Jeannette, enfant pygmée : ‘Jamais je n’aurais pu imaginer jouer un jour avec des enfants bantous’
03/11/2016
RDC, province du Tanganyika – Mai 2016 –Jeannette, 14 ans, a intégré avec plusieurs de ses camarades de classe le comité de paix de l’école il y a quelques mois. Ensemble, ils organisent des activités de sensibilisation sur la consolidation de la paix entre les enfants pygmées et bantous. Sous un grand manguier à quelques mètres de la cour de son école, Jeannette termine une représentation de théâtre sous les applaudissements des membres de la communauté du village de Ngombe Nwana. La pièce met en scène une résolution pacifique de conflit entre deux jeunes du village qui s’étaient violemment opposés suite à un vol.
Jeannette est un enfant Batwa (pygmée). Dans cette région rurale de la RDC, les Batwa cohabitent avec les Baloubas (bantous). Une cohabitation qui tourne parfois au conflit communautaire. Début 2015, Jeannette doit fuir son village de la région de Manono lorsque des affrontements éclatent entre pygmées et bantous.
‘Mon village a été attaqué et brulé, et j’ai été forcée de fuir avec toute ma famille.’raconte Jeannette. ‘Apres plusieurs jours de marche, nous nous sommes refugiés dans un camp de déplacés, avant que celui-ci ne soit de nouveau attaqué et brulé. Nous nous sommes finalement cachés dans un ancien entrepôt dans la ville de Nyunzu.’
Pendant plusieurs semaines, plus de 15 000 personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants pygmées, se retrouvent bloqués dans cet entrepôt, n’osant pas sortir de peurs des représailles. Une médiation des autorités locales parvient finalement à faire cesser les hostilités.
Des conflits aux causes profondes
Suite à ces évènements, de nombreuses populations déplacées ne pouvaient plus rentrer chez elles. “Les autorités ont décidé de les réinstaller dans des villages, pour leur permettre de reprendre une vie normale et de retourner travailler dans les champs.” explique Delphin Mwengue Bin Mpungu, Chef de Sous division provinciale du Ministère de l’enseignement a Nyunzu 2. “Ces populations ont toujours cohabité ensemble et vivent en étroite dépendance puisque le plus souvent les Batwas travaillent pour les Baloubas. Mais les Batwas sont souvent marginalisés, ils ont moins accès a la terre ou aux services sociaux de base comme l’école. Cette discrimination est une source de tension continue et la situation peut s’embraser à la moindre étincelle.”
L’école comme dividende du retour à la paix entre les enfants pygmées et bantous
Avec l’appui de l’UNICEF, le gouvernement a eu comme priorité de rouvrir les écoles dans les villages. “Certaines avaient été saccagées ou brulées durant les conflits et beaucoup d’enseignants avaient fui” explique Gaston Mugunga Muhiya, directeur de l’école de Ngombe Nwana. ‘Nous avons également fait un travail de sensibilisation, porte à porte, pour convaincre les parents de remettre leurs enfants à l’école.’ Une action qui a porté ses fruits. ‘Aujourd’hui, nous avons 339 élèves, dont plus d’un tiers sont des enfants pygmées’ ajoute le directeur.
‘Dans ces situations post-conflits, le rôle de l’école est très important’ explique Chantal Kaping Nzemba, chargée de l’éducation a l’UNICEF. ‘Une école qui accueille de nouveau les enfants dans un village, c’est d’abord le signe que la paix est de retour. Mais au-delà, l’école offre également la possibilité de réapprendre à vivre ensemble.’
Apprendre à vivre ensemble pacifiquement
C’est cette dimension que l’UNICEF appuie à travers le programme ‘apprendre pour la paix’. ‘En plus de l’apprentissage, nous voulons que les enfants puissent s’épanouir et vivre ensemble pacifiquement’ ajoute Chantal. A travers l’école, ce sont les différents niveaux de la communauté qui peuvent être ciblés. Les enseignants ont d’abord été formés à encadrer des activités favorisant la cohésion sociale au sein de l’école.
Grace à cette formation, les enfants pygmées et bantous sont devenus des acteurs de paix en participant à des comités de paix et en organisant des activités sportives, des discussions ou des représentations de théâtre pour sensibiliser les communautés. Les adolescents ont également la possibilité de s’exprimer et d’organiser des activités au sein des clubs adodev. L’école sert également de point de rencontre entre les communautés. ‘En voyant que leurs enfants jouent ensemble, certains parents qui s’ignoraient auparavant sont poussés à s’entendre, notamment au sein des associations de parents ou à travers les activités communautaires’ ajoute Gaston Mugunga Muhiya.
Au total, ce sont plus de 165 écoles qui ont été appuyées par l’UNICEF à la consolidation de la paix dans les sous divisions de Manono, Kalemie, Nyunzu1&2 dans la province du Tanganyika.
Le Programme Apprendre pour la Paix
Le programme «Apprendre pour la paix» est un partenariat entre l’UNICEF, le Gouvernement des Pays-Bas, les gouvernements nationaux des pays participants et d’autres partenaires clés.
L’objectif global de ce programme novateur est de renforcer la résilience, la cohésion sociale et la sécurité humaine dans des contextes touchés par un conflit, y compris les pays à risque de, éprouvant ou sortant d’un conflit. En particulier, il vise à renforcer les politiques et les pratiques en matière d’éducation pour la paix.
Depuis 2012, le programme «Apprendre pour la paix» a touché la vie de plus de 2 millions d’enfants et membres de la communauté en Afrique occidentale et centrale.
Découvrez toute l’histoire de Jeannette:
Nicolas Meulders, Pona Bana
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