À la recherche de Mbanza Nsundi, capitale provinciale du royaume Kongo
Le 18/02/2019
Fouilles archéologiques au site de Kindoki (Kongo central)
Le royaume Kongo figure parmi les rares structures politiques pré-coloniales de l’Afrique centrale documentées dès le début du XVIe siècle. Les cités historiques de Mbanza Kongo et Mbanza Soyo du royaume Kongo ainsi que la capitale du royaume voisin de Loango y sont couramment citées comme modèles d’agglomérations urbaines pré-coloniales. L’histoire des autres anciennes agglomérations Kongo demeure assez méconnue. Bien que de nombreuses sources cartographiques et écrites mettent en évidence l’existence d’un réseau d’agglomérations dense et important au carrefour des axes commerciaux entre la côte Atlantique et son hinterland, aucune d’entre elles n’est bien localisée dans l’espace ou décrite en détail. A cette rareté de données historiques s’ajoute l’insuffisance de fouilles archéologiques utiles à la compréhension du paysage socio-économique et de la chronologie de ces agglomérations connues sous le vocable de Mbanza. Seuls Mbanza Kongo et Mbanza Soyo ont fait l’objet de fouilles archéologiques préliminaires.
Afin de combler ces connaissances lacunaires, le projet interdisciplinaire et inter-universitaire KongoKing (http://kongoking.org/) s’est investi pour mieux comprendre l’histoire de ces sites supposés Mbanza et leurs périphéries.
Autour de cette tentative de reconstruire les origines et l’histoire ancienne du royaume Kongo se sont réunies l’Université de Gand (UGent), l’Université libre de Bruxelles (ULB) et le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) du côté belge ainsi que l’Université de Kinshasa (UNIKIN), l’Université Kongo et l’Institut des musées nationaux du Congo (IMNC) du côté congolais. L’arrêté ministériel n° 0115/CAB/MIN/JSCA/2012 du 8 août 2012 signé par le ministre de la Culture et des Arts autorise pour cinq ans les recherches de terrain du projet KongoKing dans les provinces du Kongo central, de Kinshasa et du Bandundu. Les recherches archéologiques de ce projet belgo-congolais se sont concentrées depuis 2012 sur le bassin de l’Inkisi, l’un des principaux affluents du fleuve Congo dans la province du Kongo central. Les capitales des provinces de Mbata, Nsundi et Mpangu du royaume Kongo se sont établies dans cette vallée. Une meilleure connaissance de l’essor de ces Mbanza contribuera donc aussi à une meilleure compréhension de leur importance dans le processus de centralisation politique et d’intégration économique au sein du royaume.
Aborder la question des mbanza du bassin de l’Inkisi nécessite tout d’abord de vérifier leur localisation dans l’espace et dans le temps, ce qui pose une série de problèmes. Comme nous le montrons dans cet article à partir de l’ancienne capitale de la province de Nsundi, ces agglomérations historiques s’avèrent difficilement localisables sur le plan archéologique. Nous présentons ici les résultats des fouilles archéologiques que nous avons effectuées sur la colline de Kindoki (05°04'069" S ; 15°01'403" E) que nous pensons être une partie de l’ancien Mbanza Nsundi. Ce site est situé dans la province du Kongo central, à 10 km au nord-ouest de la cité de Kisantu et à 30 km au sud du site historique Seli Safari Zongo où se trouvent les fameuses Chutes de Zongo.
1. La localisation de Mbanza Nsundi dans les sources historiques
En tant que capitale de la province de Nsundi et résidence de ses gouverneurs, Mbanza Nsundi a joué un rôle central dans l’expansion territoriale de cette province. Avant son intégration dans l’administration centrale du royaume qui eut lieu avant l’arrivée des Portugais en 1482, la province de Nsundi formait une entité politique indépendante. Les témoignages historiques collectés vers le XVe et XVIe siècles, mentionnent l’intégration des régions de Nsanga et Mazinga, districts de la province de Nsundi, dans le giron du royaume Kongo, lors des campagnes militaires du roi Nzinga Kuwu (règne :?-1509) ainsi que de son fils Afonso 1er (règne : 1509 1543) qui fut, avant d’être roi, gouverneur de la province de Nsundi. Cette conquête a conduit au contrôle des zones productrices de fer et de tissus de raphia par l’élite Kongo.
L’importance de cette province s’est traduite par l’attribution de la gouvernance de Nsundi au fils aîné du roi et son successeur probable.
Sur la base des témoignages historiques complétés par les traditions orales récoltées au XXe siècle, il fut possible de resserrer l’emplacement de Mbanza Nsundi aux environs de la cité actuelle de Kisantu. Selon Joseph Van Wing (Joseph VAN WING, Etudes Bakongo, Histoire et Sociologie, Bruxelles, Goemare, 1921, p. 109.) « vers la fin du XVIe siècle, l’ancien "duché de Nsundi" avait sa capitale dans le coin formé par le Congo et l’Inkisi, probablement à l’emplacement actuel de la Mbanza Nsundi ».
C’est une hypothèse qu’il réitère dans la traduction des écrits de Montesarchio : « la capitale du Nsundi était située près de l’Inkisi, sur la rive occidentale, au nord du chemin de fer, près du village actuel de Mbanza Nsundi, non loin de Bololo». Ils ont été rejoints dans cette hypothèse par Joseph de Munck.
Ce dernier accompagna en 1973 Pierre de Maret lors de ses recherches aux alentours du village actuel de Mbanza Nsundi. Le chef local put leur montrer la tombe d’un ancien Duc. D’après Karl Laman (Karl Edward LAMAN, The Kongo II, Uppsala, Almqvist & Wiksells, 1957, p. 138.), le dernier Duc de Nsundi fut enterré en 1835. L’existence de tombes ducales sur la colline de Kindoki a été reconfirmée lors de l’interview des chefs locaux faite par Bernard Clist lors d’une mission préparatoire en mai 2012. À cette occasion, il fut aussi dit qu’une église se trouva tout près de la tombe ducale. L’existence d’une église à Mbanza Nsundi est en effet attestée dans plusieurs sources à partir du XVIIe siècle. Tous ces éléments historiques ont conduit l’équipe KongoKing à effectuer des fouilles sur la colline de Kindoki, située à environ 750 m au nord du village actuel de Mbanza Nsundi dans le but d’identifier les tombes ducales ainsi que l’ancien centre de la capitale de Nsundi où se trouvait peut-être l’église susmentionnée.
2. Les fouilles à Kindoki/ Mbanza Nsundi
La colline de Kindoki (05 04'069”S ; 15°01’403” E) est actuellement située en RDC, plus particulièrement dans la province du Kongo central (Fig. 1AB). Elle s ’étend sur une superficie d’environ 30 ha. Son substrat géologique est composé de schiste calcaire de l’unité Bangu. Son sous-sol contient des sables qui sont plus ou moins argileux, avec souvent des galets à la base. La province du Kongo central est caractérisée par un climat tropical humide (selon le système de classification de Köppen, elle appartient type climatique Aw 4). La saison pluvieuse alterne avec la saison sèche. La température moyenne annuelle oscille autour de 25 °C. La moyenne annuelle des précipitations s’élève à environ 1 600 mm. L’humidité relative sur l’ensemble de la province se situe autour de 80 % pour tous les mois de l’année .
Au temps du royaume Kongo, la colline était située dans la province de Nsundi (Fig. 1C), une zone probablement densément peuplée avec des sols relativement fertiles et une végétation mixte constituée de savanes et de forêts[11]. Depuis le XVIème siècle, elle faisait vraisemblablement partie de l’ancienne capitale de cette province (Mbanza Nsundi)
A. Localisation de la République démocratique du Congo (RDC). Carte actuelle de la RDC avec localisation du site de Kindoki dans la province du Kongo central. C. Royaume du Kongo et délimitation de ses provinces aux XVIe -XVIIe siècles (dessin : A.-M.Wittek [ADIA].
Les fouilles se sont étalées sur deux campagnes en 2012 et 2013 durant la saison sèche. La colline d’une surface d’environ 30 ha mesure 700 m le long de son axe est-ouest et 450 m le long de l’axe nord-sud. Les couches des sols sur Kindoki sont perturbées sur au moins les 30 premiers centimètres à cause des activités des termites (Odontotermes sp.), des fourmis (Myrmicaria natalensis), des rats palmistes (Xerus erythropus) et surtout de la population locale, notamment suite aux travaux champêtres et aux constructions de maisons attestées vers 1950-1955. Nous avons ouvert 60 carrés de 1 m² de surface et de 1 m de profondeur séparés les uns des autres par 50 m de distance. Certains carrés ont été étendus afin de suivre soit des fosses, soit des concentrations élevées d’artefacts. Au total une superficie de 279 m² a été fouillée.
En 2012, après avoir brûlé une partie des champs sur la colline, nous avons découvert ce que nous pensions, à premier abord, être les fondations d’une église en pierre, mais qui s’avéra être un cimetière de onze tombes dont deux furent fouillées durant cette saison sèche. La constatation que toutes ces tombes avaient la même orientation, un mode de construction identique, et étaient très proches les unes des autres, suggéraient que ce cimetière avait été constitué dans un faible laps de temps et que les individus inhumés étaient liés les uns aux autres d’une manière qui restait à tenter d’identifier. De plus, étant donné qu’un squelette bien préservé fut trouvé dans une de ces deux tombes, en association avec des signes de pouvoir, comme un mousquet, deux bracelets en fer au bras droit et un collier de perles en verre, nous y avons continué nos recherches en 2013, non seulement pour fouiller le reste des tombes et pour les dater, mais aussi pour mieux comprendre le contexte plus large de ce cimetière.
Ces nouvelles fouilles effectuées en 2013 ont abouti à la découverte de deux zones d’habitat remontant à différentes époques à proximité du cimetière.
2.1. Le cimetière de Kindoki
Cimetière de Kindoki: au premier plan, tombe 9 (mâle, âgé de 40 à 60 ans); à gauche, tombes 4 (mâle, âge inconnu) et 6 (mâle, 7 ans); au-dessus, tombe 5 (mâle, 20–40 ans); à droite, tombe 8 (femme, 40–60 ans).
Le cimetière de Kindoki contient onze tombes. Le matériel funéraire associé varie d’une tombe à l’autre et permet de déterminer des dates dites terminus post quem, à savoir les dates à partir desquelles les inhumations ont pu avoir lieu. Une description précise du matériel funéraire de chaque tombe ainsi que les informations chronologiques liées peuvent être trouvées dans le tableau ci-dessous.
Les analyses d’anthropologie physique des restes des ossements ont pu mettre en évidence, lorsque cela était possible, le sexe et la distribution des âges parmi les tombes.
Figure 1 : Cimetière sur la colline de Kindoki, avec indication d’âge : + enfants, ++ 20 à 40 ans, +++ 40 à 60 ans ; et du sexe : tombes masculines (masc.) et féminines (fém.).
Six tombes masculines et deux tombes féminines ont été identifiées. Il existe une très bonne corrélation entre identification des sexes par l’étude des vestiges osseux et par le matériel funéraire. En effet, des six tombes masculines, cinq recelaient un sabre ou une épée de fer (n°4-7 et 12), symbole important de la noblesse Kongo illustré sur les gravures d’époque (XVIe -XVIIIe siècles), et une sixième renfermait un mousquet (n°9). Pour les deux tombes féminines, il n’y avait aucune arme à feu ni armes blanches, mais plusieurs centaines de perles en verre et en coquilles de gastéropodes marins, ainsi que des chevillières en fer d’un modèle identique (n°8 et 11).
Figure 2 : Sabres et épées découvertes dans les tombes 4, 5, 6 et 12 avec détail de la poignée de l’épée de la tombe 4 dans l’angle supérieur gauche.
Dans deux tombes (n°6 et 12) ont été inhumés de jeunes garçons, de 6 et de 7 ans, tous deux avec chacun une épée à leur côté gauche ou posé en oblique sur le torse. Nous avons donc ici, pour la première fois, la trace de la transmission de manière héréditaire, du haut statut social matérialisé par le dépôt de ces épées ; cette partie des anciennes traditions kongo était oubliée des traditions orales qui n’en font pas mention. En outre, il est important de noter qu’au XIXe siècle, ces épées de pouvoir ne sont plus enterrées avec les défunts, elles sont conservées au village, à l’instar d’une vieille épée enregistrée en 1973 à Mbanza Nsundi. Dans deux tombes, l’une masculine (n°9), l’autre féminine (n°8), est attestée la présence des restes d’un second corps matérialisé par quelques os seulement.
Une zone grossièrement ovalaire, d’une couleur beaucoup plus foncée que le sol encaissant autour de trois squelettes, est bien visible et suggère la décomposition de couches de tissus emballant le corps (tombes n°1 et 8, masculines, et 11, féminine). Une autre tombe (n°4, masculine) a livré des clous en fer entourant le défunt, témoins d’un cercueil en bois. Enfin, les sept autres tombes n’ont livré aucune structuration particulière laissant penser à un dépôt simple des corps en pleine terre (tombes n°2, 5-7, 9, 12-13). Des textes du début du XXe siècle discutent de la pratique d’inhumer des personnages de statut social élevé, emballés dans des dizaines sinon des centaines de couches de tissus (tapis importés, nattes, …). Cette manière de faire remonte donc au moins au tout début du XIXe siècle (tombes n°9 et 11) sinon au courant du XVIIIe siècle (tombe n°1).
Hormis les épées et sabres importés d’Europe découverts dans cinq des onze tombes, quatre sépultures recélaient des perles en verre, en faible quantité pour les deux tombes masculines (n°9 et 12), en grande quantité pour les deux tombes féminines (n°8 et 11).
Figure 3 : Médailles religieuses et crucifix en cuivre de la tombe 12 et perles pentagonales bleues de la tombe 8
Ces perles ont été produites à Venise (Italie) et en Bohème (Empire d’Autriche). Dans quelques tombes, on a aussi trouvé des objets chrétiens, tels que des médailles religieuses fabriquées en Italie (tombes n°2, de sexe inconnu, 6 et 12, masculines ; cf fig. 4), des crucifix et des croix (tombe 12, masculine), soit seulement trois tombes sur onze contenant des objets d’inspiration chrétienne.
En terme de chronologie, deux tombes ont été datées par la technique du radiocarbone (tombes n°5 et 9 ;cf. tableau 2), et cinq par les objets européens découverts en tant que dépôt funéraire et dont les périodes de production nous sont bien connues (tombes n°6, 8-9, 11-12). On se reportera au tableau 1 pour les détails.
Les fouilles archéologiques ont montré que le cimetière a été établi à la suite d’un habitat positionné au même endroit, daté au plus tard de 1668.
Ceci est conforté par la datation au 14C de la tombe 5 qui indique qu’elle a été construite après 1658. Le matériel importé européen et datable, situe au XVIIIe siècle la presque totalité des inhumations, avec la tombe 9 creusée avant 1816, et les deux tombes féminines en dernier entre 1825-1845.
Les fouilles apportent donc un éclairage très important sur les pratiques funéraires Kongo de cette période historique.
Au total, l’homogénéité spatiale et structurelle des onze tombes, la présence dans plusieurs sépultures de vestiges ou d’objets connotant un statut social très élevé dans la tradition kongo actuelle et subactuelle, de nobles dans l’esprit du royaume Kongo (sabres et épées, couches multiples de tissus, bracelets de fer au bras droit, centaines de perles en verre et en coquilles marines), tout cela nous amène à conclure que nous avons affaire à des nobles kongo, sinon des tombes ducales entre le XVIIIe et le début du XIXe siècles.
Perles de verre et de cuivre et coquillages (Pusula depauperata), ainsi qu'une chaîne en or; tombe 8 (femme, âgée de 40 à 60 ans), Kindoki (photos réalisées à l'Institut royal du patrimoine culturel (IRPA / KIK) - Bruxelles).
2.2. Les zones d’habitat à Kindoki
Outre le cimetière, la colline de Kindoki livre également de nombreux vestiges d’habitat, principalement de la poterie. Ces tessons et autres artefacts se trouvent, soit dans des fosses de détritus, soit dans des couches horizontales représentant d’anciens sols d’habitat. Les différentes périodes d’occupation du site seront discutées de la plus récente à la plus ancienne.
Une première période domestique date de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècles (Beta-333282 ; Beta 333286 ; Le tableau 2 donne le détail de toutes les dates radiocarbones du site de Kindoki) et est enfoui sur le site dans les 40 premiers centimètres.
Tableau 2 : Dates radiocarbones de la colline de Kindoki?
Un type de poterie distincte (cf. fig. 4.a) y est associé avec des meules et une couche de charbons de bois placée sur un sol archéologique. Quelques fragments de vaisselle européenne – notamment des productions industrielles anglaises de la fin du XVIIIe siècle – témoignent des contacts avec l’Europe.
Figure 4 : Exemples de la poterie du site de Kindoki avec a.) la céramique du XVIIe - XVIIIe siècle, b.) la céramique des groupes IV et V de Mortelmans et c.) la céramique imprimée au peigne
Descendant dans la stratigraphie du site, nous retrouvons vers 40-60 cm de profondeur, une occupation datant du XVIe et XVIIe siècles (Beta-333283, Beta-333284 ; Poz-59445, Poz-59446, Poz-59632). Les densités d’artefacts montrent deux zones d’occupation plus intenses à l’ouest et à l’est du cimetière. La poterie de cette période est liée à plusieurs types de poterie déjà connus ailleurs au Bas-Congo, notamment aux Groupes IV et V de G. Mortelmans( 28) ou Groupe B de J. Vandenhoute (29) (cf. fig. 4.b). Mélangée à la poterie locale mais en faible quantité, nous avons également retrouvé de la poterie européenne importée, principalement des récipients portugais (30) des XVIe et XVIIe siècles. Autre matériel caractéristique, il s’agit de pipes plus ou moins complètes en terre cuite et en pierre (stéatite), parfois décorées; elles sont produites localement à partir de 1612, attestation la plus ancienne de l’utilisation du tabac et de ces pipes à Mbanza Soyo, donc dans le royaume Kongo
Autour de 60 cm de profondeur a été découvert un autre type de poterie (cf. fig. 5.c), jusqu’ici inconnu au Bas-Congo. Ces pots à cuire à lèvres éversées sont ornementés sur leur épaule par une bande de décoration au peigne imprimé délimitée par des traçages horizontaux. Parfois, la même décoration se retrouve sur des bols ouverts. Une faible concentration de cette céramique est trouvée partout sur la colline mais la zone la plus importante se situe à l’Est du cimetière. La céramique n’y est pas associée aux pipes, ni à la céramique d’importation européenne. Dans quelques tranchées (20, 21 et 31), la séparation entre cette couche et la couche supérieure (XVIe et XVIIe siècles) par une couche stérile est encore clairement visible. Les quatre datations associées à cette céramique la placent entre le XIVe et le XVIe siècles. Par contre, vu les caractéristiques stylistiques de la poterie, l’absence de pipes – fabriquées localement seulement à partir du début du XVIIe siècle pour être utilisées avec le tabac introduit par les Européens à partir des Amériques (32) – et de céramique européenne qui ne sera découverte qu’au début du XVIe siècle, il est probable que la production de ce nouveau type de céramique remonte au XIVe siècle, donc avant l’arrivée des Portugais dans la région.
En plus des productions céramiques majoritaires, Kindoki rend aussi, en faible quantité, des types de poterie plus exotiques, illustrant l’intégration de Kindoki dans un réseau d’échanges plus large. Quelques tessons appartiennent, par exemple, au Groupe Sumbi, type non daté produit au nord du fleuve Congo, à quelques 160 km du site de Kindoki (33). Un autre type trouvé est le Groupe X, probablement associé au royaume Tio situé plus au nord sur les deux rives du fleuve Congo (34).
La présence de scories de fer sur la colline est négligeable. Ces résidus n’indiquent donc pas une activité importante de fonte de fer sur le site même. Par contre, un atelier ancien de fonte, avec les restes d’un four, a été repéré à l’Est du site actuel.
Enfin, dans une tranchée plus profonde, des artefacts lithiques en jaspe se trouvent à -2.65 m. Ils illustrent que la colline était déjà occupée à l’Age de la pierre moyen ou récent.
Conclusion
Les agglomérations telles que les mbanza furent des catalyseurs importants dans l’organisation de l’espace Kongo. Les sites nommés mbanza dans les différentes provinces du royaume tel que Mbanza Nsundi, furent des sites de résidence des gouverneurs. En tant que capitale de la province de Nsundi et résidence du gouverneur, Mbanza Nsundi a dû jouer un rôle important dans l’histoire du royaume Kongo. Afonso 1er, roi de Kongo de 1509 à 1543, en fut gouverneur et c’est de sa capitale qu’il vint prendre le trône à Mbanza Kongo, face à son frère Panzu, à la suite de la mort du roi Nzinga Nkuwu. La succession au trône du royaume fut confiée à plusieurs reprises à des gouverneurs de Mbanza Nsundi. Ce rôle politique prépondérant de Mbanza Nsundi apparaît encore dans les conflits armés qui opposèrent les Kongo aux populations Teke, sous la conduite de Ngobila, pour le contrôle de la région du Pool entre 1696 et 1700. Le Pool Malebo, où s’est développée la ville de Kinshasa, fut le lieu de luttes entre Kongo et Teke à la fin du XVIIe siècle.
L’implantation de la capitale de Nsundi à l’Ouest de l’Inkisi fut stratégique. Elle était située à proximité de la zone de production métallurgique de Nsanga et Mazinga et en même temps en connexion avec le Pool Malebo. Comprendre le début de l’évolution de ce site, sa place dans l’organisation administrative et commerciale Kongo est un élément clé pour la maîtrise de l’organisation spatiale des mbanza dans le royaume Kongo.
Il ne fait pas de doute que la colline de Kindoki est à identifier comme faisant partie de la capitale provinciale de la province de Nsundi, près de l’Inkisi, tel que l’attestent les sources. Le matériel archéologique dominant découvert sur le site de Kindoki est constitué de la culture matérielle Kongo avec des objets d’origine européenne. L’analyse de la densité du matériel, des dates radiocarbones, et de la chronologie relative de ces différents artefacts indiquent que la partie fouillée sur cette colline fut une zone d’habitat. L’évolution d’une occupation dense est attestée pour l’instant entre les XVIe et XVIIe siècles, mais il y avait probablement déjà sur cette colline un village au XIVe siècle. La diversité de la céramique Kongo et européenne trouvée sur le site suggère que Kindoki était connecté aux réseaux d’échanges reliant Mbanza Kongo au Pool Malebo. Le cimetière serait postérieur à cet habitat, avec des tombes du XVIIIe et début XIXe siècles. Les tombes contiennent des personnes ayant un statut social élevé, probablement des nobles Kongo. La découverte du cimetière et de son matériel funéraire nous permet d’argumenter que la zone fouillée de Kindoki faisait partie de l’agglomération de Mbanza Nsundi, sans pour autant nécessairement constituer son centre. L’occupation de la colline a continué jusqu’au début de l’époque coloniale.
Bien que notre méthode de fouille, une première dans l’archéologie du Kongo central, a abouti à l’identification d’une partie de l’ancienne capitale provinciale Kongo sur la colline de Kindoki ainsi qu’à la découverte d’une poterie non encore connue dans tout le Bas-Congo et datée du XIVe siècle, elle a également rencontré ses limites. L’absence de tombes nobles antérieures aux périodes plus récentes nous empêche d’identifier avec certitude l’emplacement de la capitale historique de Mbanza Nsundi à l’époque du royaume Kongo ou avant. Des fouilles exploratoires systématiques à plus grande échelle au sommet des collines environnantes de Kindoki sont nécessaires pour répondre à cette question.
Référence
À la recherche de Mbanza Nsundi, capitale provinciale du royaume Kongo
Igor MATONDA, Els CRANSHOF, Gilles-Maurice de SCHRYVER, Bernard CLIST et Koen BOSTOEN. igor_matonda2001@ yahoo.fr