RDC : destruction de riz avarié issu des stocks du Programme alimentaire mondial (PAM)
Le 01/05/2020
Les 5.922 sacs de riz ont été "déclarés impropres à la consommation" après deux séries d'expertises menées par l'Office congolais de contrôle (OCC) en mars, a indiqué Sylvain Mbusa Kanyamanda, maire de la ville de Butembo dans la province du Nord-Kivu.
La destruction du stock a commencé samedi, a-t-il précisé. Des photos ont montré l'enfouissement des sacs de riz sous terre.
Le stock venait du Programme alimentaire mondial (PAM) qui a financé l'opération de destruction de ce riz destiné aux personnes guéries d'Ebola, selon le maire de Butembo.
La décision a été saluée par les représentants de la société civile.
"Nous regrettons cette perte énorme de denrées qui auraient dû aider des populations qui souffrent des affres de la guerre et des épidémies", a précisé à la presse Me Cathy Furaha, vice-présidente de la société civile de Butembo. Mais "les droits de l'homme, c'est aussi le droit de protection des consommateurs", a-t-elle ajouté.
Au total 13 millions de personnes sont en "insécurité alimentaire" en RDC, estime le PAM, qui tire régulièrement la sonnette d'alarme avec d'autres agences des Nations unies et les ONG.
"Parmi eux, 5 millions sont des enfants souffrant de malnutrition aiguë", ajoutait le PAM en 2019, considérant la situation alimentaire dans le pays comme l'une des plus graves au monde, avec le Yémen.
En 2019, le PAM affirmait vouloir aider 5,2 millions de Congolais "soit le même nombre qu'en 2018".
Des ONG redoutent une aggravation des problèmes de famine en Afrique avec la pandémie de nouveau coronavirus et les mesures préventives qu'elle entraîne.
Ce qu’il s’est vraiment passé
Contacté par la rédaction de France 24, le maire de Butembo, Sylvain Mbusa Kanyamanda, détaille l’origine de ce riz :
Ces sacs de riz ont été importés par le biais du PAM dans le cadre de la riposte contre Ebola, et venaient de Goma [à 200 km de Butembo, NDLR]. Cet organisme nous aide depuis maintenant deux ans à nourrir la population et est d’une grande aide. Nous avons été alertés il y a quelques mois sur des stocks qui pouvaient être avariés. J’ai donc saisi le parquet qui a mandaté l’Office de contrôle congolais (OCC).
Le riz n’était pas "empoisonné", il était seulement non conforme à la consommation. Il n’y a eu aucun élément attestant de la présence de quelconque poison lors des contrôles… et vous imaginez : il y avait 5922 sacs ! Mettre autant de poison dans une cargaison aussi importante relèverait de l’exploit ! Et c’est par ailleurs le PAM qui a financé cette opération de destruction.
Un de nos Observateurs à Butembo, John Etumba, était présent également lors de cette destruction, dont il nous a transmis des photos samedi 25 avril.
Il explique :
Les habitants de Butembo critiquaient le PAM d’avoir amené ce riz qui est impropre à la consommation. Selon eux, c’était incompréhensible qu’un organisme des Nations Unies n’ait pas testé en laboratoire ce riz pour vérifier s’il pouvait être distribué ! Cependant, aucune personne n’a jamais parlé de riz "empoissonné ". Cette publication Facebook dramatise la situation.
Photos de la destruction des sacs de riz près de Butembo le 25 avril envoyées par John Etumba.
Présence de bactéries de type Escherichia coli dans le riz
Même son de cloche du côté de l’Office de Contrôle congolais, qui a pour objectifs d'effectuer des contrôles de qualité, de quantité et de conformité de tout type de marchandises : Gauthier Mputu, co-réprésentant de l’OCC à Butembo, a détaillé à notre rédaction les raisons de la destruction de cette cargaison :
Le laboratoire a soumis la cargaison aux essais micro-biologiques et chimiques. Il s’est avéré que les essais chimiques ont montré qu’il y avait des germes présents dans le riz. Par mesure de sécurité, et pour éviter que des gens ne tombent malade, il a été détruit, car c’est le protocole. Mais il ne s’agit en aucun cas de poison ou d’un acte volontaire.
Les tests menés en mars par des laboratoires de Kinshasa avaient révélé une forte présence d’escherichia coli, une bactérie pouvant entrainer notamment des gastro-entérites, des infections urinaires ou des méningites dans les cas les plus graves. Aucune précision sur la raison de la présence de ces bactéries n’avait pu être identifiée. "Les causes peuvent être multiples, comme par exemple un problème lors du transport comme une fuite d’essence" a notamment confié un autre responsable de l’OCC à Kinshasa.
La rédaction des Observateurs de France 24 a contacté les représentants du PAM-RDC pour avoir leur version, mais n’était pas parvenu à les joindre au vendredi 1er mai. Nous publierons leur réponse si celle-ci nous parvient.
Article rédigé par Alexandre Capron (@alexcapron)