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Archive : La musique dans la société traditionnelle au royaume Kongo (XVe-XIXe siècle)

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Royaume Kongo, le nom provient du kikongo : « koo » ou « ku », préfixe indiquant le lieu, et « ngo » qui signifie « léopard », ou « panthère ». Le « Kongo » est ainsi le « pays du léopard », animal représentant l’autorité du chef. « Kongo » rappelle également le nom de l’ancêtre fondateur.

La musique dans la société traditionnelle au royaume Kongo (XVe-XIXe siècle) Oriane Marck 

 

 

Le 18/02/2017

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Introduction

 

L’ethnie qui, dans la situation actuelle, est l’héritière de la population du royaume Kongo est l’ethnie kongo, aussi appelée « bakongo » dans la langue kikongo. Elle comporte près de trois millions d’habitants.

Les Kongo voient leur aire d’expansion s’étendre entre le 3e et le 8e parallèle sud. Cette aire passe par une mince bande côtière du côté du Gabon méridional, par la partie maritime de la république du Congo-Brazzaville, par la province du Kongo Central à  l’est de Kinshasa et par le nord-ouest de l’Angola jusqu’à la rivière Dande (à 80 km au nord de Luanda).

Le royaume Kongo correspondait à la partie méridionale de cette aire géographique. Moins d’un quart de son territoire se situait dans l’actuelle République Démocratique du Congo (Congo-Kinshasa), et trois quart dans l’actuelle Angola.

La capitale du royaume était Mbanza-Kongo, ou São Salvador . C’est là que le manikongo* résidait et gouvernait.

Le royaume était divisé en six provinces, chacune gouvernée par un chef mani. Chaque province était divisée en régions, chaque région comprenait des villages placés sous l’autorité d’un chef mfumu gata.

 

Le système clanique semble le système le plus ancien au Congo. Les chefs des douze clans, mfumu kanda, dirigent des hommes libres bisi kanda, ainsi que des « esclaves » bantu ba nsumba. Un homme était privé de liberté à cause d’une mauvaise action, ou d’une dette trop importante. Le royaume était cependant organisé comme un état, et non comme une multitude de territoires gérés par des clans autonomes. Les groupes fondés sur le principe de parenté (un des principes à la base de l’organisation de la société traditionnelle Kongo, avec le clientélisme et l’esclavage) essayaient parfois de contester le contrôle exercé par l’état. Mais la plupart d’entre eux étaient issus des ramifications de la famille royale, leur base était fondée sur l’engagement auprès du roi. C’est seulement lors des périodes interrègnes que se développaient les élans de contestation. La succession se faisait au sein de la famille royale, mais au terme d’une série de complots et d’intrigues visant à déjouer les autres candidats au trône. Le roi était considéré et célébré comme un dieu. Son pouvoir absolu était cependant tempéré par un gouvernement de douze membres, représentant les douze clans. Avant l’arrivée des Portugais au XVe siècle, le commerce du sel faisait l’objet d’un monopole royal. Il provenait des salines de Pinda (Saint Antoine du Zaïre) à l’estuaire du fleuve Congo, et de celles d’Ambriz situées à l’embouchure de la rivière Loje. Ces deux salines étaient respectivement aux extrémités nord et sud de la frontière maritime du royaume. Les coquillages nzimbu (Olivancillaria nana) étaient également considérés comme une propriété royale. Ils servaient de monnaie d’échange et d’objets de parure. Les plus recherchés étaient ceux de l’île de Loanda qui restait une propriété du roi Kongo, même après la fondation par les Portugais de la ville de Loanda en 1575.

 

Le royaume était riche, et pourvu de cultures de mil, d’éleusine, de banane, d’igname, de palmier à huile. On y élevait des chèvres, des moutons et des poules, mais pas de chevaux. Tous les transports et chargements se faisaient à dos d’homme. Le territoire occupé, dans une zone montagneuse et tropicale, permettait le développement d’une faune sauvage importante jouant un rôle fort dans l’alimentation. Des étoffes fines et solides étaient tissées avec des feuilles de palmier, certaines comparées à du velours par les Portugais. Le travail du métal était connu, les forgerons savaient fabriquer des bijoux en cuivre, des lances, des couteaux ou des flèches en fer. Ils ignoraient le travail de l’acier trempé, utilisé en Europe, et qui prendra rapidement le dessus sur les autres métaux. Les premières caravelles portugaises découvrirent l’embouchure du Congo en 1484. Elles étaient commandées par l’explorateur Diego Cão (~1450-1486).

Une seconde expédition débarqua à l’anse de Sogno (San Antonio) le 21 mars 1491. Elle se plaça sous la direction de Ruiz de Souza, général envoyé par le roi du Portugal en ambassade auprès du chef d’Ambassi (San Salvador). Les Portugais établirent des comptoirs sur les côtes, sans toutefois s’aventurer à l’intérieur du pays. A leur arrivée, l’autorité du roi kongo était théoriquement absolue dans les cinq provinces, dont il nommait et révoquait les gouverneurs à sa guise.

La sixième province, Mbata, conservait son statut particulier. Le manikongo Nzinga a Nkuwu (ou Nzinga Ntinu) fut baptisé le 3 mai 1491 et reçut le nom de João, comme le roi du Portugal. Il est considéré comme le cinquième roi du Kongo. A l’occasion de son baptême, il fut rapporté que le roi remporta une bataille contre les sujets rebelles. Cet évènement aurait participé à son rituel d’investiture. Son fils Afonso (Nzinga Mbembbe) devint roi sous le nom d’Afonso Ier le Grand (1506-1543). Son règne fut une période d’apogée pour le royaume. Il donna ses titres royaux en 1535 et lista les territoires gouvernés, incluant Vungu, Ngoyo et Kakongo. Il se réclama du titre de seigneur dans d’autres territoires situés dans le lointain sud (Ndongo, Kissama, Matamba et le pays des Amnundos entre le Kongo et l’Angola). Ces territoires furent conquis par les armées congolaises et forcés de payer un impôt, mais ne furent pas entièrement intégrés au royaume. Ils purent conserver une relative indépendance. Après sa mort, les rois se succédèrent, certains pour quelques mois avant de se faire renverser par un candidat plus heureux. Les Portugais abandonnèrent progressivement le Kongo pour coloniser l’Angola. Les relations entre les deux pays africains se détériorèrent, des représailles furent menées contre les Portugais résidant dans le royaume autour de 1623.

Lorsque les Portugais imposèrent au roi Antonio Ier de leur livrer des esclaves congolais et de révéler l’emplacement de ses mines de métal, il refusa. Les portugais défirent son armée lors de la bataille d’Ambuila en 1665 et le roi perdit la vie. La capitale Mbanza Kongo fut détruite, l’unité du royaume définitivement perdue. 

Des querelles dynastiques déchirèrent le royaume après cette bataille, opposant les clans royaux Kimpanzu et Kimulaza. Le royaume se sépara en trois entités, gouvernées par l’un ou l’autre des clans : Boula ou Lemba, São Salvador, et un dernier régi par les Kimulaza. Le roi Pedro IV, du clan des Kimulaza, reconstitua le royaume en 1715 avec des institutions proches de celles observées aux XIXe et XXe siècles. Au lieu d’être groupées dans des domaines gouvernés et taxés par des fonctionnaires nommés par le roi, les communautés locales étaient incorporées dans des chefferies, certaines très petites, chacune dominée par un clan de structure matrilinéaire, et auquel le chef appartenait. Dans le nouveau système, la capitale Mbanza Kongo, définitivement abandonnée en 1678, était considérée comme une importante chefferie, au-dessus des autres. Elle dominait la partie de l’actuelle Angola qui croisait les principales routes entre Mpumbu et la côte angolaise, Luanda y compris. 

A partir de la mort de Pedro IV en 1718, le roi fut choisi alternativement dans un clan, puis dans l’autre. Après la destruction de l’ancien royaume, la traite des esclaves devint le principal vecteur de façonnage de la société. A partir de 1800, avec le développement de la navigation sur le fleuve Congo et ses affluents, le domaine de recherche des esclaves s’étendit vers l’intérieur du pays. Boma devint le port principal pour le commerce, sur la rive droite du fleuve. Les missions de découverte des terres se multiplièrent au cours du XIXe siècle, notamment par les anglais. Ils découvrirent les grands lacs d’Afrique centrale (le lac Victoria, le lac Albert) entre 1857 et 1859. Après l’abolition de l’esclavage de 1860, le commerce des hommes fut remplacé par celui des marchandises comme l’ivoire, l’huile de palme, le caoutchouc, le copal et les arachides. Le commerce de l’ivoire était alors le plus rentable. Les nouvelles cultures encouragèrent une traite locale pour les esclaves, qui subsista jusque dans les années 1920. Bien que l’autorité du manikongo était quasi inexistante après la chute de Mbanza Kongo, un royaume fantoche resta en place jusqu’à la fin du XIXe siècle. L’indépendance politique du royaume Kongo fut ainsi respectée jusqu’en 1885, date de l’issue de la conférence de Berlin qui acheva le démembrement du royaume entamé avec la chute de Mbanza Kongo. Le Portugal, la Belgique et la France se partagèrent alors les territoires Kongo. Le Portugal conserva l’Angola, le roi des belges Léopold II gagna le territoire qui deviendra l’Etat Indépendant du Congo et la France obtint la colonie du Congo français, futur Congo-Brazzaville.

 

Partie 1 

 

- Instrumentarium : liste sélective des instruments présents dans l’ancien royaume Kongo, et actuellement chez le peuple Kongo 

 

Les instruments d’Afrique centrale sont nombreux et diversifiés, mais peu connus en Europe. Pour appréhender la musique sous le royaume Kongo, il nous a semblé essentiel d’en définir l’organologie. Cette première partie présentera donc, en une liste sélective, les instruments historiques de l’ancien royaume, et ceux encore visibles au sein de l’ethnie Kongo. Ils seront classés, selon la nomenclature du système Hornbostel-Sachs utilisée en ethnomusicologie, en quatre groupes : les membranophones, les idiophones, les aérophones et les cordophones. Cette classification guidera notre lecture tout au long de l’instrumentarium proposé ici.

 

Chapitre 1

 

– Les membranophones Les membranophones sont des instruments dont le son est produit par la vibration d’une membrane. Cette membrane peut être frappée avec les mains, avec un accessoire, ou encore mise en vibration par l’intermédiaire d’une tige qui lui est attachée.

A / Les tambours actuels

La tradition musicale s’étant appauvrie depuis l’ère de l’ancien royaume Kongo, on retrouve des genres de membranophones différents et en moins grand nombre chez les Kongo actuels. Deux types de tambours à peaux subsistent : les instruments issus de l’ensemble masikulu*, et les tambours ngoma (ngoma signifiant « tambour » au sens générique), emblématiques de la musique traditionnelle congolaise. Un autre instrument, qui illustre la manière de mettre en vibration la membrane par l’intermédiaire d’une tige solidaire, est le tambour à friction nkwiti.

 

1) Les tambours masikulu 

 

Ils sont au nombre de deux : tuta et ndungu. Ces tambours sont de taille modeste, une cinquantaine de centimètres de haut pour un diamètre approchant les trente centimètres. Ils sont faits en bois, et surmontés d’une peau lacée. Le tuta assure la rythmique de base, tandis que le ndungu, tambour principal, régit la danse par ses rythmes. Le joueur doit alors faire preuve de virtuosité et de sens de  l’improvisation. L’intervalle entre les deux est d’environ une quinte, le ton le plus bas est celui du ndungu. On en joue en position assise, généralement au sein de l’ensemble masikulu qui comprend, en plus de ces deux tambours, des trompes de bois ou d’ivoire. 

 

2) Le tambour, ou ngoma

Le ngoma, de par son utilisation répandue, est devenu le mot générique pour désigner tous les tambours. Un grand ngoma peut facilement atteindre un mètre de haut, et entre trente et quarante centimètres de diamètre. Dans la culture Kongo, le ngoma peut aussi correspondre à un ensemble de quatre tambours. Le plus grand est nommé ngudi ; les deux tambours médiums sont les ntambu (ou bala), de tailles différentes ; enfin le dernier, plus petit, est le ntinti. Ces tambours sont taillés dans de longs troncs d’arbres, évidés et écorcés. L’arbre le plus utilisé pour ces instruments est le ngom-ngoma ou nsaga-nsanga (Ricinidendron africanum). Ils sont de forme cylindrique, parfois légèrement conique. La membrane est  faite d’une peau de vache, de mouton ou d’antilope, fixée à l’aide de clous de matériaux divers. L’accord (yandula) se fait sous l’action de la chaleur.

Le tambourinaire orne fréquemment ses poignets de grelots (nsansi) pour ajouter un timbre supplémentaire. Il joue à mains nues, mais peut utiliser une baguette pour frapper le flanc du fût de bois. Généralement joués debout, les tambours sont tenus obliquement entre les jambes, et attachés à la taille par une corde ou une lanière de cuir passée à travers une poignée fixée à l’instrument.

L’ensemble ngoma s’apparente à une famille humaine, dont chaque tambour serait un membre. Le ngudi symbolise la mère. Il mène le jeu et a une fonction de soliste. Les ntambu représentent le frère et la sœur ; ils servent d’accompagnement au ngudi. Enfin, le ntinti, lui, est optionnel et son joueur donne la pulsation en frappant la peau à l’aide d’un fouet.

 

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Tambour à peau clouée ngoma

 

Les tambours à peau lacée présentent une silhouette différente de celle des tambours à peau clouée. Tout aussi grands que ces derniers, ils sont également fabriqués en bois et peau d’animaux. Ce type de tambour possède généralement deux membranes lacées entre elles, une de chaque côté de la caisse de résonance . Selon les régions, il est posé horizontalement sur le sol et frappé à l’aide de baguettes sur chaque peau, ou tenu debout comme le tambour à peau clouée. 

 

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 Tambour à deux peaux tendues par des lanières, Musée du Quai Branly.  

 

 

3) Le tambour à friction nkwiti 

 

Il s’agit d’un tambour de petite taille, facilement transportable. Le nkwiti est de forme cylindrique et fabriqué en bois. La membrane de peau est fixée par des lanières. Un bâton de bois, ou une tige de bambou, est placé à l’intérieur du fût, fiché dans la membrane.

Le musicien met la membrane en vibration en frottant ses doigts sur la tige centrale, par l’intérieur de l’instrument. Il les enduit de résine, ou les trempe dans l’eau, pour garantir une meilleure friction. L’autre main, laissée libre, exerce une pression plus ou moins forte sur la membrane, afin d’en modifier le ton. 

 

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B / Les tambours dans les écrits historiques

 

 Le XVIIe siècle a fourni de nombreux témoignages d’européens, principalement des missionnaires venus au Kongo pour y évangéliser les populations. A travers le compte rendu de leurs voyages dans le royaume Kongo, ils relatent la vie et les coutumes de ses habitants. Ces ouvrages sont de précieuses sources d’information sur un peuple de tradition orale, ne laissant pas de trace écrite de son Histoire.

Leurs récits englobent aussi bien la géographie du pays que ses aspects sociologiques. De nombreux missionnaires se sont intéressés à la question de la musique, et les descriptions des instruments de musique utilisés sont parfois d’une grande précision.

 

1) Le tambour ngoma 

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Giovanni Antonio Cavazzi, missionnaire italien de l’ordre des capucins, passa près de vingt ans au royaume Kongo et dans les royaumes voisins à prêcher la religion catholique. Il décrivit, à travers son œuvre Istorica descrizione dei tre regni : Congo, Matamba ed Angola, les peuples et les coutumes rencontrés au long de son voyage en Afrique centrale. Cet ouvrage est parmi les plus anciens témoignages sur le Kongo et constitue une importante source historique. Il décrit, à différents points du récit, les pratiques musicales et les instruments de musique locaux. 

Il est notamment question du ngamba ou ingomba, tambour membranophone fabriqué dans un tronc évidé et couvert d’une peau unique de cabri ou d’antilope sur le dessus. Il s’agit là du ngoma, tambour membranophone à peau clouée. 

D’après Cavazzi, lorsqu’il est bien battu, le ngoma peut conduire à un état de plaisir extrême : […] come se daddovero fossero invasati, o impazziti15’16 . Lors de la danse, rythmée par le ngoma, hommes et femmes, dans une sorte de transe, reproduisent les gestes de l’accouplement à travers une chorégraphie empreinte de sensualité. Cette célébration de l’érotisme scandalisa les missionnaires par son apparente « obscénité ». 2) Le tambour ndungu Il s’agit d’un tambour similaire au ngoma, mais de taille plus modeste. Cavazzi le nomme ndunga ; il le décrit comme un petit tambour à ton élevé, joué avec une seule main tenant une baguette. Cette baguette était généralement faite d’un morceau de bois rond et pesant. Ce tambour fait également partie des deux membranophones de l’ensemble masikulu . 

 

3) Le tambour ndembo 

 

Le ndembo est une petite timbale couverte d’une peau clouée d’un seul côté, et cerclé de sonnailles en fer ou en cuivre. Ces sonnailles servent d’artifices à l’instrument et l’enrichissent de leurs timbres.  

 

 

Chapitre 2

 

– Les idiophones

 

Cette catégorie regroupe tous les instruments ne faisant pas partie des trois autres groupes (membranophones, cordophones et aérophones). Ces instruments produisent un son par eux-mêmes lorsqu’ils reçoivent l’impact d’un élément étranger ou d’une de leurs propres parties. Il s’agit de la famille la plus représentée en Afrique centrale. Ils sont ici séparés en deux groupes : les idiophones par frappement (et aussi par entrechoc, pour la cloche à battant interne) et les autres types de mise en vibration de l’instrument (par agitation, raclement, pincement). A / Les idiophones par frappement La percussion du matériau des idiophones par frappement est produite par un élément distinct de ceux-ci. Les cloches ont été rattachées à cette catégorie par la cloche double, dépourvue de battant interne, qui est bien un idiophone à frappement (contrairement aux autres cloches qui sont mise en vibration par le choc de deux de leurs éléments entre eux).

 

1) Les cloches en métal

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Ces cloches sont en forme de cône, simple ou double. Lorsqu’elles sont doubles, les deux cônes sont réunis sur un manche. Elles sont faites en métal, et le manche est en fer. Il peut être renforcé par des ajouts de jonc ou de lianes.

Elles possèdent, ou non, un battant interne, en fonction de leur rôle et de leur taille. Ce sont généralement les petites qui en sont pourvues. Il s’agit souvent d’une simple feuille de métal roulée à l’intérieur de l’instrument. On trouve également des versions occidentales de cloches, probablement importées par les missionnaires catholiques (lors de l’évangélisation du royaume, de nombreuses églises furent construites sur tout le territoire).

Lorsqu’elles sont dépourvues de battant interne, le joueur les frappe au moyen d’un bâton de bois avec, ou non, une extrémité en caoutchouc. Elles sont alors fréquemment groupées par trois : deux accompagnatrices et une soliste. La cloche double est le symbole du chef, elle est utilisée pour annoncer les guerres, les enterrements, le décès d’un dirigeant, les décisions de justice. Elle peut également faire office de rythmique pour accompagner la danse ; certains danseurs attachent même les cloches à feuilles d’acier à leurs pieds et autour de leur taille.

Les cloches de métal, simples ou doubles, font partie des instruments les plus anciens du royaume Kongo. Elles étaient quasi systématiques dans les ensembles instrumentaux accompagnant les danses.

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Grande cloche ngongi avec un bâton doté d’une extrémité en fibres tressées, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale

 

 

3) Le tambour à fente 

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Il s’agit d’un tambour en bois, creux, à deux tons. Différents types de cet instrument coexistent.

Le tambour à fente cylindrique est nommé mondo, kyondo ou lokolé. Il s’agit d’un des modèles les plus courants, avec les tambours trapézoïdaux et anthropomorphes.

Il se présente sous la forme d’un cylindre fermé aux deux extrémités, de taille modeste, et fendu sur le dessus. Le tambour lokolé est taillé dans un rondin de bois, évidé et muni d’une mince fente faisant office d’ouverture de résonance. La fente est généralement constituée de deux carrés ou rectangles reliés par une étroite rainure, mais d’autres formes sont visibles 

L’instrument sèche pendant deux à trois ans avant d’avoir son timbre définitif ; il n’est cependant pas inutilisé durant cette période.

Le musicien percute, au moyen d’une baguette de bois aux extrémités munies de caoutchouc, l’un ou l’autre côté de la fente, produisant ainsi deux tons distincts. L’intervalle les séparant varie entre la seconde majeure et la tierce mineure. Le ton le plus élevé est situé du côté de la languette la plus fine. Ce tambour possède une fonction de communication ; les deux tons qu’il produit sont calqués sur les tons du langage parlé des Bantous . 

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Tambour à fente lokolé

 

Un autre modèle est le tambour à fente à tête anthropomorphe sculptée (nkonko ou nkoko). Il est encore nommé nkonko ngombo par les Mbata car il intervient dans le culte secret de ngombo*. Ce tambour mesure en moyenne 30 cm de longueur pour un diamètre de 9 cm. Il est taillé dans un bloc de bois, comme le lokolé. La poignée est sculptée en forme de figure humaine. Seul le nganga peut se servir de ce tambour lors de rituels secrets, pour appeler et communiquer avec les esprits guérisseurs ancestraux.  

 

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Tambour à fente anthropomorphe nkonko, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale. 


Les tambours à fente les plus grands sont de forme trapézoïdale (lukumbi ou nkumvi). Ils sont posés sur le sol, ou attachés à l’épaule du ou des musiciens à l’aide d’une corde. Pour en jouer, le tambourinaire frappe l’un ou l’autre de ses flancs, produisant les deux tons caractéristiques de l’instrument. 

 

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Deux hommes portant un tambour à fente trapézoïdal nkumvi; le deuxième porteur en joue, 1972, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale.

 

Toujours sous le nom de nkonko, le tambour à fente apparait aussi sous forme de « bateau ».

Il s’agit d’un tambour de dimensions modestes, remarquable par ses riches décorations. Certains modèles sont peints en deux couleurs, rouge d’un côté, et blanc de l’autre. On trouve souvent, sur une seule face, des gravures et des encoches montrant des figures géométriques, des représentations humaines ou animales.

L’intervalle entre les deux tons est infime, parfois inexistant. Cela s’explique par le fait que cet instrument est le seul tambour à fente qui ne soit pas destiné à transmettre des messages. On le retrouve alors utilisé par le nganga dans certaines cérémonies, comme celles de circonsision (ou nkanda) ou lors des rituels de confréries secrètes.

Il peut également accompagner les danses en cercle spécifiques des femmes, dans le Mayombe (nord-ouest de la province du Kongo central). Il s’accroche alors dans le dos, à la hauteur des hanches. Chaque danseuse joue sur l’instrument porté par celle qui la précède dans le cercle. Le dernier modèle de tambour à fente traité ici est le tambour à fente zoomorphe, aussi appelé monganze ou mokoto pour les exemplaires de grande taille ; gugu pour les petits. 

Cet instrument est sculpté en forme d’animal : la caisse de résonance constitue le corps, une tête et une queue sont ajoutées de chaque côté de celle-ci. Pour le rendre plus réaliste, il est souvent posé sur quatre morceaux de bois sculptés en forme de pattes. Tout l’animal est taillé dans un bloc de bois massif.

Il est généralement posé à terre, et joué debout par le tambourinaire. 

 

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Joueur de tambour à fente zoomorphe de grande taille mokoto, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale.  

 

 


4) Le xylophone 

Cet idiophone est composé d’une ou de plusieurs touches en bois dur, de longueur variable, posées ou fixées sur un support. Le musicien les fait vibrer, pour produire le son, en les percutant avec un bâton de bois généralement pourvu d’une extrémité en caoutchouc ou en tissage de fibres végétales.

Le jeu se fait souvent avec quatre baguettes, deux dans chaque main. Le musicien frappe ainsi simultanément les touches 1-4, 2-5, 3-6, 4-7 et 5-8, produisant deux sons en une seule frappe. Les lames de gauche sont réservées à la main gauche, celles de droite à la main droite ; le percussionniste peut ainsi créer des motifs mélodiques à la main droite et un accompagnement à la main gauche. 

Le plus souvent, on utilise deux ou trois xylophones en même temps : tons hauts, tons moyens, tons bas.

En fonction de leur fixation, ou non, sur le support, on peut classer les xylophones en deux catégories : les claviers à touches libres et les claviers à touches fixées.

Les xylophones à touches indépendantes, entre elles et vis-à-vis de leur support, sont nommés kweningbwa. Ils sont constitués d’un certain nombre de petites planches en bois dur posées sur deux tronçons de bois tendre (comme le bananier) et séparées les unes des autres par des petits bâtons fins. L’espace libre entre ces planches et le sol fait office de caisse de résonance.

Lorsque le musicien désire l’utiliser, il doit monter son instrument. Le clavier est en effet défait entre deux utilisations. Pour le transporter tout en conservant l’ordre des notes, le musicien passe un morceau de liane (kekele, de la liane likele) au travers des trous de chaque lame et les emporte toutes en même temps dans l’ordre dans lequel elles se trouvent.

Plusieurs musiciens sont souvent nécessaires pour jouer du xylophone. Ils se placent à deux ou trois d’un côté de l’instrument, de même pour l’autre côté, suivant la taille du clavier. Les plus grands modèles peuvent requérir jusqu’à quatre musiciens de chaque côté. Ce type d’instrument accompagne généralement les danses, avec les tambours membranophones. 

 

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Xylophone

 

Les xylophones conçus selon le système des touches fixées peuvent comporter, ou non, des calebasses suspendues.

Le modèle le plus simple est celui dont les lames sont attachées à l’aide de cordes sur un caisson de bois rectangulaire servant de caisse de résonance. Il est nommé manza ou bandjanda dans les ethnies Ngbandi et Ngbaka, au nord-ouest du Congo-Kinshasa.

Il comporte peu de touches, entre six et dix. Elles sont plus ou moins amincies au milieu de leur face intérieure (selon la hauteur souhaitée) et percées de petits trous à leurs extrémités afin de permettre le passage de la corde les liant au coussinet isolateur, sur le haut du caisson de résonance.

Les xylophones à touches fixes ont parfois des calebasses ajoutées, suspendues aux touches et utilisées comme caisses de résonance. Elles sont vidées et pourvue d’une membrane vibrante à l’intérieur, donnant un timbre particulier à l’instrument.

Pour en jouer, le musicien peut se tenir assis, l’anse reposant sur ses genoux, les extrémités du clavier retenues par une lanière passant derrière son dos à hauteur des omoplates. Il peut également poser l’instrument sur ses cuisses et son ventre ; la lanière étant dans ce cas inutile. 

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B / Les autres types d’idiophones 

 

Chez les Kongo, les autres types d’idiophones sont les idiophones par agitation, par raclement et par pincement. Ces derniers sont principalement représentés par la famille des sanza, instrument symbolique de l’Afrique centrale. 

 

1) Les hochets 

 

Les Kongo utilisent des calebasses évidées pour en faire des hochets (tshaku-tshaku ou mukwanga / kwangu, bitsatsa). Ces instruments, en forme de poire allongée, sont souvent dotés de couleurs vives (rouge, jaune, blanc) et ornés de motifs géométriques sculptés.

La calebasse, de petite taille, est évidée par une ouverture pratiquée au sommet de son col. Elle est ensuite emplie de petits éléments (grenailles). L’ouverture est rebouchée avec un morceau de calebasse ou de bois, son long col sert de manche. Dans une version plus élaborée de hochet, on coupe la partie étroite de la calebasse qu’on remplace par un bâton introduit dans l’ouverture.

Cet instrument est un idiophone par secouement, ou agitation. Le musicien qui l’utilise fait s’entrechoquer les grenailles à l’intérieur de la calebasse en l’agitant. 

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Hochet en calebasse tshaku-tshaku, forme simple, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale. 

 

Des calebasses, rondes et plus grosses, sont aussi utilisées comme instruments de musique. Elles sont vidées de leur pulpe et remplies de graines, cailloux, noyaux de fruit. Le son produit est plus doux que celui des petits hochets à manche. 

Ce type de grand hochet est utilisé dans les ensembles instrumentaux accompagnant la danse et les moments de divertissement. Un autre type de hochet, apparenté au hochet-calebasse, est le hochet en boule. Le fruit utilisé a une forme de capsule, et non de poire, et est monté sur un manche. La capsule ronde est vidée de sa chair, séchée, puis emplie de graines et assemblée au manche en bois.

Le modèle le plus simple consiste à monter une capsule sur un manche, mais les hochets en boule ont généralement plusieurs capsules par manche, voire même plusieurs capsules sur les différentes ramifications d’un même manche. Les capsules sont souvent percées par un tison, ou bien décorées de motifs géométriques.  

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Hochet en boule avec plusieurs capsules montées sur les ramifications d’un même manche, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale.

 

La calebasse du hochet est parfois remplacée par un panier, constituant ainsi un hochet tressé. Le tressage prend diverses formes. Il peut se rapprocher de la forme ronde des fruits ; il est alors fixé sur un manche, ou à un autre panier (dans ce cas on parlera de double hochet tressé). 

Le son produit par cet instrument est plus doux que celui du hochet-calebasse. Il est généralement utilisé par les femmes, pour rythmer la danse. 

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Hochet tressé monté sur un manche en bois, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale. 


Les hochets en tressage sont parfois dépourvus de manche : il s’agit alors de hochet en forme de radeau. La caisse de résonance est plate. Elle est faite du tressage de petits morceaux de roseau. Une fois celui-ci terminé, des graines sont introduites à l’intérieur, et le corps est refermé sur lui-même. Ce type de hochet est fréquemment utilisé par les femmes lors des danses. Elles en prennent deux, un dans chaque main, et les agitent en effectuant avec leurs bras de grands mouvements horizontaux.

 

2) Le racleur monkwasa

 

Cet instrument est constitué d’un objet dur, non résonant, qui en gratte un autre qui, lui, possède des qualités de résonance. Sur ce dernier, une série de petites encoches ont été pratiquées sur ses deux bords. Obliques et peu profondes, elles permettent à cet idiophone par frottement (ou friction) de produire un son. Sa longueur varie entre 30 et 120 cm.

La partie entrant en résonance est fabriquée à partir de bois, d’os, de morceau de bambou, ou de la partie dure d’une palme (pétiole de bambou-palmier). L’intérieur de cette partie est presque entièrement creusé et vidé par une fente, ce qui donne plus de volume au son produit. Cet instrument se joue avec une tige en bois dur qui frotte sur les encoches. 

La tige est généralement conservée dans une glissière latérale pratiquée sur le côté de la caisse de résonance. On le retrouve dans les ensembles instrumentaux accompagnant chants et danses.

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Homme jouant du racleur monkwasa, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale. 

 

 

3) Les instruments à lames (lamellophones Likembé)

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Ces instruments typiques de l’Afrique centrale possèdent de multiples appellations : sanza, kisanti, likembe, mbira. Ils sont également nommés « piano à pouces » en Europe.

Le type le plus simple de sanza ne possède pas de caisse de résonance. Visible à l’intérieur des habitations, il est placé sur une paroi d’une pièce. Des petits éclats de palme, entre deux et six, sont fixés sur le mur et soutenus par une traverse, qui les en écarte légèrement. Les tons dépendent du plus ou moins grand enfoncement des lames, jouées avec les doigts.

Une autre forme de sanza, sans caisse de résonance fabriquée pour son utilisation, consiste à tenir les lames (nommées lasi ou mbasi) entre les dents pour les faire vibrer avec les doigts. C’est alors la bouche de l’exécutant qui fait office de caisse de résonance.

Pour les modèles dont la caisse de résonance est fabriquée en même temps que l’instrument, c’est la forme de cette dernière qui permet de classer les sanza en différentes catégories. Elle peut en effet prendre la forme d’une grande caisse en bois, ovale et creuse, d’une petite boîte de forme rectangulaire ou encore d’une calebasse. Les ouvertures de sonorité peuvent être rondes, et placées du côté inférieure de la caisse, ou longitudinales, et placées à l’extrémité large de l’instrument.

Les languettes sont de bambou, de bois, de métal ou d’os. Elles sont disposées sur la table d’harmonie de plusieurs manières, variant selon les régions.

Le modèle le plus courant est dit de type « fluvial », et nommé likembe. L’adjectif s’explique par la répartition géographique de ce type de sanza, le long des grands fleuves congolais.

La caisse de résonance est un parallélépipède rectangle, en forme de boîte. Elle peut être richement décorée par pyrogravure ; des dessins sont alors aposés à l’aide d’un tison (fleurs, motifs géométriques, animaux).

Il s’agit au départ d’un morceau de bois rectangulaire vidé par une fente creusée dans un de ces côtés43. L’ouverture est ensuite rebouchée par une planchette colmatée avec de la résine ou du caoutchouc. On ajoute à la table d’harmonie ainsi créée des lamelles, souvent métalliques. Leur nombre varie entre six et dix-huit, mais la majorité des instruments en possèdent dix.

Deux ouvertures de résonance sont pratiquées : une sur un côté et une autre sous l’instrument. Le musicien, en bouchant ou non ces fente avec ses doigts ou son abdomen, modifiera le timbre du likembe. Le nombre relativement important des lamelles lui permet de chanter en s’accompagnant, avec des formules mélodico-harmoniques en ostinato. 

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Lamellophone de type fluvial ou likembe, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale. 

 

Le seconde modèle de lamellophone présent chez les Kongo est le tsimbi. Sa caisse de résonance est de forme arrondie, et se termine à l’avant en « bec de corbeau». Elle est souvent richement décorée de motifs géométriques. 

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Lamellophone avec caisse de résonance allongée tsimbi, mis en ligne en 2006, Musée Royal de l’Afrique Centrale.  

 

 

 

Date de dernière mise à jour : lundi, 18 décembre 2017

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