Ethnie Songye (Basongé)
Le 28/05/2018
Les Songye sont un peuple bantou d’Afrique centrale établi dans le Sud-Est de la République démocratique du Congo, D'après les derniers chiffres connus (1987-1989), ils avoisinaient les 428 000 habitants, répartis dans plusieurs provinces (Kasaï Occidental et Oriental, Maniema et Katanga) ; les villes et cités de Kananga, Mbuji Mayi, Kabinda, Gandajika, Lubao, Lusambo, Samba, Kasongo et Kongolo abritent une partie importante de ce groupe ethnique.
Ethnonymie
Le nom “Songye” viendrait de la tribu Songye “Basonge” qui habite sur la rive droite de la Rivière Lomami, à laquelle on a appliqué à toutes les autres, mais les ethnologues et historiens ont avancé d’autres vrais noms: Bayembi ou Bayembe, Songwe, Batshionga, Songye, Basonga [selon l’appelation des Baluba du Kasaï], Basongye, Songe, etc., pour faciliter la lecture des résultats de leurs enquêtes.
Les principales tribus [sous-tribus, clans, et familles confondus] de l’ethnie Songye sont: les Basonge de la rive droite de la Rivière Lomami (Lubao, Bena Malela, Bahina, Samba, Kisengwa, Kasongo I et II, Kabalo, Kubu, Wangongwe, Buku Kiloloshi, Bena Baye et Kongolo etc.). Alors que les Bekalebwe, Ben’Eki, Belande, Betundu, Bena Moona, Batempa, Bashilangye, Balaa, Basanga, Bakankala, Bena Milembwe, Bambo, Bakwa-Nkoto, Bena Paye, Bena Majiba, Bena Budia, Bena Kiofwe, Sangwa, Bena Mpania Mutombo…peuplent la rive gauche de la Rivière Lomami et ses affluents. Il y a lieu de noter qu’il y a des vestiges Songye dans le Bandundu/Bakongo (voir Zone elliptique) et dans le Haut-Congo (Kisangani:Wagenia). Il y a eu en outre une colonie de Basongye “Bena Nsapo” à Luluabourg (Kananga), Les Bena Nsapo sont de Ben’Eki, qui n’ont pas voulu collaborer avec Lumpungu [le borgne], qui est Muikalebwe. Lumpungu a tenté de les convaincre par le canal de son lieutenant Mpania Mutombo, mais en vain. C’est le Belge ”Le Marinel, Paul” qui les a amenés et instalés à Luluabourg (Kananga) et ceci explique entre autre chose pourquoi ils ont été des auxiliaires fidèles de L’Etat Belge jusqu’au 30 juin 1960.
Histoire
Selon quelques Historiens, ils seraient “Descendants Pharaoniques” au même titre que les Fangs de la Guinée Equatoriale, Cameroun, et Gabon pour la partie Ouest de l’Afrique et Unyamwezi”M’Siri”, Zulu, Twana, “Grand-Zimbabwe”, pour la partie Est de l’Afrique et de l’Afrique australe, ainsi que les Bakons (Bakongo), et Yaka (Bayaka) au Congo/Zaire. En effet, l’invasion de l’Egypte par les Assyriens, Perses et Grecs, serait la cause principale de l’émigration massive de la “Grande Maison” pharaonique et suite à leur refus d’être colonisés par les nouveaux Maîtres.
D’après des écrits arabes, le peuple Songye aurait emprunté le chemin de la Mer Rouge, accosta à l’Ile de Zanzibar, puis traversa la Tanzanie, Tanganyika-Moëro et se fixa à Kantu A Muasa dans l’ancien territoire de Kabambare, aux environs du ruisseau Kabuka Koni. Ils étaient sous la direction du Général d’armées appelé Rusuna “Lusuna en Kisongye”.
Le Songye Nkongolo ou Kongolo “Muamba” vers le 16ème siècle, avait eu la rencontre avec Mbili Kiluwe, Chef des Baluba A Sandali (Shankadi), en compagnie de son frère Bombwe Mbili, à sa résidence [de Kongolo] à Mutombo Mukulu, au Lac Boya, dont la capitale était Muibele, en imposant son autorité de part et d’autre du lac. Il [Kongolo] est le Premier Mulopwe fondateur du premier empire Luba. Vers 1585-1605, son neveu, Kalala Ilunga Mbidi, le tua en même temps qu’il assassina son démi-frère Kisulu Mabele et devenant ainsi le fondateur du deuxième Empire Luba.
Au 17ème siècle, un autre Songye “descendant de Mulopwe Ku Musengye” fonda un Royaume appelé “EHATA”, dont la capitale était et reste “Ebwe”, qui signifie “pierre” en Kisongye, près du village actuel d’Eoni dans le territoire actuel de Lubao (Sentery).
Culture
Les ‘Songye’, tout à la fin du xxe siècle, étaient, pour la majorité de ceux qui occupaient encore la contrée dite aujourd’hui ‘Songye’, des agriculteurs (les cultures principales étaient le manioc, le maïs et l’arachide) et, accessoirement, quand il y avait encore du gibier là où ils habitaient, des chasseurs. Les ‘Songye’ vivaient alors dans des villages situés le long des routes. Ceux-ci, à l’opposé de ce qu’ils avaient été avant la colonisation, étaient permanents. Si les ‘Songye’ vivaient, tout à la fin du xxe siècle, dans des demeures rectangulaires (mur en terre séchée, voire en briques de même matière pour les moins pauvres, toits en paille séchée – tôle pour ceux qui peuvent se le permettre et le veulent), ce modèle architectural est récent : il fut apporté par les zanzibarites et popularisé par les arabisés à la fin du xixe siècle.
Auparavant, les populations dites aujourd’hui Songye logeaient dans une case circulaire faite tout entière de paille séchée (sorte de meule de foin creuse). Ils sont passés (au moins certains d’entre eux), au tout début du xxe siècle, par un modèle rectangulaire entièrement recouvert de paille (Schmitz dans Van Overberg 1908 : 177). Le fait d’utiliser de la terre au cours du début du xxe siècle permet à leurs habitations de durer plus longtemps (sans que cette longévité soit celle de la brique cuite), elle va de pair avec une fixation des gens sur les mêmes lieux de résidences aux époques coloniales et post-coloniales. Les ‘Songye’ sont patrilinéaires, mais à côté du lignage kabinebine (vrai, authentique : strictement patrilinéaire), un individu est aussi membre, à titre secondaire, des patrilignages de ces 7 autres grands-parents. Cela est important pour le mariage car, à moins d’une faille dans la mémoire collective (ce qui est généralement le cas au-delà de deux ou trois générations pour tous les lignages sauf le lignage kabinebine pout lequel on est capable, très souvent de remonter jusqu’à huit générations, voire davantage), celui-ci est prohibé dans ces huit lignages-là.
C’est aussi important dans le cadre du système politique d’origine pré-coloniale (confer infra). On hérite généralement d’une charge dans son patrilignage kabinebine mais il n’est pas rare de rencontrer des cadets occuper une charge pour l’un de ses lignages autres que le kabinebine, voire des aînés ambitieux désirant une charge plus prestigieuse que posséderait l’un des 7 autres lignages auxquels il est rattaché, (dans les faits, le plus souvent, celui de sa mère) et qui finissent par l’obtenir, – a fortiori, dans celles des anciennes chefferies qui pratiquent désormais des intronisations multiples simultanées (plusieurs ba-fumu, plusieurs chefs du système politique d’origine pré-coloniale investis en même temps).
Les fondements de la croyance magico-religieuse d’origine pré-coloniale étaient (sont souvent encore) la croyance en la magie bénéfique (pratiquée par le nganga) et la magie maléfique (pratiquée par le ndoshi – qui acquiert le masende par initiation, souvent forcée ou possède le buci). Toutefois, la distinction est souvent floue : un bon nganga est amené à se confronter magiquement avec le magicien maléfique qu’il a identifié comme étant celui qui s’attaque à son client. Cette confrontation suppose qu’il maîtrise, davantage que son adversaire, la magie maléfique de sorte que s’établisse entre eux une sorte d’équilibre de la terreur : si le ndoshi continue de s’attaquer magiquement au client du nganga, ce dernier s’attaquera à lui. C’est pourquoi on juge si efficace un toni-toni : un grand maître de la magie maléfique qui cesse de se mettre à son service et la retourne contre elle-même. Ces pratiques pouvaient être sous-traitées à des statues anthropomorphes .(confer supra). Ils avaient aussi autrefois la croyance en un dieu unique et désintéressé du monde qu’il avait créé, Efile Mukungu. De nos jours, ce terme sert à désigner le dieu chrétien. Ils croient toujours à la survivances des bikudi (sg. : kikudi ; une sorte d'âme) des ancêtres défunts, dont ils pensaient jadis qu’ils allaient, pour un temps, se reposer avec Efike Mukulu dans ses villages dans un monde aquatique situé sous une terre plate. Par la suite ils remontaient vers le monde des hommes pour se réincarner dans les fœtus des femmes enceintes. En effet, les femmes enceintes allaient se baigner dans les rivières là où il y avait des tourbillons dans l’eau, c’est par là que les bikudi étaient censés remonter du monde aquatique des morts pour se réincarner dans le corps d’un enfant à naître. Cette conjonction, s’identifiait par le rêve, par la divination : elle nécessitait parfois une nouvelle identification, lors d’un accouchement difficile, car une identification correcte était nécessaire pour qu’il y ait un accouchement sans problème.
Aujourd’hui on continue de croire à la réincarnation des bikudi/âmes mais dans un monde métaphysique chrétien. Pendant les premières années de sa vie, on le considérait comme un ancêtre revenu sur terre et on faisait tout pour le convaincre d’y rester. Ces conceptions n’étaient pas spécifiques aux populations dites ‘Songye’ et se retrouvaient, grosso modo, au moins (cela mériterait une étude spécifique), chez la plupart des populations dont la langue est classée dans le groupe L selon la classification de Guthrie.
Sur ces fondement de nombreuses pratiques (chacune d’elle n’était pas caractéristique de l’ensemble des populations dites aujourd’hui ‘Songye’) se sont élaborées. Il semble que la plupart répondaient à des besoins du moment (celui-ci durait généralement plusieurs années et même, souvent, plus d’une décennie). Il y avait donc comme un effet de mode dans ces pratiques (celles décrites par Merriam en 1974 [pour les années 1959-1960] n’existaient plus dans les années 1990 et les pratiques dont il est fait écho avant la seconde guerre mondiale sont différentes encore. Il faut toutefois dire que, à l’époque coloniale, l’action des missionnaires, souvent appuyée par l’administration qui en faisait de même, et, après l’indépendance, des mouvements autochtones chrétiens qui visaient à détruire toutes marques d’attachement aux croyances d’origine pré-coloniale, ont largement contribué à notre ignorance actuelle.
Deux phénomènes semblent toutefois plus persistants, les conceptions relatives aux jumeaux d’une part, la fabrication de statues et statuettes anthropomorphes dotées d’une puissance magique d’autre part. La naissance de jumeaux, voire davantage, requérait un rituel spécial, ce qui était célébré ici c’était la multiparité. Une telle naissance était vue comme une bénédiction particulière des ancêtres. Une célébration particulière avait lieu lors de la naissance. Elle mobilisait tout le village. Au moins l’est de la contrée dite aujourd’hui songye, un enclos était construit pour ceinturer la case où avait eu lieu la naissance. Des chants spécifiques étaient entonnés à cette occasion. Ces chants licencieux célébraient la puissance sexuelle du couple, particulièrement du père. Il aurait été, et est toujours, particulièrement inconvenant d’entonner ces chants à une autre occasion. Les jumeaux étaient spécialement distingués lors du rituel particulièrement festif qui avait lieu lors de la nouvelle lune. À cette occasion, tout quiconque qui le souhaitait était oint de kaolin (poudre blanche d’argile). Cette onction marquait la bénédiction des ancêtres dont les jumeaux étaient une preuve particulièrement éclatante. Divers obligations et pouvoir les caractérisaient également. Il subsiste encore de nos jours une ancienne association entre le politique et la gémellité mais que les populations ‘songye’ ne savent plus, autant que l’on sache, expliquer aujourd’hui. C’est fort probablement parce que les deux manifestent une élection par les ancêtres défunts. Encore une fois ce culte de la gémellité, s’il prend parfois des formes spécifiques, n’est pas propre aux populations dites aujourd’hui Songye. Par exemple, entre autres, les populations luba, tant au Katanga qu’au Kasaï , accordent une importance particulière à la gémellité via des rites grosso modo similaires, notamment en ce qu’elle peut avoir partie liée avec les structures politiques d’origine pré-coloniale et pré-Zanzibarites. Les ‘Songye’ sont très connus pour leurs statues, grandes (environ 70 à 90 centimètres de haut, parfois moins ; collectives) ou petites (généralement moins de 35 centimètres, dans certains cas moins de 10 ; individuelles). En réalité, la plupart des statues que l’iconographie nous permet de connaître aujourd’hui sont d’origine kalebwe (ekie et ilande également, sanga, mona et tempa aussi, qui sont des groupes voisins, tous occupent la partie occidentale de la contrée Songye et les sculpteurs photographiés par Hersak sont kalebwe pour deux d’entre eux, le troisième étant ciofwe – une chefferie voisine qui, à l’époque du père de Lumpungu, et à la suite d'une dispute, s’est rendue indépendante de la chefferie Kalebwe) tandis que les statuettes viennent, dans la large majorité des cas, des populations à l’est de la Lomami et des groupes kalebwe qu’on trouve sur la rive orientale de cette rivière. Quelques statues très particulières opéraient dans un registre spécifique dans une zone très localisé et une époque précise à l’est de la contrée dite aujourd’hui Songye (Hersak 1986 : 160. 162-3). Il semble donc qu’il n’y a pas eu un foyer unique, dans le temps et l’espace, d’existence des statues et statuettes de puissance mais plusieurs, pas nécessairement identiques dans leur contenu précis, mais s’appuyant sur un contenant grosso modo similaire. C’est en amalgamant ces dernières qu’on participe, à son insu, à la réification de l’identité songye contemporaine car vos propos et, surtout, l’iconographie qu’ils accompagnent sont alors compris comme l’apport de ‘preuves’ matérielles (‘indiscutables’) à l’appui d’une réalité ethnique contemporaine.
Aujourd’hui les populations dont il est question ici sont majoritairement chrétiennes mais continuent d’attribuer leurs malheurs à la « sorcellerie » (pensée comme LA pratique magico-religieuse d’origine pré-coloniale).
Religion
Croyances
Cosmogonie, mythologie et liturgie :
Les rites d'initiation et la religion des Basongye s'appellent "Bukishi : monde des esprits.
Pour le peuple Songye, la terre est une plate-forme se reposant sur l'eau et dans le ciel. Le Nord est appelé Kushi chez les Bekalebwe de Bindjiri, et l’Est est appelé Akutuka Nguba, Ouest se dit Akutuela Nguba et Kunundu veut dire le Sud, chez les Ben’Eki c’est le contraire en fonction de Kunundu et Kushi a meema « Rivière Ekiluyi», etc.
Il est intéressant de voir aussi comment ce peuple a toujours témoigné symboliquement des lois "principielles". Tout, dans leur croyance, est entre les mains de leur unique Dieu, Efile : qui précède [Evile (Evile): Esprit chez Bena Eki] Mukulu : Ainé, Kiayima: Seigneur, Shakapanga: Créateur, Mbuu: Uterus, chez les Basonge de la Rive droite de la Rivère Lomami, on trouve également les noms de Kalombo: Guide, Mukungu: Grondement du Tonnerre. Ce Dieu [Efile Mukulu], est assigné au soleil, qui est le symbole masculin qui brûle d’en haut.
La lune habituellement symbole féminin, a pour tâche assignée par Efile Mukulu [Dieu] de fournir la lumière durant la nuit et d'être la mère de tout. Elle symbolise également l'eau qui avec le soleil, sont les deux principes nécessaires à la fertilité. Le premier jour de la nouvelle lune, par exemple, les symboles protecteurs du village et de la fertilité, sont sortis et placés au centre des danses. C'est l'heure de favoriser la fertilité pour les récoltes et chez les femmes. Ce n’est pas de l’idolâtrie.
Les étoiles sont amicales et conseillent la lune. Les étoiles filantes présagent des naissances dans les foyers. Ce type d’étoiles s’appelle « muana: enfant » au singulier et « baana » au pluriel.
Les esprits : mukishi(sing.), mikishi (pl.) et ou Bafwe sont les mânes
Les objets inanimés et les animaux [kintu (sing.), bintu (pl.). ], n’ont pas d'esprit. Ce constat qui nous paraît banal, n’en est pas moins fondamental, quand il s’applique aussi à la distinction des concepts Judéo-Chrétiens d’âme [eshimba,mutshima] et d’esprit [nangunangu]. Une personne peut donc physiquement maltraiter les animaux, même des chiens de chasse et cela sans crainte. Perles, plats et cuillères du défunt ou de la défunte, sont des objets que l’on enterre avec les morts, pour accompagner des esprits humains à [Dieu], Efile Mukulu. Pour nous, l’esprit est l’émanation du « principe théorique pour chaque chose », en nous, ce que nous appellerions la partie "principielle" – d’autres diraient " divine ", certains avanceraient le mot "Etre " - qui, pour se manifester devrait revêtir un corps matériel, nous y reviendrons au moment opportun lorsqu’il s’agira d’utiliser des mots lourds de sens comme " corps [mbidi], âme [eshimba,mutshima], et esprit [nangunangu] ", alors seulement nous allons, peut être, mieux nous faire comprendre.
Le « Bon » Dieu [Efile Mukulu] est le Créateur du dieu « mauvais » [kafilefile] l’équivalent du démon Judéo-Chrétien. Ce dernier a été créé par Dieu [Shakapanga] mais il laisse sa mauvaise influence partout où il passe. Dieu [Efile Mukulu, Kiayima, Shakapanga,...] prolonge rarement et inutilement sa bonté, mais dans des circonstances spéciales, il intervient toujours [des exemples seront publiés dans nos prochains articles et livres en anglais].
Plus importants sont les phénomènes suivants :
Les sorciers [sha butshi, sha masende, et ou ndoshi] sont craints et parfois combattus. Ils emploient d'énormes torchons incandescents [kalo ou kalu] pour effectuer leurs maléfices [butshi ou bundoshi] qui sont des connaissances qui font les délices des sorciers, alors que "masende" sont des connaissances des profondeurs réservées aux "Initiés", il en va des mots comme des hommes, il n y a pas de synonymes parfaits et les mots utilisés sont approximatifs.
Les sorciers ou sorcières sont des personnes qui ont l'intention de faire du mal ou du bien.
Mais nous savons que nos Ancêtres [Bakulu] n’ont jamais nié l’existence du bien. Dans la tradition songye par exemple, tout aîné est un sorcier en puissance car sa parole peut nuire ou bénir. Ne dit-on pas chez le peuple songye que " Tu ne peux pas me faire du mal, car tu ne sais pas où on a enterré mon nombril", ce qui veut dire que la sorcellerie est souvent familiale, et c’est sans doute les membres de la famille qui le savent et qui peuvent agir sur moi ! - Chez le peuple Songye, il y a Dieu, les Ancêtres, les Esprits et Mânes, mais aussi les Guides Spirituels Communautaires qui répondent tous les jours dans certaines circonstances aux soucis du village [Kisamba].
La plupart des esprits qui sont dans la nature sont bienveillants, mais dans certaines circonstances exceptionnelles, ils peuvent faire du mal aux êtres humains et même aux animaux.
L'homme - corps, esprit et réincarnation :
L'être humain se compose d'un corps [mbidi], d’un esprit [nangunangu], d’une ombre [mukishi], et peut-être d’une conscience [eshimba,mutshima]. La partie essentielle est l'esprit [nangunangu], qui peut être réincarné jusqu'à trois fois, sous la forme humaine et peut-être une quatrième fois sous la forme d'un léopard. Chaque incarnation [kikudi, tshikudi], est déterminée par Dieu [Efile Mukulu]. En ce qui concerne l’animal tutélaire [lion, boa, épervier, crocodile…] maléfique que le malfaiteur envoie à ses ennemis. A la mort de cet animal, cette mort entraînerait ipso facto celle du malfaiteur.
Mais pourquoi la réincarnation est-elle trois fois sous forme humaine et une fois sous forme de léopard ? Mystère…
Les Ancêtres, peuvent faire retourner un esprit humain à sa famille en tant qu'enfant de l'un ou l'autre sexe, réalisant ainsi la continuité de la famille. L'esprit familial avertit la famille par des rêves ou des signes que reconnaît le peuple songye initié au Bukishi [Initiation lors des Rites de Passage à l’adolescence] et qu'il sait interpréter, comme réponse à la plupart des problèmes du village [kisamba]. Les non-initiés sont appelés les –Tupungulu (pl.) [Kapungulu (sing.). Le Bukishi existe sous deux formes dans le système éducatif Songye : Bukishi bwa ntoshi [badigeon en blanc] qui est l’initiation au premier degré, tandisque Bukishi bwa nkule [badigeon en brun] est du deuxième degré. Ce n’est donc pas de la superstition indigène.
Puisque l'esprit connaît Dieu [Efile [Evile] Mukulu], il sait toujours plus que le corps [mbidi]. Le corps humain sait par conséquent ce qui est déjà connu par l'esprit de la famille ou du village. La conscience [eshimba,mutshima], se prolonge au-delà des songes. Puisque les ancêtres peuvent bien ou mal aider, ils reçoivent ou rejettent un esprit qui a été séparé d'un corps par la mort ou par la magie.
Les Ancêtres font partie d'Efile Mukulu [Dieu], qui fait partie de toutes les choses.
Les sacrifices d’animaux, sont les premiers fruits qui satisfassent Efile Mukulu et les Ancêtres. .
La statuaire rituelle : l’une des plus fécondes de l’Afrique et du Monde.
Les Basongye utilisent en général de petites figurines [nkishi (sing. et pl.)], où une grande statue [mankishi (sing, et pl.)], à l'entrée du village, pour protéger ce dernier et chasser les malheurs, ainsi que les masques « Bifwebe Bia Bwadi ».Qui les fabrique ? Comment ? Quand ? Pourquoi ? Comment devrait-on les traiter ? Quand peut-on dire qu’un masque « Kifwebe » est le double du pouvoir(s) ?
Remarque : Cet art a fortement influencé Picasso en 1906 dans sa première œuvre cubiste: Les demoiselles d’Avignon.
Des couples désirant un enfant détiennent une figurine découpée selon le sexe de l'enfant qu'ils désirent. La figurine porte le nom de l'enfant. De telles figurines peuvent également être employées pour favoriser les résultats d'une chasse ou d'une pêche, la magie personnelle [comme le symbole 3Ankh : signe de vie3, en ivoire, offert par mon oncle, le Chef Kitumbika Sapidi [qui de Forgeron est devenu Roi], à ma mère dans les années 40, est une image que j’ai mémorisée.
La magie : Luilengululu du verbe Kuilengulula ou et Kuiyalula
La mort d'un homme a toujours une cause. La magie est impliquée dans chaque aspect de sa vie et de sa mort. Un type de magie peut être employé pour protéger des récoltes, pour produire la pluie, pour causer la mort par la foudre, voilà !
Même si nous écrivons en français "Nkamany" que l'on peut traduire par "foudre" en Kisongye pour détruire les récoltes d'un ennemi.
Les sorciers et sorcières [milunga-ewulu (pl.) mulunga-ewulu (sing.)], sont créés par Efile Mukulu, mais elles effectuent le travail de kafilefile [op. cit.].Puisqu'ils ou elles peuvent planer la nuit, ils ou elles quittent leurs maisons la nuit, laissant leurs jambes derrière eux ou elles dans les chambres sur les lits. Leur intention est de nuire à l'homme. Quand par exemple, on est visité par une sorcière ou un sorcier qui prévoit le mal, si l'on voyait une lumière spéciale [kalo ou kalu], le feu de la sorcière, on resterait paralysé.
Les sorciers peuvent être bons et mauvais. Les bons exécutent des actes curatifs. La mauvaise magie quant à elle est un travail des malins [comme la magie de Somwe Ulengiele lors de son investiture comme Ya Kitangye, Chef Suprême à Eoni (lieu où se faisait l’investiture dans le territoire de Lubao actuel, anciennement Sentery), Kui’ bwe à Ehata et ce jusqu’en 1910].
Une personne peut devenir sorcière en sacrifiant par la magie un membre de sa propre famille, comme ce fut le cas de mon oncle Lwamba Jean de Bindjiri qui est mort parce qu'il n’a pas sacrifié quelqu’un(e) de sa famille. N'importe quel genre de magie ou de puissance [bumfumu ou bumuanane] coûte des vies humaines.
Les sorciers peuvent voir le mal dans les autres, prédire les événements, empêcher les maladies infantiles dans le village et même protéger les guerriers contre les vengeances, contre les mauvais esprits [nangunangu] de ceux qu'ils ont tués dans une bataille ou par la magie ou par l’empoisonnement.
Puisque la mort n'est jamais naturelle mais causée par l’homme. Le sorcier est en définitive le "détective en chef de l’homicide".
Mon expérience en Afrique Subsaharienne m'a montré l'utilisation de divers moyens pour protéger le peuple contre les dangers des sorciers. Les individus peuvent porter des amulettes, prendre des protections diverses ou frotter des produits dans des incisions faites dans leur peau.
Dans certaines localités (Luputa, Kasongo, Kakese), un devin [ ma grand-mère Kitoto Kabungu par exemple] pouvait "sentir" la présence d'une sorcière. Si la tribu : kisamba [nous préférons le mot – peuple qui est fédérateur, tout en vous invitant à la réflexion et autrement], accusait quelqu'un de sorcellerie, la personne était parfois forcée de boire du poison [elengu]. Si le poison était vomi, la personne était innocente par contre si elle le digérait, elle était coupable et mourrait.
Une autre façon de faire pour les sorcières était de ne pas parler du poison dans les endroits où les occupants coloniaux belges interdisaient l’épreuve du poison [muafi].
Art Songye
Les Songye ont créé des statues impressionnantes, des masques avec des traits puissants, utilisés par des sociétés secrètes. Les statues Songye sont souvent pourvues d’accessoires et notamment recouvertes de plaques de métal clouté. La très grande étendue du territoire explique des variations stylistiques importantes.
Les statues Songye magiques assurent le bien être du village. Elles ont une attitude hiératique Il existe de grandes statues Songye cubistes renfermant des substances magiques logées dans l’abdomen ou dans des cornes fixées sur la tête. En règle générale, la statue Songye est debout les mains posées sur un ventre en pointe et le visage regarde droit devant lui. Les visages sont allongés et puissants, le front est arrondi, les yeux sont grands, en amande, avec de lourdes paupières bombées. La bouche ressemble le plus souvent à un 8 couché.
Les masques Songye sont appelés kifwebe. En langue Songye Kifwebe signifie masque. Ce nom a été donné à un masque Songye, couvert de scarifications linéaires incisées, représentant un esprit. Certains masques Songye sont masculins et sont très impressionnants par leur crête sagittale, d’autres masques Songye sont féminins et ont une plastique moins spectaculaire. Les masques Songye se reconnaissent aussi par les nombreuses lignes parallèles, parfois polychromées, qui ornent le visage qui présente les mêmes caractéristiques formelles que les statues.
Les Songye habitent en République Démocratique du Congo (ex Zaïre) dans une zone traversée par le fleuve Lomani et limitée à l’ouest par le fleuve Sankuru. L’agriculture est leur activité principale.
Les statues Songye
Statue Nkishi Songye (Collection belge d'art tribal africain) https://www.galerie-art-africain.com/art-africain/Statues/Statue-Nkishi-Songye/11312
Les statues Songye magiques assurent le bien être du village. Elles ont une attitude hiératique. Les statues Songyé fétiches sont nombreuses et varient en taille de 10 à 130 cm. Généralement masculines, les statues Songye sont debout sur une base circulaire. Il existe de grandes statues Songye cubistes renfermant des substances magiques logées dans l’abdomen ou dans des cornes fixées sur la tête. En règle générale, la statue Songye est debout, possède un torse allongé et a les mains posées sur un ventre en pointe et le visage regarde droit devant lui. Les visages sont allongés et puissants, le front est arrondi, les yeux sont grands, en amande, avec de lourdes paupières bombées. Ils sont le plus souvent demi-clos ou dessinés de cauris incrustés. La bouche peut avoir diverses formes : le plus souvent ressemblant à un 8 couché ou autrement en fente, en forme de croissant ou de haricot. Le menton est carré ou pointu et est très proéminent. Le nez a une forme de triangle ou de losange. Les épaules sont carrées. Au sommet de la tête, une corne et/ou des plumes renforcent l’apparence inquiétante. Les statues songye sont parfois recouvertes de cuivre ou de laiton, de perles ou de clous afin de renforcer la puissance magique et lutter contre les forces maléfiques et diriger la foudre contre elles.
Ces statues Songye parfois habillées de plumes et de peaux de serpent, avec des colliers de métal et des bracelets portent des sacs magiques contenant des médecines pour renforcer leur pouvoir. Autrement ces statues Songye ont le ventre et le haut de la tête souvent creusés pour contenir des substances magiques. Les féticheurs utilisaient des statues montées sur un socle avec une charge magique accrochée sur la tête avec un clou. Les statues Songye sont liées à la magie blanche. Parfois ces statues sont suspendues à l’intérieur des maisons par des crochets placés sous les bras. Les grands fétiches, dont le rôle était de protéger la communauté étaient placés dans de petites huttes. Les fétiches Songye plus petits étaient réservées à un usage individuel et protégeaient contre les maladies et la mort. Les manipulations des fétiches Songye avaient souvent lieux lors des phases de la nouvelle lune. Le style occidental, influencé par les Luba a des statues présentant les mêmes caractéristiques mais regardant de côté. Les statues de style oriental portent parfois le masque kifwébé. Les statues provenant du sud du territoire Songyé possèdent souvent un long cou annelé.
Différents styles de fétiches Songye peuvent être vus selon les régions géographiques : les statues du nord ont un menton carré. Les statues appartenant au style kibéshi ont un menton pointu.
Les masques Songye ou Kifwebe
Les masques Songye sont appelés kifwebe. En langue Songye Kifwebe signifie masque. Ce nom a été donné à un masque Songye, couvert de scarifications linéaires incisées, représentant un esprit. La bouche est rectangulaire et un nez allongé est placé entre des yeux globuleux. Certains sont masculins très impressionnants par leur crête centrale, d’autres sont féminins et ont une plastique moins spectaculaire avec notamment une coiffe lisse. Ils se reconnaissent aussi par les nombreuses lignes parallèles, parfois polychromées, qui ornent le visage qui présente les mêmes caractéristiques formelles que les statues. Le masque Songye Kifwebe est aussi porté par les Luba mais celui des Songye est plus angulaire et peut avoir des formes différentes. Selon les régions, il est foncé avec des rayures blanches ou l’inverse. Le masque kifwebe des Songye est masculin lorsqu’il porte une crête blanche. Coloré, il danse le jour. A l’opposé, le masque Songye féminin est à dominante blanche et ne possède qu’une petite crête et ses stries sont plus serrées et plus fines. Le masque Songye Kifwebe représente un univers très important englobant tout ce qui concerne la culture, la nature, le pouvoir. Les masques songye kifwebe sont liés à la magie noire et occupent un rôle très important au niveau du contrôle de la vie politique et sociale. Les masques féminins et masculins apparaissent par paire ou en groupe au cours des fêtes. Durant les initiations, les circoncisions, les funérailles, un danseur entièrement recouvert de fibres végétales fait son apparition. Le porteur du masque masculin Songye Kifwebe adopte une attitude agressive et imprévisible destinée à promouvoir la conformité sociale. Le masque Songye Kifwebe féminin adopte des mouvements plus doux et contrôlés dont le but est de favoriser la fertilité des femmes. Des représentations du masque Kifwebe figurent sur des objets utilisés par la société secrète, notamment les boucliers.
Le porteur du masque Songye Kifwebe est entièrement couvert par une jupe de fibres tressées, il porte une coiffe fabriquée avec un tube, contenant des substances magiques et surmontée de plumes. La position du plumet a une signification : dressé il représente l’esprit masculin, couché il représente l’esprit féminin.
Il existe un masque plus grand que le kifwebe, qui s’appelle le kya ndoshi. Il est très puissant et redouté. Il porte des rayures noires et de couleurs. Le masque son porteur et son costume symbolisent l’arbre cosmique qui relie le ciel à la terre ou le monde souterrain au monde de la surface.
Le sculpteur Songye fabriquait aussi des sièges, des coupes, des mortiers, des tambours, des bâtons de danse, des boucliers et même de petits masques aveugles que l’on accrochait dans la case.
L’histoire des Songye est liée à celle des Luba par le fait qu ils ont des ancêtres communs. Le fondateur de l’empire Luba au 16ème siècle aurait été un Songye nommé Kongolo.
Les Songye sont patrilinéaires et connus pour leurs statues magiques et leurs masques. Un chef central existait. Sa fonction exigeait qu’il ne montre pas d’émotions fortes, n’ait pas de contacts physiques avec les villageois et ne boive pas en public. Des chefs locaux distribuaient les terres aux villageois. Une puissante société secrète Kifwebe contrebalance leur pouvoir.
Les Songye utilisaient beaucoup de fétiches et d’amulettes qu’ils nommaient boanga, pour obtenir succès, richesse, fécondité et leur permettre d’échapper aux forces hostiles telles que la foudre, les maladies telles que la variole. Le féticheur fabriquait les boanga grâce à des substances magiques qu’ils mélangeaient pour obtenir une pate placée dans une corne sur le toit de la maison. Si le chef de famille s’absentait ils se faisait réaliser une corne remplie de substances magiques qu’il emportait avec lui.
La divination permettait de découvrir les causes d’un malheur. Pour ce faire, le devin, appelé nganga, posait des questions à la personne victime .
En plus des amulettes qui n’ont pas toujours une forme humaine, on trouve chez les Songye de grandes statues appartenant au féticheur qui les manipulait à l’aide de baguettes lors du rituel qui se tenait lors de la pleine lune.
Le sous-style Luba-Songye
Il existe des sculptures stylistiquement proches et intermédiaires entre les Songye et les Luba. La puissance et le cubisme des Songye est adoucit par la finesse du style Luba.
Les Sapo Sapo : un groupe Songye au Kasaï
Un groupe Songye appelé les Sapo Sapo s’est installé au Kasaï au 19ème siècle pour fuir l’islamisation. Leurs sculptures sont proches de celles des Songye avec quelques différences, notamment un réalisme plus développé, une influence Luluwa, la présence sur le front d’un tatouage proche de la croix des Tshokwe. Les Sapo Sapo sont de habiles forgerons et excellent particulièrement dans la fabrication de haches.
Musique Songye
Le groupe Basokin, les Songye (Kasai) de Kinshasa
Source :
- ayaas.net
- Songye : Arts & Life in Africa, université de l'Iowa)
- Notices d'autorité : Bibliothèque nationale de France (données) • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei
- Les Songye sur Détours des Mondes
- http://alexandra.mbaye.free.fr/maman/Songye.htm
- art-africain.fr/ethnie/songye/vie-rituels-afrique-noire