Moïse Léonard Jamfa Chiadjeu rapporte que vers la fin des années 1950, on note une émergence d'une conscience ethnique Tshokwe, de même qu'une tendance à la recomposition de l'espace.
Ce nationalisme est cristallisé par l'Association des Tshokwe du Congo, de l'Angola et de la Rhodésie «ATCAR», une formation politique fondée en 1956 et active dans la région du Katanga. A côté de l'ATCAR, une autre formation nationaliste Tshokwe a vu le jour vers les années 1960: le Partido Nation Africano «PNA»
Cette organisation politique a permis aux Tshokwe de jouer un rôle important à l'accession de la République Démocratique du Congo à l'Indépendance.
En effet, étant donné que ce sont les associations tribales qui firent fonction de partis politiques, faute d'initiation à la démocratie moderne fondée, entre autres, sur les groupements secondaires volontaires (partis politiques, en l'occurrence) et non sur ceux primaires (comme le sexe, la tribu et la race), Ambroise MUHUNGA, à l'instar d'autres leaders tribaux, créa donc l'ATCAR .
Au début, l'ATCAR fit partie de la Confédération des Associations tribales du Katanga, CONAKAT en sigle. Mais, dès que Moïse KAPENDA TSHOMBE, Président de ladite Confédération, fit sécession en proclamant l'indépendance du Katanga, l'ATCAR se désolidarisa des indépendantistes katangais et coalisa avec la BALUBAKAT, présidée par Jason SENDWE, et la Fédération des ressortissants de la province du Kasaï (FEDEKA en sigle) de Dominique KALONJI, pour former le Cartel Katangais Unitariste.
Il conviendrait de noter qu'en dehors des l'ABAKO (qui réunissait l'ensemble des tribus Kongo), seuls les Baluba du Katanga et les Tshokwe avaient des partis politiques.
C'est fort de ce Cartel que le Gouvernement Central de Léopoldville, sous le Président Joseph KASA-VUBU et le Premier Ministre Patrice - Emery LUMUMBA, aidé de l'ONUC, mit fin aux velléités sécessionnistes du Katanga.
Si donc la République Démocratique du Congo, de Joseph KASA-VUBU à Joseph KABILA KABANGE, en passant par Joseph-Désiré MOBUTU et Laurent-Désiré KABILA comme Présidents, est restée unie, l'ATCAR avait efficacement apporté sa pierre à l'édifice quant à ce. Cela est donc à mettre, sans fausse modestie, à l'actif du Peuple Tshokwe respectueux de la légalité aussi bien en République Démocratique du Congo qu'en Angola et en Zambie.
Il se fait malheureusement que, de l'Indépendance à ce jour, ce Peuple n'a pratiquement pas tiré profit des retombées de ce rôle éminemment politique qui, pour d'autres, a rapporté de substantielles dividendes. A qui incombe cette lourde responsabilité d'échec? A chacun de répondre à cette pertinente question.
Cependant, il est clairement établi que, de part leur importance démographique, principalement en Angola et en république Démocratique du Congo, les Tshokwe représentent un important électorat.
Organisation coutumière
Le Peuple Tshokwe est organisé en riches et puissantes chefferies hiérarchiquement et extraordinairement structurées autour de la famille royale, dont les empereurs fondateurs sont les deux grands guerriers MWANDHUMBA et MWAKANYIKA.
C'est cette organisation qui permit aux Tshokwe d'envahir progressivement les autres peuples à qui ils imposèrent leur culture.
Ambroise MUHUNGA précise: «Ici au Congo Belge (République Démocratique du Congo), nous avons MWATSHISENGE SAMUTOMA, neveu de Mwandumba et Mwakanyika, qui est grand chef des Tshokwe et réside dans la province du Katanga où l'on compte en tout 5 chefs dont 4 investis et 1 non investi:
- MWATSHISENGE Samutoma, Grand Chef des Tshokwe résidant à Sandoa;
- MWATSHITANGA Sakundundu, Chef médaillé à Sandoa (Kafakumba);
- MWAKANDALA, Chef médaillé à Dilolo;
- TSHISENGE Sayenge, Chef médaillé à Dilolo;
- SAPINDJI, chef non investi, sous la directive de Mwatshisenge à Sandoa».
Muhunga rapporte toutes les grandes conquêtes des Tshokwe, sous l'autorité de Mwatshisenge, à la base de leur fulgurante expansion arrêtée par le colonisateur. C'est ainsi qu'il lui est dédié une célèbre chanson de guerre «Mwatshisenge eva mata ma linuma mu sango mwaya meya» (Mwatshisenge, écoute les coups de feu nourris en aval des cours d'eaux).
Mwatshisenge, couramment appelé Mwene, qui signifie être suprême, est le détenteur du bracelet royal appelé Lukhano.
Sa couronne royale est sur-plantée des plumes rouges d'une rare beauté de Kalongo (perroquet) qui symbolisent le Chef envahisseur, guerrier, combattant et vainqueur.
Il est l'unique à porter l'épée royale à double tranchant appelé Nayitala (symbole de la justice suprême) et à poser ses pieds, à la fois, sur les peaux du léopard et du lion (symboles de la férocité et de la puissance).
Chefs Tshokwe
Au niveau des Provinces du Bandundu et du Kasaï-Occidental, le clan Usenge est représenté respectivement par Mwamushiko et Mbunga Thumba.
Il est enfin important de noter que le Tshokwe figure parmi les peuples exceptionnels qui non seulement ont résisté à la colonisation, mais ont surtout combattu l'homme blanc, en l'occurrence, le Belge puisqu'il avait des terres, des valeurs et une culture à défendre.
En effet, autant il est très respectueux de l'autorité établie à laquelle il se soumet dignement, autant il a la capacité de se rebeller face à la même autorité quand elle abuse de lui. C'est ce qui révèle sa force de caractère et son esprit d'indépendance; réalités vécues par les colonisateurs à qui il avait farouchement résisté.
Pour briser cet état d'esprit, le colonisateur a monté contre lui ses voisins qui, avec le temps et grâce à cette complicité, ont fini par sembler prendre de l'ascendance sur lui.
M'bokolo Elikia rapporte que vers l'année 1885, les Tshokwe avaient réussi à envahir les anciens Etats sans, cependant, se doter de structures propres quand intervint le partage de leur nouveau territoire entre les puissances coloniales.
Ainsi, les Tshokwe feraient partie de ces groupes dont la rencontre coloniale a arrêté la formation.
L'intérêt de l'évocation de ces faits est de montrer comment le découpage colonial structure la participation politique et la gouvernance au sein de l'Etat colonial d'abord, et postcolonial ensuite.
La preuve est donnée par Léon DUYSTERS qui écrit «après avoir fait œuvre assez discutable sur le plan scientifique, D BIEDUCK n'hésite pas à tirer des conclusions forts hâtives et peu solides sur le plan de la politique indigène. Son affirmation que nous n'avons pas su expliquer les institutions existantes des Aluunda, ni su tirer profit du complexe institutionnel qui les caractérisait, nous paraît fort contestable quand on se rappelle que les fonctionnaires belges ont restauré l'autorité des Mwata Yanvo sur la grande partie des territoires où elle s'exerce aujourd'hui et que c'est à leur intervention que les chefs luunda des Territoires de Sandoa et de Dilolo sont actuellement encore nommés et régis par le Mwata Yamvo et sa cour».
Il poursuit «mais, il nous est totalement impossible de suivre l'auteur lorsqu'il estime regrettable la constitution des Cokwe (Tutshokwe) en chefferies indépendantes. Si nous soumettions les Tutshokwe, qui jusqu'à l'arrivée des belges (1905-1910) étaient indépendants et encore maîtres de la presque totalité des territoires de Sandoa et de Dilolo, aux Aluunda, nous commettrions une injustice et une très grave faute politique».
En effet, dans le but de structurer administrativement l'Etat Indépendant du Congo, l'autorité coloniale signa, en date du 02 mai 1910, un décret organisant territorialement le District du Lulua-Kasaï.
En fait, ce décret divisait le grand espace Tshokwe en sous-chefferies relevant du Chef Mwant YAV.
Voilà pourquoi les Tshokwe, victimes de cet acte juridique, contestent toujours la suprématie Lunda sur eux et accusent cette autorité coloniale d'avoir favorisé celle-ci à leurs dépens puisque n'ayant jamais été en état de soumission envers qui que ce soit avant l'arrivée du colonisateur.
En outre, les enjeux coloniaux (diviser pour régner) ont conduit à la scission, en trois entités politiques, du grand et puissant Peuple Tshokwe, précipitant ainsi la diminution de son emprise réelle sur ses voisins.
A ce sujet, il est justement à noter que l'Afrique ayant été longtemps caractérisée par l'oralité, il est très difficile de remonter très loin dans le passé, de sorte que les quelques bribes de l'histoire africaine connues sont non seulement le fruit de celles recueillies des grands-parents et arrière-grands-parents, mais aussi et surtout des études menées et écrites pendant ladite colonisation.
D'où, la rupture avec le passé traditionnel provoquée brutalement par le colonialisme qui a faussé l'histoire africaine, en l'occurrence celle du Peuple Tshokwe, l'oralité africaine, avec ses faiblesses sur la mémoire, couvrant tous les aspects de l'existence .
Partant, des peuples jadis sous le joug Tshokwe, émancipés par la colonisation, se sont permis, à leur avantage, de fausser le cours de l'histoire.
De là, l'intérêt du livre La Grande Nation des Tshokwe et sa Dynastie de MUHUNGA Ambroise qui révèle des pans entiers de l'histoire authentique du Peuple Tshokwe que des tribus profito-situationnistes tentent vainement de cacher pour le besoin de la cause.
Cela est conforté par l'affirmation de certains chercheurs quand, par exemple, ils disent «bien sûr, cette coexistence indispensable entre le monde occidental et le monde africain aux conceptions et aux traditions différentes, parfois même contradictoires, a constitué, tant pour les individus que pour les groupements indigènes, un facteur de changements, de nouveautés, voir de bouleversements de tous genres.
Le dominé, placé sous tutelle au nom de la civilisation, s'est trouvé par le fait même tenu à accepter les idées du dominant et à accomplir ses ordres. Les séquelles de cet état de choses existent et existeront encore longtemps.
Dans ces quelques pages, nous nous sommes efforcés de voir comment la Belgique, au fil des différents décrets, a intégré l'empire Lunda dans son administration coloniale, sans pour autant avoir la prétention de décortiquer dans ses moindres détails un sujet aussi complexe et difficile. Nous avons tenté de faire ressortir certaines vicissitudes survenues dans ce groupement indigène et inhérentes à l'application des décisions du législateur colonial...
Source : mutambi.org
Vie sociale
Les Tshokwe sont matrilinéaires du fait que le mode de filiation est fondé sur la mère car, la femme est non seulement le socle de la famille, mais surtout la détentrice du pouvoir coutumier consacré par le mariage entre les cousins croisés.
Le système social Tshokwe est caractérisé par la sociabilité autant que par l'individualisme.
Sociables ou communautaristes parce que les Tshokwe partagent avec leurs voisins et/ou visiteurs les fruits de la chasse, de la récolte, de la pêche, de la cueillette; bref, le fruit de leur travail.
Enfin, individualistes du fait que les Tshokwe s'expriment au moyen de ce qu'ils possèdent de personnel. Cet atout explique aussi la richesse de leur culture, entendue comme capacité d'adaptation à la nature.
Cette réalité, qui parait paradoxale, cache une dualité qui, du reste, est normale dans leur comportement.
En conséquence, le Tshokwe d'aujourd'hui doit comprendre qu'il est nécessaire de gérer cette particularité caractérielle avec les contraintes nouvelles de la vie moderne des sociétés pluriculturelles.
Sinon, perçu en d'autres temps et lieux comme qualité, cet individualisme risque de lui être préjudiciable aujourd'hui.
Habitat
Il est utile de faire remarquer que la construction et l'environnement dans lequel les Tshokwe vivent font partie de leur art.
En effet, la plupart de leurs villages ont une structure pareille à celle des centres urbains (la ville) en ce sens que les rues y sont tracées suivant la logique que l'on retrouve dans les cités occidentales.
Les maisons d'habitation sont généralement spacieuses et fonctionnelles car, elles sont séparées de la cuisine, du grenier et des toilettes; ce qui, généralement, n'est pas le cas chez bien d'autres peuples, dont les huttes sont des fourre-tout qui accueillent, à la nuit tombée, aussi bien les humains que leur petit bétail. Les parcelles sont soigneusement clôturées par de belles haies fleuries.
Medicine
Les Tshokwe ont la réputation d'être de bons guérisseurs (mbuki). Marie-Louise Bastin constate que le mbuki est un personnage moins important que le tahi (devin). Il connaît les remèdes (yitumbo) naturels ou magiques, parfois efficaces: matières végétales, animales ou minérales, amulettes, statuettes modelées ou taillées en bois, ainsi que les rites de dépossession.
Pour les maladies et les accidents simples qui n'ont apparemment aucune cause surnaturelle, on s'adresse au médecin. S'il ne décèle pas la cause du mal, il envoie son patient consulté le devin, après lui avoir remis comme talisman le ngombo kali ha mufumvu, symbolisé par un cauris que le malade portera au cou pour apaiser l'esprit présumé mécontent.
Religion
Le Tshokwe croit à un être suprême et à des esprits.
Etre suprême
L'être suprême est actuellement désigné indistinctement par Kalunga ou Nzambi. Il est invoqué dans les prières mais aucun culte particulier ne lui est rendu, aucune effigie ne lui est consacrée.
Esprits et forces
Les esprits et forces sont les mahamba, esprits des ancêtres et de la nature, qui peuplent et jouent le rôle d'intermédiaires entre le dieu créateur et les hommes. Ils sont représentés par des arbres, des poteaux sculptés, des morceaux de termitières, des symboles ou des figurines de terre ou de bois, nommées elles aussi mahamba.
Des sacrifices et des dons alimentaires leur sont régulièrement offerts par les héritiers du culte.
Il existe quatre types de mahamba:
Divination
La divination est comptée parmi les faits qui ponctuent la vie des Tshokwe.
Le devin, tahi (jamais une femme), notable souvent à la tête de son propre village, peut porter la coiffure sala, en principe réservée aux guerriers. Son art est lucratif.
Appelé ou consulté en diverses circonstances (maladie, accident, mort, stérilité, impuissance, chasse malchanceuse, mauvais présage, possession, vol, calamité publique, etc.), le devin décèlera les causes, éclairera les faits du passé; ce sont des conseils plutôt que des prévisions qui lui sont demandés.
Système de communication et d'information
Le système de communication et d'information du Peuple Tshokwe a deux formes: verbale et instrumentale.
Communication et information verbales
Les Tshokwe communiquent et s'informent dans le Tshota, qui est une paillote, construite généralement au milieu du village ou à un endroit stratégique dans lequel se réunissent les adultes pour partager la nourriture, les expériences et les nouvelles d'une part et accueillir les visiteurs ou étrangers, d'autres part. Il sert aussi de tribunal pour le jugement de toute sorte de différends et palabres.
Il s'agit en fait d'une école de la vie où s'acquièrent la sagesse, la connaissance, le savoir-vivre; bref, la culture car c'est là que l'on apprend beaucoup de choses, notamment les contes, les énigmes, les paraboles, les proverbes et dictons que les Tshokwe appellent yishimo, langage symbolique et très expressif pour expliciter un problème ou présenter une situation en image afin de la rendre vivante et plus accessible.
Communication et information instrumentales
L'instrument musical de communication et d'information chez les Tshokwe est le Tshikhuvu ou Tshinguvu.
Il est le moyen de communication et d'information par excellence qui, selon le rythme, rend les honneurs au chef, alerte la population d'un danger (attaque ennemie, guerre, etc.), invite la communauté à répondre aux besoins et exigences des villages (chasse, feu de brousse, informations urgentes, etc.).
Commerce
Elikia M'bokolo présente les Tshokwe comme une société égalitaire de chasseurs réputés et d'habiles forgerons, vivant au centre de l'Angola, près des carrefours et des routes du commerce négrier, mais sans participer à celui-ci. Le déclin de la traite leur donna l'occasion d'y prendre part activement comme fournisseurs d'ivoire, de cire et de caoutchouc en échange d'armes à feu.
L'épuisement des ressources locales de chasse et de cueillette ainsi que la détention de puissantes armes à feu entrainèrent des mouvements migratoires irréversibles, notamment vers le nord et l'est, autant que des interventions directes dans les affaires politiques des Etas Lunda et Luba à partir de 1874.
Il se fait malheureusement que le Tshokwe d'aujourd'hui est loin de ressembler à ses ancêtres, à la fois intelligents et entreprenants. Quel dommage !!!!
Fonte du fer
Sans informer le lecteur de la fonte du fer qui permettait aux Tshokwe de fabriquer leurs outils de la chasse, de l'agriculture aussi bien que leurs armes de guerre, la présentation de ce Peuple serait incomplète.
Muhunga décrit dans son livre comment les Tshokwe faisaient la fonte du fer.
«Après avoir procédé au Lutengo, les Tshokwe vont chercher du minerai (ndenga) au gisement Tshindenga. Ils préparent du charbon de bois qu'ils mélangent au minerai (ndenga), puis mettent le tout au feu.
Du matin à 5 heures du soir, ils entretiennent le feu à l'aide de deux grands soufflets et obtiennent ainsi le fer «wutale» avec lequel ils fabriquent les objets ci-dessous:
image: http://mac-gratuit.fr/site/dl/08/3b6bbc750f.jpg
Poko, le couteau