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RDC : Peuples swahili du Congo, Baswahili (Swahiliphone)

 

 

Baswahili (Swahiliphone)

 

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Le swahili est l’une des quatre langues ayant le statut de « langue nationale » de la République Démocratique du Congo (RDC) bien qu’il ne se soit réellement répandu dans ce pays qu’au XIXe siècle avec le début de la colonisation.

Le swahili ou kiswahili est parlé comme langue seconde par 9,1 millions de locuteurs dans les provinces de l’Est, notamment le Kivu du Nord et le Kivu du Sud, le Maniema, le Katanga et le sud de la Province-Orientale. Si l'On ajoute ceux qui parlent le swahili comme langue seconde, c'est environ 40 % de la population congolaise qui peut s'exprimer dans cette langue, ce qui en fait aussi la langue la plus parlée du pays.
Les Européens ont favorisé le swahili avec les objectifs suivants : il s’agissait d’abord d’en faire la langue de travail pour faciliter la communication (et remplacer le kitchen-kaffir) entre Africains et Européens et entre les différents peuples africains et ce non pas, bien évidemment, pour promouvoir le sentiment nationaliste, mais pour unir les Congolais afin de mieux servir les intérêts belges ; il s’agissait ensuite de contrôler la communication entre Africains et il s’agissait enfin d’évangéliser, en particulier pour les missionnaires catholiques qui au Kivu, au Katanga et au Haut-Congo utilisèrent le Kiswahili comme langue d’instruction dans les écoles, les églises et dans leur communication avec les Congolais.

Le swahili était également la langue utilisée dans les camps des travailleurs de l’ancienne Union Minière du Haut Katanga. Le swahili fut considéré comme la langue de Kizungu (culture des Blancs/Européens), comme la langue de communication entre les Africains venus de divers coins du pays et même d’autres pays voisins (Rwanda, Burundi, Tanzanie, Zambie, Angola et Malawi) et enfin comme la langue de gens de la ville, ce qui à cette époque donnait un certain « prestige » par rapport à ceux qui ne maîtrisaient que leur langue maternelle.

 Les circonstances de l’apparition du swahili au Congo sont discutées. Sacleux (1939 : 387) et Whiteley (1969 : 72) attribuent l’introduction du swahili au Congo au commerçant esclavagiste Tippo Tip connu notamment par son autobiographie. Polomé quant à lui définit le centre de propagation du swahili au royaume Yeke de Msiri, roi Nyamwezi originaire de Tabora en Tanzanie. En 1860, Msiri a conquis une vaste région qu’il contrôlait depuis la capitale Bunkeya. Polomé (1973 : 68) affirme que le swahili était utilisé comme lingua franca dans ce royaume. Cependant, cette hypothèse est démentie par Fabian (1986 : 6) qui prouve par les différents écrits consultés que le yeke, le sanga et le luba (et non le swahili) étaient à l’époque les langues parlées dans la capitale du royaume Yeke. 

 

Zone swahiliphone en République démocratique du Congo

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Huit des 26 provinces de la RDC sont entièrement swahiliphones : 

Répandu dans les provinces du Haut-Katanga, du Haut-Lomami, d'Ituri, de Lualaba, du Maniema, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Tanganyika.
 

Ituri Kingwana, 
Lualaba Kingwana, 
Swahili du Katanga, 
Swahili du Kivu. 
Kingwana est un pidgin swahili qui fonctionne de manière sociolinguistique comme un dialecte. Il existe plusieurs dialectes régionaux, dont celui des régions autrefois arabisées serait le plus semblable aux swahili du Kenya et de la Tanzanie. 
 
L'utilisation de la langue

Utilisé par les ethnies Alur, Bali, Bendi, Bera, Bhele, Bila, Budu, Fuliiru, Kakwa, Kango, Kaonde, Komo, Lamba, Mwenga, Lendu, Lengola, Lese, Lika, Lugbara, Mangbetu, Mba, Ndaka, Ndo, Nyali, Nyanga, Talinga-Bwisi, Zimba.
 

Les textes sur le(s) swahili à l’époque coloniale

Nous présenterons assez rapidement ici les textes datant de 1880 à 1938, ceux-ci ayant déjà été analysés par Fabian (1986). Nous nous attarderons un peu plus sur la période de 1938 à l’indépendance qui n’a fait à notre connaissance l’objet d’aucune étude. Par ailleurs, celle-ci étant plus récente, elle a probablement eu plus d’impact sur les pratiques et représentations actuelles à Lubumbashi.

 

Les Arabo-Swahilis

 Il est à noter que le terme Arabo-Swahili (Arabe à l'époque) renvoie généralement à des bantous musulmans originaires de Zanzibar, plus rarement à des métis arabes ou indiens. Un usage équivalent, assimilant « arabe » à « musulman », subsiste notamment aussi sur l'île de La Réunion, où les indiens musulmans sont généralement appelés « zarabes ».

 

Préambule

Dès 1840, des commerçants venus de Zanzibar ont atteint les territoires sis entre le lac Tanganyika et la Lualaba (actuels Kivus et Maniema) pour y chercher des esclaves et de l'ivoire. Les cités de Nyangwe, Kasongo, Riba Riba ou Kabambare se structurèrent dès les années 1870.

Ujiji (en actuelle Tanzanie, sur la rive orientale du lac Tanganyika) et Baraka (Bomani) sur la rive occidentale du lac faisaient également partie de ces grands principaux comptoirs commerciaux. C'est en cette localité d'Ujiji (un village à l'époque) qu'Henry Morton Stanley rencontra en novembre 1871 David Livingstone. Stanley eut également l'occasion au cours de ce voyage de rencontrer les principaux commerçants arabo-swahilis actifs dans la Traite orientale de cette région.

Stanley les rencontra à nouveau lors de son second voyage dans la région en 1876. Il y retrouve notamment Tippo Tip qui est désormais le plus puissant d'entre eux. Ils montèrent ensemble une expédition pour explorer le fleuve Congo vers l'aval à partir de Kasongo. Tippo Tip rebroussa chemin après 50 jours, et Stanley atteignit Boma. Tippo Tip eut l'occasion de rencontrer la plupart des explorateurs européens s'étant rendus dans la région à cette époque.

Alors que Stanley commençait pour le compte de Léopold II de Belgique l'exploration du bassin du Congo par l'ouest au départ de Boma pour la mise en place de l'État indépendant du Congo (consacrée par sa reconnaissance internationale en 1885), la présence arabo-swahilie se renforçait et se structurait à l'est. Les intérêts des deux puissances n'allaient pas tarder à entrer en opposition.

 

But1 1 À lire : Découvrez les noms d’origine arabe répandus en RDC. 8367f8c92b1d1fcc4e6dd7787692de01 1 2

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De 1938 à 1960

Entre 1947 et 1955, Lecoste écrit cinq articles dans lesquels il parle du système de parenté chez les Ngwana et de la terminologie liée à celui-ci. Il écrit également un lexique en kingwana (1955) et un article sur l’origine de l’extension verbale, l’habituel en ka (1947). Cependant, le terme même de Ngwana, « homme libre », qui ne semble pas avoir eu de réelles empreintes identitaires et qui n’est même plus compris de nos jours à Lubumbashi2 semble être en partie une création coloniale. Makonga (1952) est l’un des premiers à témoigner de l’emploi du SL en tant que « langue maternelle par les enfants de divers groupes ethniques » et de son emploi dans l’administration et dans le système judiciaire.

Dans son article, le swahili au Congo belge, Harries (1956) affirme que les spécificités lexicales du SL sont telles que l’intercompréhension avec le standard est parfois difficile : « Comme le vocabulaire du swahili de la côte de l’Est est pour ainsi dire inconnu, la littérature swahili de l’Est n’est pas bien comprise », c’est encore ici une soit disant « déficience » du peuple congolais à maitriser un swahili de l’Est considéré comme « pur » qui est mis en avant. Il ajoute : « Le gouvernement belge a accepté le swahili dans l’enseignement, mais sauf dans les colonies islamiques, le langage n’a aucune base culturelle au Congo. Son usage est exclusivement utilitaire, comme toute lingua franca ».

La simplification présumée de ce parler est depuis longtemps mise en avant. Ainsi Whiteley (1956), membre du comité est-africain du swahili affirme que « généralement, la langue a été modifiée et simplifiée au fur et à mesure de sa diffusion vers l’intérieur ». Ce terme de simplification est repris par de nombreux auteurs parmi lesquels De Rop qui définit le kingwana comme « la forme la plus simplifiée c’est-à-dire la langue des hommes libres » (1960 : 22). Il justifie le besoin de standardisation en notant la diversité de cette langue « qui en s’éloignant de la région où il est parlé comme langue maternelle, se simplifie davantage et subit l’influence des parlers locaux ». Cette notion de simplification attribuée au SL est prédominante pendant la colonisation, après la décolonisation et jusqu’à aujourd’hui alors qu’elle n’est justifiée linguistiquement que dans son premier stade de développement.

Les textes métalinguistiques publiées quelques années avant l’indépendance du Congo sont assez radicalisés dans la dépréciation de ce parler. Makonga (1953) s’oppose nettement à l’expansion de cette langue et affirme qu’elle n’a aucun avenir en la comparant au « charabia populaire » et en la qualifiant de « purement vulgaire », d’« instrument de brutalité de policiers et d’inconscients assesseurs détribalisés ». Il ne s’agit presque plus de décrire ou d’enseigner cette langue mais uniquement d’y apporter des jugements de valeurs.

En 1960, dans la revue Aequatoria, De Rop (à l’époque chargé de cours à l’université de Lovanium dans l’actuelle ville de Kinshasa), note une différence notable entre le SL et le SE : « le kiswahili ne ressemble guère à la langue parlée à la côte orientale » (1960 : 22) et termine son article en s’appuyant sur d’autres auteurs et en argumentant sur le déclin certain du swahili avec des arguments dépréciatifs et erronés :

Il ne présente aucun intérêt réel pour nous, son amélioration est pratiquement impossible, il est une langue étrangère venu d’un pays qui n’a pas ici de représentants, le français lui a ravi l’enthousiasme de l’élite, il lui manque les maximes et les proverbes de sagesse dans sa forme actuelle de charabia, son emploi dans les écoles comme langue maternelle est une pure perte de temps.

Il s’agit ici bien évidemment d’opinions critiquables qui sont d’une part basées sur des faits non avérés et qui par ailleurs reflètent une période de crise politique.

La politique linguistique coloniale se résume en une survalorisation de la langue coloniale – ici le français –, une valorisation d’une langue véhiculaire africaine – le swahili – au détriment des autres langues africaines et un mépris de la créativité locale –le swahili de Lubumbashi. Ce dernier point est un peu ambigu car on note aussi une volonté de valoriser le kingwana (swahili du Congo) comme langue nationale pour le démarquer du swahili standard et donc des anciennes colonies britanniques, sans lui trouver toutefois assez de « sophistication » (d’un point de vue colonial bien entendu) pour que cela se réalise ; d’où l’échec de la tentative d’amélioration du SL (appelé swahili du Congo « amélioré »). Dans tous les cas, la persuasion coercitive est importante, elle tente de dévaloriser l’autre pour mieux l’exploiter. Elle semble à l’époque coloniale avoir bien fonctionné si l’on se fie entre autres à l’histoire d’Elisabethville par André Yav (1965, reproduit dans Fabian 1990). Cette histoire écrite en swahili katangais constitue un corpus important qui sera analysé plus tard dans plusieurs ouvrages (Fabian, 1990 ; Jewsiewicky et al, 2010). Il s’agit de l’histoire de la ville selon un « boy », un employé de colons qui exprime une admiration pour le roi belge et la colonisation : « Ses registres portent haut la colonisation. Des réserves existent, cependant. Ça et là, elles évoquent la souffrance des gens, le mécontentement des soldats, et ainsi de suite » (Mudimbe, 2010 : 21). Cette histoire faite à partir de liste d’événements et de noms témoigne là encore d’une tentative de conviction forcée ou d’idéologie imposée durant la colonisation à tel point que l’auteur ne semble pas être favorable à la décolonisation du Congo belge.

Ce « lavage de cerveau » ayant longtemps fait partie des trous de la mémoire coloniale a évidemment des conséquences après l’indépendance des pays colonisés et jusqu’à l’époque actuelle. Les écrits sur le SL même après l’indépendance sont souvent porteurs de préjugés linguistiques. Ainsi Gilman écrit en 1970 : « il s’agirait d’une langue récemment et imparfaitement acquise par les mineurs, qui toujours en contact avec des descendants des gens de la côte, pourront dans le futur atteindre un usage plus standard » identifiant ainsi le SL à une interlangue.

Ces répercussions de l’impérialisme linguistique à l’époque coloniale sont bien évidemment très importantes et de tout ordre ; nous nous attarderons ici seulement sur celles liées aux politiques linguistiques postcoloniales et aux représentations linguistiques actuelles.

 

Politique linguistique en RDC depuis l’indépendance

 

Peu avant l’indépendance, le swahili était utilisé par les leaders locaux pour diffuser leurs idées. Durant la courte période d’indépendance du Katanga (1960-63), sous l’autorité de Moise Tshombe, le swahili fut utilisé implicitement comme langue de construction de la nation. Mais après la restauration du pouvoir à Kinshasa, il perdit son prestige politique relatif.

La réintroduction des langues locales est le fruit de la politique de « recours à l’authenticité » établie par Mobutu en 1970, justifiée par le désir d’affirmer l’« africanité congolaise » et par la dénégation des valeurs étrangères et plus particulièrement occidentales. Au moment où le Congo belge devint officiellement le Zaïre, une véritable révolution linguistique anti néocolonialisme fut ainsi annoncée. Elle n’eut toutefois pas véritable succès, accompagnée qu’elle était d’une politique dictatoriale.

Au nom de l’authenticité, plusieurs interventions à caractère linguistique furent amorcées. Ainsi, le gouvernement rebaptisa les noms des grandes villes (p. ex. Léopoldville > Kinshasa, Élisabethville > Lubumbashi, Stanleyville > Kisangani, Port Francqui > Ilebo, etc.), des rues, des fleuves, des lacs, etc. ; le général-président Mobutu a eu droit à un lac qui porte son nom. On supprima les noms et prénoms étrangers ; les patronymes traditionnels africains devinrent obligatoires, ce qui suscita un conflit ouvert avec l’Église catholique, opposée à la déchristianisation des prénoms. Les raisons sociales furent également zaïrianisées, que ce soit dans les établissements d’enseignement, les commerces, les noms des journaux (tout en étant rédigés en français). Les termes de salutation tels que Monsieur, Madame et Mademoiselle furent remplacés par Citoyen, Citoyenne et Maman. Les députés se transformèrent en commissaires du peuple, les ministres, des commissaires d’État, les maires, des commissaires de zone, etc. La monnaie nationale porta aussi le nouveau nom du pays : le Zaïre qui deviendra plus tard le nouveau Zaïre. Bref, la prise du pouvoir politique par Mobutu s’est traduite également par une prise du pouvoir linguistique. (Leclerc : 2009)

Avec la chute du pouvoir de Mobutu en 1997, cette politique qui remit en cause le monopole du français fut abandonnée. Actuellement, les langues nationales parmi lesquelles le swahili ne jouent pas réellement leur rôle de langues nationales par manque d’aménagement linguistique.

 

 Référence

Revue de sociolinguistique en ligne n° 20 – juillet 2012 Linguistiques et colonialismes Numéro dirigé par Cécile Van den Avenne 

 

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