Loi fixant le statut des chefs coutumiers en RD Congo

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République démocratique du Congo : information sur les chefs coutumiers, y compris leurs pouvoirs, les régions où ces postes existent et leur reconnaissance légale; information sur la façon de devenir chef coutumier, y compris la nécessité du sacrifice humain; information sur les conséquences découlant du refus de devenir chef coutumier; protection offerte par l'État
 

 

 

 

 

Le 17/12/2019

 

 

 

EXPOSE DES MOTIFS

La crise des valeurs traditionnelles compte parmi les principaux maux qui, non seulement, minent l’unité et la cohésion nationales, mais aussi hypothèquent le développement intégral, harmonieux et durable de la République Démocratique du Congo.

Face à cette situation, la Constitution du 18 février 2006 reconnaît, en son article 207, l’autorité coutumière comme socle des valeurs traditionnelles.

La présente Loi est donc la mise en œuvre de cette exigence constitutionnelle. Elle vient s’ajouter à l’arsenal juridique sur l’organisation territoriale, administrative et politique en République Démocratique du Congo qui confère au chef coutumier, en plus des responsabilités coutumières, des charges administratives.

Elle prend en effet en compte les valeurs traditionnelles immuables et saines dans une société fondée sur le droit écrit, la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme. Elle vise notamment à :

- affirmer le rôle protecteur du chef coutumier en ce qui concerne l’identité culturelle ainsi que les valeurs traditionnelles morales ;

- réaffirmer le caractère apolitique du chef coutumier ;

- réaffirmer l’implication du chef coutumier dans la sauvegarde de l’unité et de la cohésion nationales ;

- réserver aux seules structures reconnues par la coutume le droit et le pouvoir de désigner le chef coutumier ;

- confirmer le droit des pouvoirs publics de reconnaitre ou de prendre acte de la désignation du chef coutumier ;

- reconnaitre à l’autorité coutumière le droit d’être consulté par les pouvoirs publics ;

- ouvrir la possibilité de mise en place de commissions consultatives locales, provinciales et nationales pour le règlement des conflits coutumiers ;

- définir les voies de recours pour le chef coutumier lésé par les décisions et actes des autorités administratives hiérarchiques.

Par ailleurs, elle détermine les obligations du chef coutumier.

Dans cette perspective, un régime disciplinaire lui est appliqué.

 

La présente loi s’articule autour de six chapitres ci-après :

CHAPITRE Ier : Des dispositions générales

CHAPITRE II : De l’exercice de l’autorité coutumière

CHAPITRE III : Des droits, des obligations, du statut judiciaire et des incompatibilités

CHAPITRE IV : Du régime disciplinaire et des voies de recours

CHAPITRE V : Des conflits de pouvoir coutumier

CHAPITRE VI : Des dispositions finales Telle est l’économie générale de la présente loi

 

LOI N° 15/015 DU 25 AOUT 2015 FIXANT LE STATUT DES CHEFS COUTUMIERS

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté ;

Le Président de la République promulgue la Loi dont la teneur suit :

 

CHAPITRE Ier: DES DISPOSITIONS GENERALES

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Section 1ère : De l’objet et du champ d’application

Article 1er

La présente Loi fixe le statut des chefs coutumiers.

Elle s’applique au :

1. chef de chefferie ;

2. chef de groupement ;

3. chef de village, désigné conformément à la coutume locale.

Est chef coutumier, toute personne désignée conformément à la coutume locale, reconnue par les pouvoirs publics et chargée de diriger une entité coutumière.

 

Section 2 : Des définitions

 

Article 2

Au sens de la présente Loi, il faut entendre par :

1. autorité coutumière : pouvoir reconnu au chef coutumier et fonctionnant conformément à la coutume locale ou la personne revêtue de ce pouvoir ;

2. coutume locale : ensemble des usages, des pratiques et des valeurs qui, par l’effet de la répétition et revêtus d’une publicité, s’imposent, à un moment donné, dans une communauté, comme règles obligatoires ;

3. empêchement définit : toute situation qui, de manière définitive, rend impossible la poursuite de l’exercice des fonctions de chef coutumier ;

4. intronisation : ensemble de cérémonies et rites coutumiers exécutés conformément à la coutume locale après la désignation du nouveau chef en vue de son installation ;

5. pouvoir coutumier ; ensemble des mécanismes d’administration d’une communauté fondés sur les us et coutumes ;

6. terre des communautés locales : les terres occupées par les communautés locales qui y habitent, cultivent ou exploitent d’une manière quelconque, individuellement ou collectivement, conformément aux coutumes ou aux usages locaux.

 

CHAPITRE II : DE L’EXERCICE DE L’AUTORITE COUTUMIERE

Section 1ere : De la juridiction de l’autorité coutumière

Article 3

L’autorité coutumière s’exerce au sein des entités territoriales suivantes :

1. la chefferie ;

2. le groupement ;

3. le village, organisé sur base de la coutume locale.

 

Article 4

Le chef coutumier réside, selon le cas, au chef-lieu de la chefferie, du groupement ou dans son village.

 

Section 2 : Des conditions d’exercice des fonctions de Chef Coutumier

Article 5

Nul ne peut exercer les fonctions de chef coutumier s’il ne remplit les conditions suivantes :

1. être de nationalité congolaise ;

2. être âgé d’au moins 18 ans ;

3. être ayant droit à la succession ;

4. être de bonne moralité ;

5. n’avoir pas fait l’objet d’une condamnation irrévocable à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle ;

6. avoir un niveau minimum de formation scolaire.

 

Article 6

L’exercice des attributions de chef coutumier est subordonné à :

1. l’existence d’une entité territoriale reconnue ;

2. la présence d’une population ;

3. l’intronisation conformément à la coutume locale ;

4. l’investiture et la reconnaissance par les autorités publiques compétentes.

 

Article 7

Le pouvoir du chef coutumier prend fin dans les cas ci-après :

1. décès ;

2. abdication ;

3. empêchement définitif ;

4. déchéance conformément à la coutume locale.

Dans ce cas, l’intérim et le remplacement du chef sont organisés conformément aux dispositions pertinentes de la section 5 du présent chapitre.

 

Section 3 : De l’organisation de l’autorité coutumière

Article 8

L’autorité coutumière est exercée par le chef coutumier. Celui-ci est assisté, le cas échéant, par des structures de consultation ou de concertation selon la coutume locale.

Les chefs coutumiers peuvent créer des organisations civiles les regroupant dans le respect de la législation en vigueur.

 

Article 9

Les chefs coutumiers peuvent être consultés, à tout moment, par les autorités publiques sur toute question relative à l’exercice du pouvoir coutumier.

 

Section 4 : De la mission du chef coutumier

Article 10

Sans préjudice des prérogatives définies dans la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces et de la Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivisions territoriales à l’intérieur des provinces, le chef coutumier assure la pérennité des coutumes et la bonne marche de sa juridiction. A ce titre, il exerce les attributions spécifiques suivantes :

1. veiller à la cohésion, à la solidarité et à la justice sociale dans sa juridiction ;

2. sauvegarder et faire respecter les valeurs traditionnelles morales, le patrimoine culturel, les vestiges ancestraux dont les sites et lieux coutumiers sacrés ;

3. veiller, conformément à la Loi, à la protection des espaces fonciers qui relèvent des terres des communautés locales ;

4. promouvoir les relations de bon voisinage avec les entités voisines. Section

5 : De l’intérim et de la succession du Chef Coutumier

 

Article 11

Outre les cas prévus à l’article 7 de la présente Loi, l’intérim du chef coutumier intervient dans l’une des circonstances ci-après :

1. l’absence prolongée de son entité ;

2. la suspension de ses fonctions conformément au régime disciplinaire ;

3. l’exercice d’une fonction incompatible.

 

Article 12

Sans préjudice des dispositions des Lois mentionnées à l’article 10 de la présente Loi, en cas de vacance, l’intérim est assuré, s’il échet, conformément à la coutume locale.

L’intérim prend fin à la cessation de la circonstance qui l’a justifié.

 

Article 13

En cas de vacance de pouvoir dans une entité coutumière, l’agent administratif le plus gradé de l’entité avise, par écrit, selon le cas :

1. le gouverneur de province ou son délégué pour la chefferie ;

2. le chef de chefferie ou de secteur pour le groupement ;

3. Ll chef de groupement pour le village.

 

Article 14

En cas de vacance, le gouverneur de province ou son délégué pour la chefferie, le chef de chefferie ou de secteur pour le groupement, le chef de groupement pour le village, le bourgmestre pour le groupement incorporé, selon le cas, se rend sur le lieu et dresse le procès-verbal de constat de vacance de pouvoir coutumier.

 

Article 15

Si le successeur est connu, l’autorité visée à l’article précédent autorise l’installation.

 

Article 16

Dans le cas où le successeur n’est pas connu, l’autorité visée à l’article 14 de la présente Loi organise l’intérim et ouvre la voie à la succession. L’intérim du chef défunt est assuré, en tant qu’autorité coutumière, conformément à la coutume locale et tant qu’autorité administrative, conformément à la législation particulière en la matière.

 

Article 17

Pour pourvoir à la vacance, l’autorité visée à l’article 14 de la présente Loi se rend sur le lieu et dresse les procès-verbaux ci-après :

1. d’authenticité de l’arbre généalogique ;

2. d’audition des membres de la lignée du prétendant ayant droit à la succession ;

3. de témoignage, selon le cas, des chefs de groupement, des chefs de village et des notables voisins ;

4. de proclamation du chef désigné conformément à la coutume locale. Cette autorité établit un rapport auquel sont joints tous les procèsverbaux et le transmet à l’autorité compétente pour installation, investiture et reconnaissance.

 

CHAPITRE III : DES DROITS, DES OBLIGATIONS, DU STATUT JUDICIAIRE ET DES INCOMPATIBILITES

 

Section 1ere : Des droits

Article 18

Le chef coutumier a droit à des égards et au respect dus à sa dignité et à son rang.

 

Article 19

Le chef coutumier a droit à une rémunération décente, aux frais de représentation et autres dus aux animateurs des entités territoriales.

 

Article 20

Le chef coutumier bénéficie, en outre, des avantages suivants :

1. les frais à l’occasion des cérémonies officielles ou de son installation par l’administration ;

2. les soins de santé et les frais funéraires pour lui, son conjoint et ses enfants à charge ;

3. le transfèrement par les pouvoirs publics, en cas de décès en dehors de sa juridiction, de sa dépouille mortelle au chef-lieu de son entité.

 

Article 21

Le chef coutumier a droit à la protection sociale et à un passeport de service pour les missions officielles.

 

Article 22

Le chef coutumier reçoit, lors de son investiture, un brevet, un drapeau et un insigne comportant les armoiries de la République.

 

Section 2 : Des obligations

 

Article 23

Le chef coutumier affiche en tout temps et en toute circonstance un comportement digne.

 

Article 24

Les chefs coutumiers se doivent respect mutuel.

Toutefois, le chef coutumier d’une entité inférieure doit obéissance et déférence à celui d’une entité supérieure.

 

Article 25

Le chef coutumier est apolitique. Il ne prend part à aucune activité dirigée contre les autorités publiques. Sous peine des sanctions disciplinaires, il peut assister, comme observateur, aux activités des partis politiques organisées dans sa juridiction.

 

Article 26

Le chef coutumier règle les conflits coutumiers qui surgissent entre différentes communautés de son entité et en informe sa tutelle ou sa hiérarchie.

 

Article 27

Le chef coutumier informe, selon le cas, l’autorité de tutelle ou hiérarchique lorsqu’il s’absente de sa juridiction pour une période inférieure à trente jours. En cas d’absence de plus de trente jours, une autorisation préalable est requise.

Sans préjudice des formalités requises, la sortie du territoire national du chef coutumier est soumise à l’autorisation du Gouverneur de province.

 

Section 3 : Du statut judiciaire

 

Article 28

Les poursuites et l’arrestation contre le chef de chefferie sont soumises au régime des articles 10 et 13 du code de procédure pénale. Sans préjudice des pouvoirs reconnus aux officiers de police judiciaire, et sauf infraction flagrante, les chefs coutumiers autres que le chef de chefferie, ne peuvent faire objet d’arrestation que sur mandat du ministère public.

 

Section 4 : Des incompatibilités Article 29 Sans préjudice des dispositions de l’article 108 point 6 de la Constitution, la fonction de chef coutumier est incompatible avec celle de : 1. membre des forces armées ou de la police nationale ; 2. agent de carrière des services publics de l’Etat ; 3. magistrat ; 4. membre d’un parti politique ; 5. membre du Bureau d’un organe délibérant ; 6. membre du collège exécutif d’une entité territoriale décentralisée ; 7. un employé permanent. Les dispositions du point 6 ci-dessus ne s’appliquent pas au chef de chefferie, s’agissant du collège exécutif de la chefferie.

 

CHAPITRE IV : DU REGIME DISCIPLINAIRE ET DES VOIES DE RECOUS

 

Article 30

Le régime disciplinaire applicable au chef coutumier est fixé, selon le cas, par la Loi ou par la coutume locale.

 

Article 31

Tout manquement du chef coutumier aux devoirs de son état, à l’honneur et à la dignité de ses fonctions constitue une faute disciplinaire passible, selon le cas, des sanctions prévues par la Loi ou par la coutume locale.

 

Article 32

Le chef coutumier reconnu coupable de faute administrative dans l’exercice de ses fonctions, encourt, selon la gravité des faits, l’une des sanctions disciplinaires suivantes :

1. le blâme ;

2. la retenue du 1/3 du traitement pour une durée ne dépassant pas un mois ;

3. la privation de traitement pour une durée ne dépassant pas trois mois ;

4. la déchéance. Dans ce cas, la procédure disciplinaire applicable est mutatis mutandis celle applicable aux agents de carrière des services publics de l’Etat.

La déchéance est prononcée, selon le cas, par le ministre de la République ayant les affaires coutumières dans ses attributions pour le chef de groupement, par le gouverneur de province pour le chef de chefferie et par l’administrateur du territoire ou le bourgmestre pour le chef de village.

Le chef coutumier frappé d’une condamnation irrévocable à une peine privative de liberté supérieure à trois mois pour infraction intentionnelle est déchu d’office de ses fonctions.

 

Article 33

L’exercice illicite des fonctions ou prérogatives de chef coutumier est réprimé conformément au droit commun.

 

Article 34

Les recours contre les sanctions encourues par le chef coutumier en matière coutumière sont organisés conformément à la coutume locale. Les recours contre les sanctions administratives sont exercés conformément à la procédure applicable aux agents de carrière des services publics de l’Etat.

 

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CHAPITRE V : DES CONFLITS DE POUVOIR COUTUMIER

 

Article 35

Les conflits de pouvoir coutumier surviennent en cas notamment de :

1. désignation du chef coutumier, même à titre intérimaire ;

2. usurpation du pouvoir ;

3. contestation des limites des entités coutumières ;

4. contestation des terres des communautés locales ;

5. revendication de création de nouvelles entités coutumières ;

6. soumission d’une entité coutumière à celle dont la coutume n’est pas la sienne.

 

Article 36

En cas de conflit né à l’occasion de l’exercice du pouvoir coutumier, le gouverneur de province ou son délégué pour la chefferie, le chef de chefferie ou de secteur ou leurs délégués pour le groupement et le village s’impliquent de manière à contribuer à son règlement par voie de conciliation, de médiation ou d’arbitrage.

Il peut être créé au niveau du secteur ou de la chefferie, de la province et du ministère de la République ayant les affaires coutumières dans ses attributions une commission consultative de règlement des conflits coutumiers.

 

CHAPITRE VI : DES DISPOSITIONS FINALES

 

Article 37

La présente loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.

 

Fait à Kinshasa, le 25 août 2015 Joseph KABILA KABANGE

 

1. Aperçu de la situation des chefs coutumiers en République démocratique du Congo (RDC)

Selon l'International Crisis Group,

[e]n RDC, les provinces sont divisées en territoires, eux-mêmes divisés en entités territoriales décentralisées (ETD) appelées secteurs, chefferies ou groupements. Les chefferies sont administrées par un chef traditionnel (ou chef coutumier) et son conseil (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3).

Les chefs coutumiers sont connus sous le nom de « mwami » (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3; CICR 2 mars 2011). Selon l'International Crisis Group, ce titre signifie littéralement « roi » (23 juill. 2013, 3).

Les chefs coutumiers sont reconnus par la Constitution de la RDC (France 24 17 janv. 2014; International Crisis Group 23 juill. 2013, i; Buaguo Mosabi et Fufulafu Zaniwe 2012).

L'article 207 de la Constitution déclare ce qui suit :

L'autorité coutumière est reconnue. Elle est dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Tout chef coutumier désireux d'exercer un mandat public électif doit se soumettre à l'élection, sauf application des dispositions de l'article 197 alinéa 3 de la présente Constitution. L'autorité coutumière a le devoir de promouvoir l'unité et la cohésion nationales. Une loi fixe le statut des chefs coutumiers (RDC 2006, art. 207).

Selon les dispositions de l'article 197 mentionné ci-dessus, les députés provinciaux

sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le nombre de députés provinciaux cooptés ne peut dépasser le dixième des membres qui composent l'Assemblée provinciale (ibid., art. 197).

L'International Crisis Group explique qu'en pratique, cette disposition de la Constitution fait que « 10 pour cent des sièges au sein des assemblées provinciales reviennent aux chefs coutumiers qui sont cooptés par les députés provinciaux à hauteur d'un chef coutumier par territoire » (International Crisis Group 23 juill. 2013, 11).

Le chapitre III de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces présente les dispositions relatives aux secteurs et aux chefferies en RDC et des dispositions en ce qui a trait aux rôles et aux responsabilités des chefs (RDC 2008, ch. III). Ce chapitre est annexé à la présente réponse.

Cependant, selon l'International Crisis Group, le rôle des chefs coutumiers n'a « pas encore [été] totalement formalisé »; l'ONG internationale explique que

cette organisation de la gouvernance locale [les chefferies] n'a été que partiellement mise en oeuvre. Les gouvernements successifs n'ont pas procédé aux élections locales ni voté la loi sur le statut des chefs coutumiers (International Crisis Group 23 juill. 2013, i, 17).

Des médias congolais signalent toutefois qu'un projet de loi sur le statut des chefs coutumiers a été présenté et débattu à l'automne 2013 (ACP 5 nov. 2013; Le Potentiel 5 nov. 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements sur l'avancement de ce projet de loi.

Des sources signalent qu'en 2012, il y avait 259 chefferies en RDC (Buaguo Mosabi et Fufulafu Zaniwe 2012; France 24 17 janv. 2014). Selon France 24, un regroupement de trois chaînes de télévision d'informations en continu, « la plupart » des chefferies seraient situées dans le nord-est du pays (17 janv. 2014). Selon un article rédigé par des universitaires de l'Université de l'Uélé sur les chefferies dans le Haut-Uélé [un district de la province orientale], 139 de ces chefferies seraient situées dans la province orientale (Buaguo Mosabi et Fufulafu Zaniwe 2012).

2. Pouvoirs des chefs

Des sources rapportent que les chefs coutumiers sont considérés comme les garants des valeurs morales (ACP 5 nov. 2013; CICR 2 mars 2011). Des médias congolais décrivent aussi le rôle de chef coutumier comme un rôle de « protecteur » de l'identité culturelle (Le Potentiel 5 nov. 2013; ACP 5 nov. 2013). D'après le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les chefs coutumiers « sont ceux qui conseillent et apaisent, mais aussi ceux qui mobilisent la communauté pour trouver des solutions » (2 mars 2011).

L'International Crisis Group déclare que, « [d]ans le système politique et administratif congolais, les chefs traditionnels jouent un rôle prépondérant au lieu d'être des pouvoirs subsidiaires » (International Crisis Group 23 juill. 2013, i). L'ONG ajoute que

les autorités provinciales et nationales n'ont qu'une faible emprise sur la gouvernance locale. Cette primauté des instances coutumières sur les administrations et institutions formelles est renforcée par le manque de légitimité du gouvernement actuel qui, faute de soutien populaire, essaye de construire son assise par l'intermédiaire des chefs traditionnels, à l'instar de bien d'autres pouvoirs en Afrique (International Crisis Group 23 juill. 2013, 16).

Dans un livre sur les relations entre le pouvoir traditionnel et le pouvoir de l'État en RDC, Héritier Mambi Tunga-Bau, un docteur en sciences politiques qui enseigne au département des sciences politiques et administratives de l'Université de Kinshasa et au Centre universitaire de Bandundu (La Prospérité 9 janv. 2012), déclare de son côté « [qu'a]ujourd'hui, comme hier, la structure du pouvoir traditionnel organise et exerce le pouvoir d'État à la base » (Mambi Tunga-Bau 2010, 16).

En pratique, selon l'International Crisis Group, les chefs coutumiers sont « à la fois des administrateurs de terres et des arbitres des querelles foncières » (International Crisis Group 23 juill. 2013, 18). La même source ajoute que

ces fonctions n'ont pas toujours un fondement légal mais elles représentent une réponse populaire à l'absence de l'État. Excédant très souvent les limites de leur pouvoir, les chefs coutumiers cèdent les terres, les retirent et les bradent à volonté, ce qui est source de nombreux conflits fonciers dans l'ensemble du pays (ibid.).

3. Processus de sélection

En ce qui concerne la désignation des chefs, les articles 66 et 67 de la Loi organique n° 08/016 citée plus haut établissent une distinction entre les secteurs et les chefferies :

Le secteur est un ensemble généralement hétérogène de communautés traditionnelles indépendantes, organisées sur base de la coutume. Il a à sa tête un Chef élu et investi par les pouvoirs publics.

[...]

La chefferie est un ensemble généralement homogène de communautés traditionnelles organisées sur base de la coutume et ayant à sa tête un Chef désigné par la coutume, reconnu et investi par les pouvoirs publics (RDC 2008).

L'International Crisis Group précise que les chefs coutumiers sont nommés par les autorités nationales, en l'occurrence le ministère de l'Intérieur et des Affaires coutumières (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3). Cependant, d'après Dr. Mambi Tunga-Bau,

[l]'investiture et la reconnaissance étatiques ne sont qu'appendices qui légalisent une situation entièrement traditionnelle. Elles offrent au pouvoir coutumier la légitimité légale (Mambi Tunga-Bau 2010, 30).

Ainsi, des sources signalent que la charge de chef coutumier est héréditaire (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3; Mambi Tunga-Bau 2010, 26-28). Selon l'International Crisis Group, cette charge se « transmet de père en fils » (23 juill. 2013, 3). Dr. Mambi Tunga-Bau signale cependant que « le droit d'aînesse n'est pas un droit absolu » lors d'une succession, expliquant que

[d]ans la pratique, l'aîné devient la personne qui présente plus de qualités pour accéder au pouvoir. C'est donc le candidat généreux et justifiant socialement plus d'atouts qui accède au pouvoir. C'est toute une élection qui s'organise entre les ayant[s] droit excluant toute compétition large au sein de la population aussi bien en termes d'éligibilité des candidats que de la population électrice (Mambi Tunga-Bau 2010, 29).

Dr. Mambi Tunga-Bau ajoute ce qui suit :

Il va de soi qu'aucune possibilité n'est offerte à des personnes extérieures à la famille cheffale d'exercer le pouvoir (ibid.).

4. Conséquences découlant du refus de devenir chef coutumier

Selon Dr. Mambi Tunga-Bau, les mandats des chefs coutumiers sont « illimités », et « le chef reste investi pour toute sa vie »; « la succession n'est possible qu'en cas de mort, de révocation ou d'abdication du chef au pouvoir » (Mambi Tunga-Bau 2010, 26, 29). D'après l'auteur, il est « rare » que les chefs « renoncent volontairement au pouvoir coutumier » parce que « [s]a détention procure non seulement la richesse mais aussi le prestige » (Mambi Tunga-Bau 2010, 26). Il ajoute que « les chefs coutumiers qui ont abdiqué l'ont fait, sans doute par contraintes sociales, pour préserver leur vie après avoir transgressé les règles coutumières » (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement sur les conséquences d'un refus de devenir chef coutumier ni sur la protection offerte par l'État.

5. Nécessité du sacrifice humain

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la nécessité du sacrifice humain dans le processus de sélection des chefs coutumiers.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Agence congolaise de presse (ACP). 5 novembre 2013. « Le ministre de l'Intérieur Richard Muyej défend devant le Sénat le statut du chef coutumier congolais ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

Buaguo Mosabi, Dieudonné et Amand-Félix Fufulafu Zaniwe. 2012. Démocratie et pouvoirs coutumiers dans les chefferies du Haut-Uélé. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Comité international de la Croix-Rouge (CICR). 2 mars 2011. « Violences sexuelles en RD du Congo : la tradition contre l'exclusion ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

France 24. 17 janvier 2014. « Assassinats en série des chefs coutumiers au nord-est de la RDC ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

International Crisis Group. 23 juillet 2013. Comprendre les conflits dans l'Est du Congo (I) : la plaine de la Ruzizi. Rapport Afrique n° 206. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Mambi Tunga-Bau, Héritier. 2010. Pouvoir traditionnel et pouvoir d'État en République démocratique du Congo : esquisse d'une théorie d'hybridation des pouvoirs politiques. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Le Potentiel. 5 novembre 2013. Stéphane Etinga . « Sénat : le projet de loi sur le statut des chefs coutumiers soumis à l'examen de la plénière ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

La Prospérité. 9 janvier 2012. Cherry Mwanda. « Pouvoir traditionnel et pouvoir d'État en Rdc contemporaine ». [Date de consultation : 15 mai 2014]

République démocratique du Congo (RDC). 2008. Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces. [Date de consultation : 14 mai 2014]

_____. 2006. Constitution de la République démocratique du Congo. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les organisations suivantes ont été infructueuses : Centre des droits de l'homme et du droit humanitaire; Ligue pour la paix, les droits de l'homme et la justice.

Sites Internet, y compris : AllAfrica; Amnesty International; Congo Forum; Digital Congo; ecoi.net; États-Unis - Department of State; Factiva; France - Cour nationale du droit d'asile; Freedom House; Human Rights Watch; Jeune Afrique; Leganet.cd; Nations Unies - Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo, Refworld, Réseaux d'information régionaux intégrés; L'Observateur; Le Phare; Radio France internationale; Radio Okapi; République démocratique du Congo - ministère de l'Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières; Royaume-Uni - Home Office; Search for Common Ground; Le Soft International.

Document annexé

République démocratique du Congo (RDC). 2008. Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces. [Date de consultation : 14 mai 2014]

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Date de dernière mise à jour : mardi, 17 décembre 2019

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