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Dom Henrique Ne Kinu A Mvemba (1495-1531), fils du roi du royaume Kôngo Mvemba A Nzinga, fut le premier évêque autochtone de l'Afrique noire

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Monseigneur le prince Dom Henrique Ne Kinu A Mvemba (1495-1531) fut le fils du très illustre roi du royaume Kôngo, Dom Afonso Ier Mvemba A Nzinga (1456-1543). Dom Afonso Ier suscita la demande d’un clergé autochtone et une classe sociale éduquée dans le christianisme au sein du premier royaume chrétien d’Afrique. Pour remplacer les prêtres portugais, des Kongos furent envoyés au Portugal. Au Consistoire tenu à Rome (Italie) le 5 mai 1518, sa sainteté le Pape Léon X éleva le prince Dom Henrique à la dignité d’évêque d’Utique, « In partibus infidelium » (sur les terres des infidèles). Simultanément, il a cumulé ses fonctions avec celles de vicaire apostolique du Kongo, lui donnant la position de suffragant de l’évêque de Funchal (Madère), diocèse dont le Kongo relevait.

 

 

Monseigneur Dom Henrique Ne Kinu A Mvemba 1495-1531 

 

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L’histoire du royaume Kôngo en Afrique centrale est riche, et de mieux en mieux connu – notamment au XVIe siècle. Une partie de cette histoire et des traces qui en ont été conservées est intimement liée aux processus de christianisation du royaume Kôngo.

Kinu A Mvemba (ou Muemba), surnommé Ndo Diki, est le fils du Manikôngo (roi du Kôngo) Nzinga Mbemba, souverain connu pour le royaume du Portugal et la Papauté sous son nom de baptême : Afonso Ier, qui est surnommé « l’apôtre du Kôngo ». Comme son père Nzinga Mbemba, Kinu A Mvemba sera connu dans les archives occidentales (portugaises et romaines) sous son nom de baptême : Dom Henrique.

 

Une éducation portugaise, apostolique et romaine pour une géopolitique chrétienne

Il est né en 1495 dans la province de Mbanza Nsundi. Dans le premier quart du XVIesiècle, Lisbonne développe les contacts et les missions religieuses auprès du Manikôngo Nzinga Mbemba ; rapidement se développe l’idée que doit émerger un clergé Kôngo, formé au Portugal. Dom Henrique est ainsi envoyé en 1506 à Lisbonne pour faire ses études théologiques et revenir comme le nouveau dignitaire de l’église catholique du Kôngo. Plusieurs autres jeunes élites Kongo sont envoyés sous le règne d’Afonso Ier se former en Europe, avec des fortunes diverses (plusieurs d’entre eux décèdent une fois en Europe). Henrique reste jusqu’en 1521, soit 15 ans en Europe. Il reçoit une éducation au monastère Saint-Éloi où il étudie le latin et la théologie. Dom Henrique, fils d’une roi africain allié à la couronne du Portugal, est le protégé du roi Manuel Ierdu Portugal.

En 1513, sur les conseils du monarque portugais, Henrique part à Rome auprès du Pape Jules II avec une délégation Kôngo mandatée par Afonso Ieret partie de Mbanza Kôngo : il est demandé de le nommer évêque à seulement 18 ans et sans qu’il soit déjà prêtre. Mais le temps d’arriver, le 12 mars 1514, Jules II était trépassé et avait la place à Léon X. Cette mission coïncide avec l’effervescence du concile de Latran. De cette mission diplomatique, on sait que le jeune Henrique prononça un discours en latin devant les cardinaux. Henrique retourne à ses études au Portugal… tandis que son cas est étudié par le collège des cardinaux, à l’heure des réformes de la Réforme catholique naissante.

Finalement, après de longs débats, le Pape Léon X élève Dom Henrique à la dignité d’évêque… de l’antique et disparue cité Utique (l’ancienne cité romaine proche de Carthage en Tunisie) ! Cela permet en réalité de lui conférer un évêché « in partibus », et donc de lui permettre de revenir au Kôngo sans avoir à créer un nouvel évêché à Mbanza Kongo pour l’heure. Il est suffragant (dépendant) de l’évêché de Funchal, au Portugal, dont relèvent également des évêchés des possessions portugaises en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Henrique reçoit son ordination sacerdotale de prêtre à Lisbonne, en décembre 1520 (le jour précis varie selon les versions) ; en 1521 il reçoit son ordination épiscopale. Paré de ce qu’il était venu chercher au nom de son père, Dom Henrique peut retourner au Kongo en cette année 1521. Il est accompagné de quatre moines de Saint-Éloi qui doivent lui servir de conseillers théologiques et juridiques (droit canon). Sans nul doute, des jalousies se sont exprimées en Europe contre cet évêque africain, notamment parmi le clergé portugais, face à une promotion si fulgurante. Force est de reconnaître que la géopolitique s’est invitée au cœur de la formation de la première élite du clergé Kongo, au carrefour des intérêts Kongo, portugais et romains.

 

L’évêché du Kôngo : politique et religion au cœur de « l’apôtre du Kôngo »

De retour à Mbanza Kôngo, Dom Henrique constitue l’un des atouts politiques de Nzinga Mbemba, alias Afonso Ier. Il est nommé gouverneur de la province de Mpangu en plus de sa charge épiscopale. A ce double titre, il fait figure de deuxième personnalité politique du royaume Kongo après le Manikongo. Dom Henrique est un véritable vice-roi du Kôngo. Dès 1521, le pouvoir chrétien Kôngo décide de mêler les répertoires de l’autorité politique et du pouvoir religieux. Le Manikongo tient tellement à ce nouvel atout politique… qu’il interdit à l’évêque de se lancer dans une campagne pastorale à travers le Kongo. Dans une lettre du 18 mars 1526, il s’en explique à Dom Joao III du Portugal :

« A plusieurs reprises, notre fils l’évêque, nous a demandé de le laisser aller visiter le royaume avec les autres pères venus avec lui et qui ne suffissent même pas pour célébrer une messe pontificale, et encore moins pour un si grand royaume. Mais nous ne voulons pas le laisser partir, car le royaume est si grand que pour le visiter entièrement, il faudrait beaucoup plus de prêtres pour l’assister et l’accompagner (...) nous craignons qu’on le tue par le poison (…) et pourtant, il le souhaite ardemment et nous l’a demandé à plusieurs reprises».

Quelques mois plus tard, en août 1526, Afonso 1erécrit au monarque portugais pour lui demander d’ordonner évêque son neveu maternel, Rodrigo, pour en faire l’adjoint d’Henrique. Déjà se dessine, à travers la création d’un clergé catholique une certaine ambition de centralisation du pouvoir : le répertoire religieux permettant une captation des nouvelles ressources autant symboliques que matérielles, face aux grands seigneurs et gouverneurs des territoires qui composent le royaume du Kongo. L’objectif final est d’obtenir l’érection de Mbanza Kôngo en évêché plein et entier, autonome de Funchal. Le Portugal accepte la démarche et invite Henrique à Lisbonne pour sceller l’affaire. Mais l’évêque Kongo, d’une santé mise à rude épreuve, décède début 1531 (fin 1530 selon d’autres sources) à l’âge de 35 ans, dix ans après son retour en Afrique. Le premier évêque d’Afrique centrale est inhumé dans la cité qui deviendra le premier évêché d’Afrique centrale : Mbanza Kôngo.

Au Congo-Brazzaville, parmi les Kôngo Nsundi, la mémoire de Dom Henrique a été entretenue et fait figure de fondation politique : par son rôle religieux pionnier, par sa formation intellectuelle inégalée, et par sa place dans le grand royaume Kôngo, Dom Henrique occupe une place mythifiée… qui a pu consciemment ou inconsciemment trouver des échos parmi certains hommes politiques de l’histoire contemporaine du Congo-Brazzaville, où la robe ecclésiastique et le champ politique se sont fréquemment croisés.

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JEAN-PIERRE BAT  

 

Date de dernière mise à jour : samedi, 12 septembre 2020

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