Kongo central : l'Art rupestre du Massif de Lovo
Le 17/03/2017
145 sites d’art rupestre au Kongo central !
À la différence des arts rupestres du Sahara ou d’Afrique australe, richement documentés, ceux d’Afrique centrale restent encore aujourd’hui largement méconnus. Cette région se différencie des autres par la prégnance d’un art peint et gravé non figuratif. A l’échelle de la sous-région, la République démocratique du Congo est pourtant connue depuis longtemps comme ayant l’une des plus importantes concentrations de sites rupestres. Le Kongo central à lui seul compte près de 145 sites, dont plus de cent dans le massif de Lovo.
Ce massif, peuplé par les Ndibu, un des sous-groupes kongo, se trouve au nord de l’ancien royaume de Kongo. En 1483, lors de leur arrivée à l’embouchure du fleuve Congo, les navigateurs portugais furent frappés d’y découvrir une structure politique centralisée.
A son apogée, vers la seconde moitié du XVIème siècle et la première moitié du XVIIème siècle, le royaume de Kongo s’étendait à cheval entre les états modernes de la République démocratique du Congo, l’Angola et le Congo-Brazzaville sur une superficie allant jusqu’à 130 000 km2. Suite à la conversion au christianisme de plusieurs rois dès le XVème siècle, missionnaires, ambassadeurs et commerçants ont pu décrire de manière assez précise la vie quotidienne et religieuse de l’ancien royaume. Bien que le royaume de Kongo soit, à partir de 1500, l’un des mieux documentés de toute l’Afrique tant par les sources historiques que par les sources ethnographiques et anthropologiques pour les périodes plus récentes, il reste méconnu archéologiquement.
Avec 102 sites (dont 16 grottes ornées), le massif de Lovo contient la plus importante concentration de sites rupestres de toute la région. Sur environ 400 km2 se dressentdes centaines de massifs calcaires au relief spectaculaire percés de nombreuses grottes et abris sous roche. Jusqu’à présent, aucune recherche de grande ampleur n’y avait encore été conduite et l’âge de ces représentations rupestres restait toujours incertain.
une datation comprise entre le XVème et le XVIIIème siècle qui confirme dès lors le lien avec le royaume de Kongo et avec ses rituels, notamment le kimpasi. Signalée dès la seconde moitié du XVIIème siècle, cette initiation religieuse se déroulait au sud du fleuve Congo. Etroitement associée au kimpasi, la croix, que l’on retrouve fréquemment sur ces parois, était un important symbole de passage entre le monde terrestre et l’au-delà. Deux massifs voisins de la grotte de Tovo sont encore connus aujourd’hui pour avoir abrité des kimpasi jusqu’au début du XXème siècle.
Au nord-ouest de Lovo, à proximité d’un ancien village et de son cimetière dans le lit d’une rivière, à sec pendant la saison sèche, se trouvent près de 940 gravures révélant une riche séquence stylistique sur environ cinquante mètres de long. A Fwakumbi, le chef traditionnel nous a ainsi indiqué des esprits locaux dénommés simbi gravés dans la pierre. Pour obtenir leurs bénédictions, il fut le seul à perpétuer un rituel pour accéder aux sites en offrant aux ancêtres et aux esprits simbi du vin de palme, des noix de kola, des luzibu et des champignons médicinaux tondo.
Inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO ?
Vu le haut intérêt culturel, historique et naturel de cet ensemble, les autorités congolaises envisagent une initiative pilote pour inscrire cet art rupestre sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le classement de cette zone avait été proposé dès 1961, idée reprise à partir de 1973 par l’Institut des musées nationaux du Zaïre.
Afin de sauvegarder ce patrimoine culturel important et ce paysage naturel spectaculaire, l’un des objectifs serait d’associer les différents groupes industriels actifs dans la région à cette initiative. Les responsables des exploitations agricoles et industrielles situées au nord de Lovo et à Lovo-même pourraient ainsi participer à l’effort de conservation et, en dialogue avec eux, contribuer à satisfaire leur besoin en matière première sans détruire un patrimoine de grande valeur.
Geoffroy Heimlich et Clément Mambu Nsangathi
http://www.impact.cd/