fleuve – qu’ils appelaient Mbanze –, avec son fils, pour s’installer sur l’autre rive ; Obango et Ngelema partirent pour l’est de Bumba actuel. Mais Budja ne voulut pas quitter le village ancestral, il y demeura et engendra cinq enfants: Sila, Mweke, Likombo, Eleko, et Zonga.
De nouveaux conflits naquirent et les cinq frères se divisèrent. Eux pourtant finirent par s’éparpiller dans la périphérie de la zone de Bumba de la manière suivante :
a). Sila : là où il fut, engendra Ndombo (Yandombo). Ndombo lui donna deux petits-fils: Liambi (Yaliambi) et Onama ;
b). Mweke, de son côté, eut deux fils: Salaka (Wasalaka) et Sanga (Bosanga). Salaka engendra Mbula (Yambula), Esele (Yaesele) et Opoto (Bopoto). Sanga eut comme enfants Mongi, Tinda, Soku, Humba, qui est le père de Etowa (Yaetowa).
c). Likombo est le père de Lisambi (Bosambi). Bosambi engendra six enfatnts: Ngolu (Bongolu), Mongili (Yamongili), Muha, Mbongo, Nkoyi et Koma.
d). Eleko eut lui aussi six enfants: Manga, Misiko (Yamisiko), Lombo (Yalombo), Paka (Yampaka), Molanga (Yamolanga) et Kpanza (Kwanza).
e). Zonga engendra un seul fils, Nkasi, qui eut lui aussi un enfant, Mombwa; ce dernier est le père de Tsonzo (Yatsonzo), Boli et Ngola (Yangola).
On le voit, d’après cette tradition orale, toutes les appellations du territoire de Bumba dérivent des noms des fils de Budja.
Dans la province de la Mongala, les Budja habitent le territoire de Bumba. D’autres groupes y résident également, les Bangenza et les Pakabete, qui représentent respectivement, d’après les estimations de l’équipe locale dépêchée sur le terrain, 9% et 1% de la population totale, les Budja représentant 90% et deux peuples, démographiquement très minoritaires, les Bapoto et les Mabinza.
Les Budja sont éparpillés dans l’ensemble du territoire ; d’autres peuples cohabitent avec eux :
– les Bapoto, qui habitent les rives du fleuve Congo, près de Bumba et d’Ebonda ;
– les Bobanga, des riverains qui, actuellement, parlent l’ebudja. Ils sont installés près de Yambuku;
– les Pakabete, aussi appelés «Libombo», qui forment une dizaine de villages au nord de Yandongi;
– les Bangenza, apparentés aux Ngombe, du groupe des Bokoi Engbanda ; ils habitent au nord de la mission catholique Yalosemba.
*Les termes «maison», « village » (ou assemblage de maisons) et «district » sont précisément définis par J.Vansina au sens ethnologique. Par exemple, «district » n’est pas utilisé ici au sens administratif relatif à la division coloniale du territoire congolais. Jan Vansina parle, lui, du district comme groupe social imbriqué dans l’armature de la « société ancestrale » (Vansina 1991 : 89, 101-104). Et de là, à travers son évolution, on en arrive à la notion de « chefferie territoriale » (Vansina 1991 : 144).
Noms
Plus près de nous fin xixe siècle, début xxe siècle, il y a eu Eseko, un autre guerrier Budja Eloa, fils de Mongangu et de Mamosebeni, originaire de Bondongo, groupement Yalisika, farouche opposant à la colonisation. Le groupement Yalisika se compose des villages que voici de l'Est à l'Ouest : Bosanga, Yamadzo, Bokombo, Yamahimbi, Yamuha, Bondongo, Bwehe, Yamono et Bongolu. L'actuel chef de groupement s'appelle Ambena.
Sur le plan linguistique, chez les Budja Eloa, Ya, Bo et Boso sont des préfixes qui signifient : fils de, descendant de, originaire de, appartenant à. Placés au début d'un nom propre, ils signifient : descendant de. Suivis du nom propre, ils indiquent la filiation. C'est ainsi que la plupart des noms de villages commencent par Ya ou Bo ou encore Boso pour désigner la descendance. Exemple : Yabia signifie descendant d'Abia; Bondunga signifie descendant de Ndunga et Boso Lisika signifie descendant de Lisika. Lihau ya Bisebi signifie Lihau fils de Bisebi, etc. Le substantif Litungu s'emploie aussi pour désigner un groupement, par exemple : Litungu la Elumba signifie le clan d'Elumba. Chez les Budja, on emploie le préfixe Monga, par exemple : Monga Makundu, fils de Makundu.
Les noms budja eloa les plus courants : Abia, Abuba, Adogo, Alunga, Ambalu, Ambena, Ambele,Angumo, Atundu, Aundu, Bosa, Botulu, Djonga, Ebele, Eboma, Ekutsu, Elenga, Elumba, Enzongo, Esande, Eyenga, Ezando, Lieko, Lihau, Lisika, Lingango, Litungu, Maamomi, Mabe, Madjo, Magbeta, Maboso, Makambo, Makundu, Mangongo, Mbongo, Mbuli, Mambune, Monama, Mongali, Mopotu, Mosala, Motuta, Ndongo, Nzia, Tinda, etc.
Certains noms ont une signification, tels par ex. : Mopotu : village abandonné; Litungu : clan; Ndiwa ou Memba : sorcier; Nzia : chemin, voie; Ekutsu : ce qui a une odeur; Maboso et Mangongo : le premier et deuxième des jumeaux; Magbeta et Monama : arc-en ciel ou génie; Mongali : Dieu; Tinda : enfant dégagé par les jambes; Djonga : maléfice; Ndongo: critique, calomnie.
Culture
Comme d’autres cultures de la région, lorsqu’un membre de la famille n’a pas d’enfant, il ou elle reçoit la charge d’un enfant d’une sœur ou d’un frère si ce dernier en a plusieurs.
Les veuves, lorsqu’elles ont eux un ou plusieurs enfants avec leur mari, reste avec la famille et dans le village de celui-ci, car les enfants sont considérées comme membre de la famille de leur père.
Traditionnellement, les Budjas étaient polygames, mais seuls les chefs pouvaient généralement se permettre d’avoir plusieurs femmes. En cas de décès, la veuve pouvait accepter d’épouser un des frères de son défunt mari.
Chez les Budjas Eloas, le lévirat, la coutume selon laquelle l'épouse d'un homme devient à sa mort l'épouse de son frère, se meurt. Par ailleurs, le code de l'honneur interdit de coucher avec la même femme que son frère.
Les Budjas sont connus pour le malemba (libulia ou mabulia en kimbuza), un plat à base de manioc bouilli, puis râpé et trempé afin de diminuer l'acidité.
La danse traditionnelle budja est appelée engundele.
Personnalités
- Eseko, grand-chef traditionnel
- André Genge, journaliste et politicien
- Marcel Lihau, constitutionnaliste
- Jeannine Mabunda, politicienne
- Hilaire Mayamba monga Liwanda, homme politique