- Archive : Les origines du peuplement rwandais au Congo-Zaïre depuis 1920

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RDC : Les banyarwanda

Entre 1928 et 1956, environ 150 000 Rwandais se sont installés au Kivu afin de fournir de la main d'oeuvre aux colons belges.

Il s'agissait principalement de Tutsi. Après 1942, ce sont majoritairementdes Hutu qui sont venus vivre dans les territoires de Kivu. Après la révolution de 1959 au Rwanda et l'indépendance de ce pays en 1962, ainsi que les massacres de 1973, entre 30 000 et 50 000 Tutsi sont arrivés au Nord Kivu. En tout ce sont entre 150 000 et 300 000 personnes qui sont arrivées plus ou moins volontairement dans cette région.

 

 

RDC : La question de la nationalité au Kivu

 

 

 

Le 14/12/2018

 

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Archive  République du Zaïre (1983)

Les régions frontalières au Zaïre ont entretenu une certaine  perméabilité. Au Shaba, les populations baluba, et au Bas Zaïre les populations bakongo, présentes de part et d’autre de la frontière, ont constitué des zones d‘échange entre populations riveraines.

Au Kivu, la question se pose différemment du fait, d’une part, de la non-existence traditionnelle de populations de la même origine ethnique des deux côtés de la frontière et, d’autre part, de la non-reconnaissance du groupe ethnique pratiquant les échanges
comme Zaïrois à part entière.

En effet, les populations d’origine rwandaise qui ont émigré ou qui ont été incorporées au Congo belge lors de la colonisation, ne
sont pas perçues comme nationales par les autres populations autochtones. Ces populations, originaires du Rwanda, sont appelées habituellement, « Banyarwanda » ou « Zaïrois d’expression rwandaise » pour les distinguer des Rwandais habitant le Rwanda.

Cette spécificité du Kivu pose depuis l’indépendance la question de la nationalité dans cette province, surtout dans la sous-région du NordKivu, devenue depuis l’année dernière région de plein droit, comme les deux autres anciennes sous-régions (Sud-Kivu et Maniema).

Pour mieux aborder le problème, il est nécessaire dans un premier temps de rappeler quelques données historiques sur la façon
dont s’est opéré ce peuplement.


Les origines du peuplement rwandais au Kivu

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On peut considérer que cinq phénomènes sont à l’origine du développement d’une population d’origine rwandaise dans les provinces du Kivu. 

1 - Délimitation d’une nouvelle frontière :

Le Rwanda pré-colonial s’étendait au-delà de sa façade ouest actuelle sur certaines régions du Zaïre. En 1910, une convention précisa les limites frontalières entre possessions belges et allemandes : le Djomba, le Bwisha, le Kanurunsi, le Gishari et l’île d‘Idjwi devinrent possessions belges, et ainsi hrent intégrées au Congo belge. 

Dans la division administrative actuelle du Zaïre, le Bwisha et le Gishari se trouvent respectivement dans les zones de Rutshuru et
de Masisi dans la région du Nord-Kivu. Ces anciennes provinces rwandaises annexées à la colonie belge ont gardé leurs populations d’expression rwandaise devenues juridiquement congolaises, puis zaïroises.

 

2 - La Mission’ d’immigration des Banyarwanda :

À l’époque du Mandat, les autorités belges considéraient le Rwanda, bénéficiant d’une forte population sur un territoire restreint, comme un possible réservoir de main-d’œuvre pour les espaces congolais voisins moins peuplés.

En 1937 fut signé un accord entre les autorités administratives du Kivu, les autorités du Rwanda et le Comité national du Kivu pour créer la MIB (Mission d’immigration des Banyarwanda) qui avait comme objectif, d’une part, d’organiser les migrations des populations du Rwanda et, d’autre part, de créer une circonscription rwandaise dans les secteurs dépeuplés de la zone de Masisi.
Comme la zone d’implantation prévue appartenait à une collectivité bahunde, un acte de cession fut passé avec le chef bahunde Kalinda qui reçut 29 600 francs belges en dédommagement. Le territoire accordé aux Rwandais mesurait 350 km2, soit une étendue d’à peu près 19,5 kilomètres de longueur sur 18 kilomètres de largeur. Cette circonscription administrée par un chef d’ethnie tutsi choisi parmi les immigrants.

Trois phases caractérisent les opérations de la MIB afin de peupler les terres inhabitées du Gishari dans la zone de Masisi :

- de 1937 à 1949, un petit nombre de familles rwandaises s’est installé au Gishari ;

- de 1949 à 1953, lors de la famine au Rwanda, le nombre d’immigrants s’est accru. Vers 1950, on dénombrait plus de 6 O00 familles rwandaises installées au Gishari ;

- de 1953 à 1955, les nouveaux venus dépassent les limites qui leur ont été attribuées. Les immigrants occupent les régions de Washali-Mokoto en dehors des limites de la circonscription érigée initialement pour eux. Cette expansion se fait en pleine circonscription des Bahunde.
Le « Plan décennal pour le développement économique et social du Ruanda-Urundi 1951-1959 » devait promouvoir ensuite de nouvelles implantations vers les régions plus à l’ouest des territoires de Masisi et de Rutshuru. « Globalement ce sont plus de150 O00 hectares que les Banyarzuanda se verront accorder au Kivu (1) ».

Mais le programme d‘implantation aura des difficultés pour se poursuivre du fait de l’existence de densités élevées de populations
existant au Kivu, et des oppositions croissantes des populations et des chefferies qui supportaient mal ces nouveaux groupes qui,
important leurs propres structures, se plaçaient ouvertement en position ‘ de « conquête foncière » au-delà des zones qui leur étaient concédées.

3 - Recrutement de la main-d'oeuvre rwandaise : 

À côté de ces migrations organisées par la MIB, un autre programme était conçu pour le recrutement de ‘la main-d’œuvre rwandaise destinée aux entreprises minières et agricoles de la colonie belge. Les entreprises manquaient de main-d’œuvre. Ii fallut donc créer au Rwanda et au Burundi des bureaux chargés de recruter une population jugée "excédentaire". Cette population a été installée dans les zones minières du Kivu, du Maniema et du Shaba. On peut l’estimer à 80 000 personnes.

4 - Les réfugiés politiques : 

La troisième vague d’immigration est constituée par les réfugiés politiques rwandais. Les années 1959-1961 sont marquées au Rwanda par des troubles politiques et ethniques. Après plusieurs années d’affrontements, la monarchie est renversée et la République est proclamée. Les populations liées à la monarchie ou se sentant menacées émigrent’ dans les pays voisins, dont une partie au Kivu ves les zones de Masisi, Kahele, Fizi et Walikale.

5 - Les immigrants’ clandestins : 

Le Rwanda étant un pays démographiquement saturé, la quasi-absence de fronts pionniers agricoles entraîne un phénomène de migration vers les régions sous peuplées des pays voisins. Quatre éléments ont facilité les migrations clandestines vers le Kivu :

* S’étendant sur une centaine de kilomètres, pour une large part entre la chaîne des volcans des Birunga, la frontière le long du
Rwanda et du Zaïre est totalement perméable aux passages clandestins des marchandises ou de personnes.

* Les terres rwandaises manquent particulièrement dans les régions nord frontalières qui ont des densités démographiques de plus de 210 habitants/km2 et où s’exerce très fortement la pression démographique sur la terre (la superficie moyenne des exploitations est souvent inférieure à un hectare).

* La crainte devant les conflits ethniques. Lors de moments de tension comme en 1973, la population tutsi ne se sentant pas en sécurité se réfugie dans les pays limitrophes dont une grosse partie au Kivu. Mais ces populations ne se font pas enregistrer comme réfugiés politiques ; elles pénètrent au Zaïre et s’y installent comme zaïroises..

Le quatrième élément est d’ordre social. La présence d’un segment de la famille en émigration est un support éventuel pour une future émigration d‘une autre partie de la famille. L’existence de populations rwandaises ayant eu une intégration administrative a constitué un appel vers l’émigration plus propice que dans d‘autres pays où le statut d’étranger constituait un obstacle.


La répartition des Rwandais au Kivu.

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Si l’analyse historique des différentes vagues de migrations est relativement facile à cerner, il est plus difficile d’identifier concrètement l’origine de la population.

Des échanges matrimoniaux et des migrations internes ont brouillé les origines. La relative aisance avec laquelle les papiers
d’identité sont obtenus ou falsifiés accentue la confusion. Comme le précise le journal du Kivu, Jua : « L’obtention d’une carte d’identité est une opération qui ne demande que quelques minutes, pourvu que les espèces trébuchent et sonnent » (2).

Bien que le chiffre du nombre de Banyarwanda varie énormément selon les sources, il est possible de tenter de donner une évaluation quantitative du nombre de Zaïrois d’expression rwandaise et de Rwandais présents au Kivu.

Les services de l’émigration sont en train d’effectuer une évaluation. Un document non officiel, mais émanant de ces mêmes services donne les résultats suivants.

Cinq zones sont particulièrement affectées par la présence d’étrangers : celle de Goma, de Karisimbi, de Rutshuru, de Walikale et surtout celle de Masisi. Mais ces chiffres, pour aussi fiables qu’ils soient, ne traduisent qu’imparfaitement la réalité du problème. Ils ne prennent en compte que la population étrangère (rwandaise) et zaïroise. Or, une partie importante de la population d’expression rwandaise est répertoriée comme zaïroise. Il est donc nécessaire d’appliquer une rectification. D’après M’Pambia Musanga Bekaja, « les estimations actuelles (1983) sur le chiffre de l’ethnie rwandaise au Kivu vont vers 800 000, ce qui les place, en nombre, en troisième position après les Ndande et les Bashi » (3). Si l’on considère que le Nord-Kivu est la région où les Zaïrois d’expression rwandaise sont le plus nombreux des trois régions de l’ancien Kivu, 
 
 

POPULATION DU NORD-KIVU 1er trimestre 1990

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Source : Estimation officieuse des services d’émigration. * Les étrangers sont à plus de 90 % des Rwandais. L’émigration ougandaise est très faible au Nord-Kivu.

 

On peut penser que la moitié de ceux-ci résident au Nord-Kivu. Cela voudrait dire qu’il y a entre 700 000 et 800 000 Zaïrois d’expression rwandaise ou Rwandais émigrés dans cette région. Cela représente plus du quart de la population totale.

 

Contradictions actuelles et conflits

Des conflits entre population émigrée et population autochtone ont déjà eu lieu, comme la révolte du Kanyarwanda.

À la suite des migrations liées aux problèmes ethniques de 1959-1960 au Rwanda, l’insoumission des immigrants s’est traduite par une révolte massive. Profitant de la rébellion mulelliste, celle-ci connut son point culminant en 1963-1964, les révoltés étant accusés de vouloir constituer un deuxième État rwandais.
Aujourd’hui, les motifs de conflits et les ‘sources de récriminations tournent autour de trois axes :

- La question foncière : la notion de terres vacantes n'existe pas dans les structures socio-économiques des peuples de l’Afrique des Grands Lacs. Tous les espaces même inhabités possèdent des propriétaires. Pendant la période coloniale, le natif et l’immigrant étaient tous soumis et contrôlés par le pouvoir colonial. Avec l’indépendance, s’est posé le problème épineux des immigrants installés par le colonisateur, sur les terres ancestrales. Par ailleurs, la venue d’émigrants qui s’installent sur des terres non occupées, et qui achètent des droits d‘occupation avec la complicité de chefs coutumiers est à la base de nombreux conflits.

À côté de cela, on assiste à un nouveau phénomène : l’achat de terres par des Rwandais du Rwanda qui emploient sur celles-ci des travailleurs banyarwanda ou qui ont recours à des travailleurs émigrés (certains pâturages sont à Masisi sous couvert mais appartiennent à la famille du président du Rwanda).

- Le manque d’intégration et la nationalité à la carte : si les Zaïrois d’expression rwandaise recherchent l’intégration administrative, ils sont suspectés d’être peu disposés à pratiquer l’intégration sociale : l’endogamie est chose très répandue. Ils sont également accusés de pratiquer le choix sélectif en matière de prestation de services. La redistribution du travail et des postes s’effectue dans le groupe ou en appelant à l’étranger d’autres personnes du groupe.

Ce cumul de nationalité - détention de deux cartes d’identité dont l’une rwandaise et l’autre zaïroise permet d’échapper aux obligations nationales ou d’obtenir des avantages en se réclamant de la nationalité la plus favorable.
Cette attitude constitue l’une des frustrations les plus sensibles que ressentent les nationaux. Face à cela se développe la confection et la mise en circulation de listes de délation. Celles-ci prennent à partie nominativement des personnes qui sont suspectées d’être rwandaises et non zaïroises, et de pratiquer le double jeu.
Par exemple, dans le document  «les régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu à l’heure de “Qui est zaïrois et qui ne l’est pas”. Obligation politique d’identification objective», on peut lire : «La liste ci-dessous (...) reprend les noms et fonctions de Zaïrois qui leurs études terminées sont rentrés au Rwanda sans condition légale autre que l’obtention de la carte d‘identité pour citoyen rwandais» ; suit une liste de 72 noms et fonctions.

- La confiscation des postes politiques et la réussite économique : toutes les élections posent un problème. Celles-ci sont un enjeu
entre les divers groupes existant au Kivu. Et pour chaque élection, interviennent des contestations sur l’origine des candidats pressentis. Ainsi :

* Lors de la nomination des membres du Comité central du parti en 1980, la publication de la liste pour la zone de Masisi
comprenait trois «Rwandais» et un seul Hunde. Frustrés par cette situation, les milieux politiques hunde étaient certains de leur élimination systématique de la scène politique nationale. Après sensibilisation de l’opinion publique, les trois Rwandais furent déchus de leur qualité de membres du Comité central.

* Les commissaires du peuple originaires du Kivu ont envoyé une lettre au premier vice-président du Bureau permanent du Comité central du MPR de juillet 1987 à propos de "l’infiltration des étrangers dans les organes délibérants du MPR ".

* Les membres du Comité central originaires du Kivu ont protesté à propos des candidatures des commissaires du peuple dans
la zone de Masisi en juillet 1982.

* En 1989, les élections au Nord et Sud-Kivu ont été reportées sur décision présidentielle afin de permettre l’identification et
le recensement de la population.
Alors que les autres réfugiés et immigrés gardent leur nationalité et se contentent des activités économiques, les Banyarwanda sont accusés de s’investir dans les postes électifs du MPR et de l’administration et de posséder la plupart des entreprises du Nord-Kivu.


Les solutions

Devant ces problèmes, le gouvernement zaïrois a essayé de résoudre la situation d’une façon juridique. La loi du 5 janvier 1972
relative à la nationalité zaïroise a reconnu l’identité zaïroise aux Banyarwanda : « Sont Zaïroises, toutes les personnes dont un des ascendants est, a été membre d’une des tribus établies sur le territoire de la République du Zaïre dans ses limites du 15 novembre 1908 et telles que modifiées par les conventions ultérieures.» Et l’article 15 précise :
« Les personnes originaires du Ruandu-Unindi qui étaient établies dans la province du Kivu avant le ler janvier 1960 et qui ont continué à résider depuis lors dans la République du Zaïre jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, ont acquis la nationalité zaïroise à la date du 30 juin 1960.»

Par cette loi, sont considérés comme nationaux les émigrants des deux premières vagues et ceux des autres vagues qui s’y sont
associés. Mais le caractère confus et particulièrement falsifié des pièces d’identité a rendu cette loi non-opératoire. Les émigrants
d’après 1960 avaient fondu mystérieusement.

La loi de 1972 a été abrogée et remplacée par celle du 29 juin 1981 relative à la nationalité zaïroise. Cette loi identifie la nationalité zaïroise comme «une et indivisible» et précise dans son article 22 : «L’étranger devenu zaïrois par l‘effet de l’option est soumis aux incapacités suivantes :

1. Il ne peut être investi de fonctions politiques.»
Cette loi connaît des problèmes dans son application. Car elle exige une sérieuse vérification qui est difficile à réaliser faute d’une
base solide d’identification des personnes dans les provinces du Kivu.


Dans le cadre de la CEPGL (Confédération économique des pays des Grands Lacs), confédération liant le Burundi, le Rwanda
et le Zaïre, une convention sur la circulation des biens et personnes entre les pays membres stipule dans son article 19 que « toute les restrictions seront levées quant à l’entrée, au séjour et à l’exercice de l’activité agricole des paysans immatriculés au registre foncier d‘un État membre autre que celui dont ils sont ressortissants, en raison du fait qu’ils sont propriétaires ou locataires d‘une exploitation d‘au moins 1,5 hectare dans l’État membre concerné.»


Mais cette convention, si elle a été ratifiée par le Rwanda, ne l’est pas encore par les deux autres pays membres de la Confédération. Le Zaïre a sans doute des appréhensions à ratifier une telle convention devant les déséquilibres d’implantation des populations sur son flanc Est.


Comment expliquer la persistance et le développement de la question de la nationalité dans cette région du Zaïre ?

La thèse culturaliste fréquemment développée dans les pays des Grands Lacs sur le caractère particulier du peuple hamite (Tutsi)
resurgit. Elle alimente de nombreux textes à connotation raciste sur ce problème. A côté de ce type de documents, ne relevant pas
d’une appréhension scientifique, il faut essayer d’expliquer comment dans une situation donnée un groupe social, ici d’origine ethnique, génère et suscite des réflexes xénophobes.

Trois directions permettent sans doute de progresser dans la compréhension d’un phénomène qui risque d‘avoir des prolongements inédits.

Au-delà du groupe zaïrois d’expression rwandaise, il faut voir la place qu’occupe le Kivu dans 1’Etat zaïrois. Alors que la région
regorge de produits alimentaires, aucun circuit n’es mis en place pour écouler les produits vers les régions déshéritées du Zaïre. Alors qu’il y a a une population nombreuse, aucun programme d’emploi n’est initié. Alors que ces provinces sont excentrées, les voies de communications avec le reste du pays sont quasiment inexistantes.. . 
Dans cette situation, les populations du Kivu ont l’impression d’être délaissées, de ne pouvoir compter sur le soutien de l’État.

En contrepartie, des Banyarwanda ont acquis une puissance économique : direction d’entreprises publiques, possession d’entreprises privées, influence dans les structures du commerce... L’origine de cette puissance est suspecte. Elle est perçue comme le fruit de la fréquentation qu’ont eue un certain nombre de Zaïrois d’expression rwandaise avec le clan présidentiel. Cette collusion a permis à des Banyarwanda d’occuper des postes au sein du parti et de l’Etat. Ces postes ont généré des avantages, des passe-droits, des informations pour asseoir une influence économique. Des hommes phares comme Cyprien Rwakabuba (membre du Comité central du MPR) ou Barthélémy Bisengimana (ancien directeur du cabinet présidentiel), qui ont fait une carrière politique et sont devenus des entrepreneurs prospères, marquent les esprits.

Ces fréquentations et les postes occupés au sein des instances du parti et de l’Etat sont désignés comme autant de garanties dont
aurait bénéficié tout le groupe des Banyarwanda pour accéder à des pratiques d’enrichissement. Au-delà, dans le champ politique,
celui-ci est considéré comme un soutien au régime mobutiste dont il a largement tiré bénéfice.

L’administration zaïroise est sous l’emprise de la corruption généralisée. Celle-ci a pris une forme institutionnalisée qui se manifeste notamment par le trafic de faux papiers, de sceaux et de papiers à en-têtes. Son application dans une zone où il y a beaucoup d’émigrés a été de profiter de ce marché, et donc a contribué à produire des faux papiers à des personnes en situation illégale, ou des pièces de nationalité à des personnes qui ne doivent pas en avoir.

Le trafic de faux papiers d'identité, et donc l’augmentation de la confusion sur la nationalité, s’est développé à la faveur du fonctionnement normalisé de l’administration. Celle-ci fonctionnant essentiellement sous « matabishi », la clé pour acquérir des papiers en règle était d’accepter de satisfaire ce fonctionnement.

Le groupe des Zaïrois d’expression rwandaise s’est soudé dans son émigration et dans l’adversité. Ayant dès l’origine reconstitué
sa structure politique, il a intensifié son identification au fur et à mesure qu’il était considéré comme étranger. Développant une
stratégie d’investissement économique et non de reconquête politique (comme les populations rwandaises réfugiées en Ouganda), il a acquis une puissance économique et a fait fonctionner tous les ressorts de « l’économie de l’affection ». Ainsi, il a obtenu plus de force et dans le même temps s’est fait plus désigner comme intrus.

Prônant une voie extrême, le député Bakungu Mitondeke a déclaré à la «Voix du Zaïre » (4) que les Banyarwanda établis au
Zaïre entre 1936 et 1958 devront être identifiés comme réfugiés, et ceux qui sont venus après ces dates devraient être expulsés.

Si cette solution radicale n’a pas encore l’aval des populations et du pouvoir, il est tout à fait imaginable, avec la transformation
politique en cours au Zaïre, et avec les suites du conflit au Rwanda, que l’on assiste à des évolutions comparables à celles qui se sont
déroulées dans les Républiques soviétiques périphériques ayant des minorités ethniques ... effets non prévus de la perestroïka zaïroise.


Jean-Pierre Pabanel
Sociologue 

 

 

Le transfert des populations rwandaises au Congo belge

 

 

 

Histoire RDC - Rwanda depuis 1884 (en Lingala)

Qui sont les Banyamulenges ?

Question de Paul Courbate, Bagnolet, France

 

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Il est une communauté qui a bien du mal à faire reconnaître son appartenance à la nation : les Banyamulenges, ces habitants du Kivu sommairement qualifiés de « Congolais tutsis », quand on ne les traite pas purement et simplement de « Rwandais ». Il faut dire que depuis l’indépendance du pays, en 1960, le sort de cette population a été étroitement lié aux vicissitudes politiques de l’ancienne colonie belge. 
Le terme est devenu familier à la fin de 1996, lorsque la rébellion qui allait chasser Mobutu du pouvoir a pris naissance dans l’est de la RDC (Zaïre à l’époque). On a alors découvert que le gros des troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) était composé de recrues parlant le kinyarwanda, la langue du « pays des Mille Collines ».

 

En réalité, le nom de Banyamulenge est emprunté à celui de la colline de Mulenge, non loin d’Uvira, dans le Sud-Kivu. Comme le rappelle Colette Braeckman dans L’Enjeu congolais (Fayard, 1999), il est apparu au début des années 1960, lorsque les pasteurs tutsis de cette zone, afin de se défendre des incursions de la rébellion dirigée par un certain Laurent-Désiré Kabila, ont voulu se différencier d’autres Tutsis, contraints de fuir le Rwanda en 1962 après que l’indépendance de ce pays se fut accompagnée d’une « révolution » portant au pouvoir les représentants de la majorité hutue. 
La présence de populations d’origine rwandaise au Congo remonte en fait à la fin du XVIIIe siècle, bien avant donc l’arrivée des colonisateurs belges. Des groupes d’éleveurs tutsis, désireux de trouver de nouvelles terres, se sont alors établis au Sud-Kivu, dans le territoire de Mwenga, où les chefs locaux leur ont concédé l’utilisation de pâturages. Combien sont-ils aujourd’hui ? Trois cent mille selon les porte-parole de leur communauté. Cinquante mille d’après les autorités de Kinshasa.

Au Nord-Kivu, l’implantation de Rwandais s’est faite, elle aussi, avant le découpage colonial sanctionné par la conférence de Berlin de 1884-1885. Des clans composés à la fois de Hutus et de Tutsis vivaient déjà dans la région de Rutshuru, à Walikale, à Goma et dans le massif de Masisi. Les Belges, au début du XXe siècle, encourageront d’ailleurs un mouvement d’émigration des Rwandais vers cette zone qu’ils souhaitaient mettre en valeur. À un point tel que les Banyarwandas, nom qu’on attribue à cette population du Nord-Kivu parlant le kinyarwanda, sont aujourd’hui, selon certaines sources, près de 3 millions, se répartissant à parts égales entre Tutsis et Hutus.
Longtemps, les Banyamulenges et les Banyarwandas ont été considérés comme des citoyens congolais. Au moment de l’indépendance, en 1960, la nationalité a été octroyée à tous les groupes vivant dans le pays avant la fameuse conférence de Berlin. En 1972, à l’instigation de Barthélemy Bisengana, directeur du bureau de la présidence, lui-même d’origine tutsie, le général Mobutu décida une naturalisation collective de tous les Rwandais vivant au Zaïre. La mesure, mal accueillie dans l’est du pays, sera abrogée en 1981. 
C’est à partir de 1991 que les choses se gâtent. Le processus démocratique au Zaïre incite les politiciens de l’est du pays à jouer sur les tensions ethniques pour conforter leur assise locale. En 1993, encouragées par certains membres du gouvernement, des milices attaquent les communautés hutues et tutsies du Nord-Kivu. L’arrivée massive de réfugiés rwandais en 1994, après la victoire de l’Armée patriotique rwandaise (APR) de Paul Kagamé, accroît les tensions. Les milices hutues attisent en effet la haine contre les Tutsis congolais. Le gouvernement zaïrois ira jusqu’à ordonner à ces derniers de quitter le pays

C’est justement au nom des exactions subies par les Banyamulenges que, par un de ces retournements d’alliance dont il avait le secret, Laurent-Désiré Kabila, appuyé par ses alliés rwandais et ougandais, justifiera la rébellion d’octobre 1996. De nombreux Banyamulenges rejoignent alors l’AFDL. Avant que, un an plus tard, ils ne se détournent du nouveau pouvoir et gagnent les rangs des déçus du kabilisme, formant le noyau dur du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), le mouvement de rébellion qui va prendre le contrôle de l’est du pays. Bref, à chaque étape de l’histoire chaotique du Congo indépendant, les Banyamulenges se retrouvent dans l’oeil du cyclone.
Pourtant, qu’ils soient du Nord- ou du Sud-Kivu, les populations rwandophones ont un seul désir : être reconnus comme des citoyens congolais à part entière. On peut espérer que la paix qui est en voie de s’établir dans cette région leur permettra de voir leurs aspirations satisfaites.

 

 

Le Titsi Barthélémy Bisengimana, directeur de cabinet du président Mobutu

 

Barthélémy Bisengimana (né le 12 mai 1935) été le chef du bureau du président sous le président Mobutu Sese Seko du Zaïre de mai 1969 à février 1977. Bisengimana était un Tutsi congolais, dont l'ascension a pris de l'importance en grande partie le résultat de la dépendance totale des Banyarwanda à l'égard du gouvernement central pour le pouvoir, ce qui en a fait des partisans fiables. Originaire de la province de Cyangugu au Rwanda , Bisengimana était en 1961 le premier diplômé avec un diplôme en génie électrique de l' Université Lovanium à Kinshasa .

Bisengima a aidé de nombreux Tutsis congolais du Nord et du Sud-Kivu à acquérir des terres et à démarrer des entreprises lucratives.  Andre Kalinda , un chef des Hunde et administrateur territorial de Masisi , est devenu le chef le plus puissant en raison de ses liens avec Bisengimana et l' Acogenoki . À son apogée en 1972, Bisengimana a réussi à obtenir du Bureau politique du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) un décret de citoyenneté dans lequel tout le monde originaire de "Ruanda-Urundi" et résidant à l'époque - Congo belge le ou avant janvier 1950, la citoyenneté lui était automatiquement accordée. Cette loi 72-002 a modifié les statuts du MPR et est devenue "article 15".  Lorsque la loi, qui permettait en outre aux nouveaux citoyens de revendiquer des droits fonciers, est entrée en vigueur en 1973, un certain nombre de réfugiés tutsis ont légalement reçu des plantations et des ranchs qui appartenaient auparavant à des colons belges. Parmi ceux-ci se trouvait Bisengimana, qui a revendiqué la concession Osso, qui contenait le plus grand nombre de bétail appartenant à des colons blancs à Masisis. 

 

 

But1 L’identité rwandaise en République démocratique du Congo Clique ici gif 24

RDC l'identite rwandaise en RD CongoRDC l'identite rwandaise en RD Congo (60.76 Ko)

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Le général de brigade d'origine Tutsi rwandais Laurent NKundabatware (à gauche), et l'un de ses officiers, le colonel Jules Mutebusi (à droite), avait pris la tête d’une mutinerie en juin 2004 dans la ville de Bukavu au Sud-Kivu en République démocratique du Congo.
 

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20429875 1974132789472696 8469795591204507797 n 4Les conflits ethniques et les problèmes d’identité à l’Est de la RD Congo : cas des Banyamulenge17457828 1913118215574154 6455158162505571161 n 1

 

Date de dernière mise à jour : dimanche, 08 novembre 2020

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Commentaires

  • Xavier

    1 Xavier Le jeudi, 30 janvier 2020

    Cet article est tendancieuse et écrit dans le but de servir une cause politique des envahisseurs rwandais en RDC.

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