Antoine Emmanuel Nsaku Ne Vunda, premier ambassadeur noir du royaume Kôngo au Vatican.
Le 30/03/2017
Le 3 janvier 1608, après un périple de plus de quatre ans, Dom Antonio Manuel, l’ambassadeur du Kongo peut enfin présenter ses lettres de créance au pape Paul V. Il devient le premier ambassadeur africain près le Saint-Siège.
L’histoire commence le 17 août de l’an de grâce 1604, à Mbanza Kôngo, capitale du royaume du Kôngo – État dont le territoire est aujourd’hui réparti entre la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, l’Angola et le Gabon. Nsaku « marquis » de Vunda, 33 ans environ, devenu prêtre sous le nom de Dom Antonio Manuel, reçoit du Mani Kongo Alvaro II – le monarque local, son oncle –, les lettres de créance qu’il est chargé d’aller présenter au pape, à Rome, pour consolider le catholicisme dans son pays.
Depuis plus d’un siècle, une partie de la population et la dynastie royale de ce pays d’Afrique centrale ont été réceptives au message de l’Évangile apporté par les missionnaires portugais dès 1490. Des églises ont été construites, des prêtres ordonnés. Les lettrés kongolais portent des prénoms et des titres portugais.
Un voyage à bord d’un navire négrier
C’est ainsi que quelques jours plus tard, à la tête d’une délégation de 26 personnes, Nsaku Ne Vunda, émissaire du Mani Kôngo, prend la mer. Son objectif : atteindre le Portugal en bateau, puis gagner Rome par la voie terrestre.
Cette odyssée ne sera pas une sinécure, raconte l’écrivain Wilfried N’Sondé, auteur d’une version romancée de ce voyage semé d’embûches (1). « Pour quitter les côtes du royaume du Kongo, il embarque sur le seul galion disponible : un navire négrier qui, avant de rallier Lisbonne, va d’abord aller déposer sa sordide cargaison au Brésil. » Au cours de cette double traversée de l’Atlantique, il a pu voir de près l’ignominie qu’était la traite des Noirs, a essuyé des tempêtes et des attaques de corsaires…
Séquestré plusieurs mois à Lisbonne
Fin 1606, la délégation débarque enfin à Lisbonne, ruinée. Or, ni l’Espagne ni le Portugal ne reconnaissent la souveraineté du Kongo d’alors. Les puissances ibériques évoquent le principe de la padroada, prérogative par laquelle Rome leur concède l’administration des territoires découverts et évangélisés, pour dénier au Kôngo le droit d’entretenir des relations diplomatiques directes avec le Saint-Siège.
Séquestré des mois durant à Lisbonne, puis à Madrid, Dom Antonio Manuel ne renonce pas. Grâce à un échange de courriers avec le Vatican, il plaide la cause de son pays. Finalement, « la congrégation des rites du Vatican, ayant examiné la question, décide que l’envoyé du Mani Kongo peut être reçu aussi solennellement que les ambassadeurs des autres rois », peut-on lire sur une note conservée à l’institut royal colonial belge.
Reçu par le pape Paul V
Avec l’aide matérielle du Saint-Siège, Dom Antonio Manuel, malade et épuisé, peut donc poser le pied sur la côte italienne le 20 décembre 1607, accompagné de sa délégation désormais réduite à cinq membres, après quatre ans d’aventures. Il arrive à Rome le jeudi 3 janvier 1608, et le pape Paul V, qui lui a au préalable envoyé ses meilleurs médecins, se déplace personnellement pour le rencontrer.
Celui dont le tout Rome souligne une certaine ressemblance avec le Roi mage Melchior expire le 6 janvier 1608, jour de l’Épiphanie, avec la satisfaction d’avoir accompli sa mission. Après des funérailles dignes d’un légat, il est inhumé à la basilique romane Sainte-Marie-Majeure. « Ses tribulations dévoilent un pan méconnu de l’histoire de l’évangélisation de l’Afrique », conclut Wilfried N’Sondé.
Eyoum Nganguè (La Croix)