- Tout savoir sur la nouvelle province du Kwango. Les pays des Bana Lunda (pdf - 12,4 MB)

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La province du Kwango, à l’instar de celles du Kwilu et du Maï-Ndombe, est issue du démembrement de l’ancienne province du Bandundu. 
La province du Kwango a pour chef lieu Kenge.

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE : LE KWANGO PHYSIQUE

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Territoire de Kenge

La province du Kwango est depuis 2015 une province de la République démocratique du Congo à la suite de l'éclatement de la province du Bandundu. La province du Kwango a une superficie de 89 974 km2 .

 

Origine du nom «Kwango»

D’où vient le nom «  Kwango  » ? Quelle en est la signification exacte ? Depuis quand ce nom est-il utilisé ? C’est à ces différentes interrogations qu’il importe de donner une réponse. Tout nom donné a, en effet, toujours une signification, une origine, un sens et une valeur. Les toponymes se caractérisent par leur attache à un territoire déterminé. Ils comprennent les lieux habités d’un pays, les hydronymes (noms de cours d’eau, de pièces d’eau, de lacs, de terrains aqueux, de sites poissonneux…), les odonymes (noms de voies de communication : chemins, rues…) et les oronymes (noms de montagnes, de collines, de hauteurs, de roches, etc.) (Baylon & Fabre 1982 : 6). Lorsqu’aucune précision n’est donnée, le terme toponyme est généralement utilisé pour ne désigner que les lieux habités ; les autres composantes constituent alors la microtoponymie. Le Kwango constitue-t-il un toponyme, un oronyme ou un odonyme ?

Selon Leitão, un commerçant portugais, le nom «  Kwango  » serait la traduction française du mot portugais « Cuango », qui est le nom d’une rivière prenant sa source en Angola. Il s’agit donc d’un hydronyme. Ce nom parvint aux gouvernants portugais cent ans déjà avant l’arrivée de Livingstone.

Selon Vellut, c’est à travers ses informateurs angolais (Imbangala, Shinje, Luunda, Holo, Ambakista…) que Leitão avait pu identifier correctement le réseau hydrographique du Kwango-Kasaï dans son rapport sur la culture géographique africaine (Vellut 1970 : 132). Voici ce qu’il écrivait dans son journal à propos de cette rivière : « Au nord de ce Cuango, il y a de nombreux cours d’eau, et plusieurs coulent entre le Cuango et le Cassae ; […] tous, y compris le Cuango, se jettent dans le Cassae […]. »

Le Cassae dont il est question désigne la rivière Kasaï, un affluent du fleuve Congo ; le Cuango, un affluent du Kasaï.

Le nom « Kwango » devint aussi celui d’une entité administrative pendant la période de l’EIC. C’est avec le décret du 10 juin 1890 que le « plateau lunda » devint le district du Kwango-Occidental, le 12 district de l’EIC, puis, par les décrets du 7 mars 1910 et du 28 mars 1912, le district du Kwango Occidental devint district du Kwango, nom emprunté à la grande rivière de la région, comme il était de coutume à cette époque.

Le chef-lieu du district fut d’abord établi à Kasongo-Lunda avant d’être transféré, d’abord à Banningville (Bandundu), au terme de l’ordonnance n° 79/AIMO du 29 septembre 1933, puis à Kikwit, au terme de l’ordonnance n° 32/AIMO du 15 mars 1935.

De 1910 à 1912, les limites ouest et est du district restèrent identiques à celles qui préexistaient à sa création ; au nord, la limite fut portée sur la rivière Kasaï. À partir de 1914, suite à la décision de regrouper les districts existants en ensembles plus vastes appelés provinces, les limites du Kwango subirent quelques modifications, surtout dans sa partie occidentale. L’extension territoriale fut portée à l’ouest au niveau de la Lufimi. À l’est, elle fut portée jusqu’à la Lushiku et la Loange, cette dernière constituant la ligne de séparation avec le Kasaï. En 1940, la partie nord subit une modification : la région de Banningville fut rattachée au district du lac Léopold II jusqu’en 1954, date de la scission du district du Kwango en deux entités distinctes  : le Kwilu, avec comme chef-lieu Kikwit, constitué de 5 territoires (Kikwit, Gungu, Idiofa, Masi-Manimba et Banningville) et le Kwango, avec Kenge comme chef-lieu et également 5 territoires (Kenge, Feshi, Kahemba, Kasongo-Lunda et Popokabaka).

Avant 1954, le nom «  Kwango  » comme entité territoriale renvoyait à la fois à l’espace du Kwilu et du Kwango proprement dit et incluait aussi la région de Kimvula (Bas-Congo). à partir de cette date, ce nom fut à la fois utilisé pour désigner un district séparé de la partie Kwilu et une « région où régnaient les famines », comme le signale H. Nicolaï : «  En 1954, comme on s’était aperçu que les hauts plateaux de Feshi avaient perdu une partie de leurs habitants et restaient sous la menace de famines, comme les gouverneurs avaient été impressionnés une nouvelle fois (car ce n’était pas la première) par l’aspect désolé des pays steppiques qu’ils traversaient en se rendant à Kikwit, on estima judicieux de rassembler en un seul district les territoires les plus démunis. On lui réserva le nom de Kwango » (Nicolaï 1963 : 7).

Après l’indépendance, avec la loi du 9 mars 1962, modifiant l’article 7 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960 sur les structures du Congo, le nom « Kwango » devint le nom de la province. Ses limites correspondaient à celles de l’ancien district du même nom au moment de l’indépendance.

Avec l’avènement de la deuxième République en 1965, au terme de l’ordonnance-loi n° 66-205 du 6 avril 1966 portant modification des structures administratives du pays, le nom « Kwango » redevint le nom du district faisant partie de la province de Bandundu, avec comme chef-lieu Bandundu, à côté des districts du Kwilu et du Mai-Ndombe. Depuis lors, et jusqu’à l’application effective de la décentralisation instaurée par la Constitution du 18 février 2006, le nom « Kwango » est resté attaché au district du même nom.

Le nom « Kwango » est aussi celui d’une mission religieuse qui fut fondée par les Jésuites au Congo en 1892. Ses limites telles qu’elles étaient contenues dans le décret royal se présentaient de la manière suivante :

« Le cours supérieur de l’Inkisi depuis la frontière portugaise jusqu’à la rencontre du chemin de fer que l’on construit pour établir une voie de communication entre Matadi et Léopoldville, ensuite la droite du chemin de fer jusque Léopoldville, le cours du Congo jusqu’au Kasaï, jusqu’à sa rencontre avec la crête de partage jusqu’à la frontière méridionale de l’État indépendant, et enfin les limites de l’État jusqu’à l’Inkisi » (Mukoso 1993 : 102).

Le territoire de la mission du Kwango s’étendait de l’Inkisi (Kongo central) à la Loange au sud du Kasaï. 

Cette grande mission donna lieu ultérieurement à cinq diocèses : les diocèses de Kisantu, Kikwit, Idiofa, Kenge et Popakabaka. 

Le mot « Kwango » a donc désigné, à l’époque, à la fois une partie du territoire du Bas-Congo, à l’est de l’Inkisi ; l’ensemble du territoire du district du Kwilu ; une partie du territoire de la province du Kasaï-Occidental (missions de Mapangu, Mikope, Ndomay, Bipongo, Bushongo, Mwembe (diocèse Idiofa)) et l’ensemble du territoire du district du Kwango proprement dit.

Chez les Yaka, le vocable « Kwango » est aussi un nom propre, lorsqu’il désigne une personne physique. Il est souvent donné aux enfants premiers-nés de la première épouse du chef, la nkaaka mwadi  : « Kwango mbuta m’kooku » (Kwango est l’aîné des rivières et cours d’eau). Ainsi donc, lorsqu’on l’attribue à un enfant, ce nom symbolise la puissance incarnée, le pouvoir que représente la famille dont est issu le porteur du nom. Il est alors considéré comme celui qui cache la profondeur de toutes les valeurs de la famille, c’est-à-dire la richesse, la sagesse, le pouvoir, l’héritage culturel, qu’il doit véhiculer durant toute sa vie sur la terre des hommes. Ce nom symbolise même la vision du monde des Yaka qui croient à la vie dans l’au-delà, le Kolunga où reposent les esprits des ancêtres et la rivière Kwango est l’un de ces kolunga. 

 

 

Chapitre 1 : Relief, géologie et hydrographie 

Par Justin Phambu Nlandu et François Kant Kabalu

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Localisation

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Le district de Kwango est situé entre les longitudes Est 16° 5’ 17’’ (le point le plus à l’ouest) et 19° 58’ 15’’ (le point le plus à l’est) et entre les latitudes Sud 4° 21’ 10’’ (le point le plus au nord) et 8° 5’ 17’’ (le point le plus au sud).

Administrativement, le district de Kwango est limité :

–  à l’ouest par la ville-province de Kinshasa, la province du Bas-Congo et la République d’Angola (ou la rivière Kwango) ;

–  au nord par les districts de Maï-Ndombe et du Kwilu ;

–  à l’est par le district du Kwilu (ou la rivière Lushiko) et la République d’Angola ;

–  au sud par la République d’Angola.

La province du Kwango compte cinq territoires  : Feshi, Kahemba, Kasongo-Lunda, Kenge et Popokabaka. 

 

 

Le Relief 


Les traits principaux caractéristiques des reliefs du district du Kwango par territoire  se résument comme suit :

1. Le territoire de Popokabaka est une région :

–  de hautes montagnes telles que les chaînes de montagnes de Kingunda, Pangala, Tsakala (Nsala) et d’Ikomba ;

–  de monts, notamment les monts Bisadi, Mambamba (820 m d’altitude, massif allongé SSENNE), Mamba (le plus haut : altitude 720 m), Itombe (650 m), Lalulalu, Makoko ;

–  de collines : massif de plusieurs collines entre Popokabaka et le village Lusanga ; à l’ouest de Pandala  ; au village Dinga (à 27 km de Popokabaka) et environs, des collines à pentes douces ;

–  de hauts plateaux et pénéplaines : sur la rive droite de la Kwango, plateau pouvant atteindre 2 km de long ; à Kasindji un plateau atteignant 805  m d’altitude surplombe la vallée de la Wamba ; à 2 km du village Munene un plateau herbeux ; pénéplaine entre la Kwango et la Wamba culmine à 880 m ;

–  de plaines et de vallées : plaine de la Kwango, vaste plaine vallonnée à Pangala ; vallée de la Twana à fond plat orientée sud-nord.

 

2. Le territoire de Kenge comporte essentiellement la vallée de la Twana à fond plat orientée sud-nord et le plateau d’Inzia.

 

3. Le territoire de Feshi est pratiquement un vaste plateau entrecoupé par les rivières Inzia, Lukula, Kwenge, Lutshima, Bwele-Bisaki et Bwele-Milonda ; la vallée de la Kwenge est en auge.

 

4. Kasongo-Lunda contient :

–  un vaste plateau qui sert de bordure méridionale à la cuvette centrale du Congo ; entre la Kwango et la Wamba, le plateau peut atteindre 1000  m d’altitude, dépasse 1000  m vers la source de la Bakali, et se relève progressivement vers le sud ; à partir de Panzi, les altitudes de 1200  m et 1300  m deviennent fréquentes ;

–  la plaine alluviale de la Kwango qui se maintient sous la cote 500 m jusqu’aux chutes de la Kwango (ex François-Joseph) ;

–  des ravinements en entonnoir (cirques) pouvant atteindre 200 m de profondeur et à parois abruptes.

5. Le territoire de Kahemba est essentiellement un vaste plateau disséqué par les vallées en auge des rivières Lutshima, Kwenge et Tunduala.

 

L’hydrographie

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La rivière Kwango à Popokabaka

Le district du Kwango a un réseau hydrographique plus ou moins dense avec ses grandes rivières et leurs affluents.

Dans le territoire de Popokabaka, le seul grand collecteur est la rivière Kwango avec son grand affluent gauche, la Lubishi, et quelques affluents droits tels que la Lubila, la Lue et la Lumaye.

La rivière Kwango est navigable dans sa section inférieure, à partir de Nzadi-Mwadi jusqu’à Kingushi. De Kingushi, cette navigabilité continue jusqu’à sa confluence avec la Kasaï dans le district du Kwilu.

Dans le territoire de Kenge, la grande rivière est aussi la Kwango avec ses grands affluents droits, notamment :

– la rivière Lonzo avec son affluent gauche, la Fulula ;

–  la Wamba avec ses affluents droits, notamment, la Bakali et la Konzi  et son affluent gauche tel que la Twana ;

– l’Inzia avec ses affluents droits, la Lule ; et ses affluents gauches.

Dans le territoire de Kasongo-Lunda, les grands collecteurs sont la Kwango, la Wamba, la Bakali, l’Inzia, la Kwenge et leurs affluents, tels que :

–  les rivières Kianga, Manzangi, Luembe, Fundu, Ganga, Pesa et Fufu, tous affluents droits de la Kwango ;

–  les rivières Lule et Lukula sont des affluents droits de l’Inzia.

Tous les affluents de la Kwango et de l’Inzia précités ont leurs sources dans ce territoire de Kasongo-Lunda.

Les grandes rivières qui traversent le territoire de Feshi sont, notamment, les rivières Inzia, Lukula (source dans Feshi), Kwenge, Yambesi, Lutshima avec ses affluents droits, notamment Buele-Bisaki, Buele-Bilonda, Lufuku et Kwilu.

Dans le territoire de Kahemba, l’on trouve les amonts et les sources de presque toutes les grandes rivières citées ci-dessus, telles que les rivières Wamba avec son affluent droit, la Tunduala  ; Kwenge  ; Lutshima avec son affluent droit, la Buele-Bisaki  ; Loange avec son affluent droit, la Lushiko. La plupart des petites rivières ont aussi leurs sources dans ce territoire de Kahemba.

 

 La géologie

 

1. Les formations géologiques

Les formations géologiques qui affleurent dans le district du Kwango sont d’âge allant du Néogène au Crétacé inférieur pour les formations sédimentaires, ainsi que des roches magmatiques appartenant au Protérozoïque.

 

2. Ressources minérales

2.1. Indices dessubstances minérales

Des indices de diamants ont été signalés à Takundi, Popokabaka, en amont de la Wamba, à Tembo (chutes de la Kwango), à Kasongo-Lunda, à Kingushi et à Muene Kundi.

Presque toutes les grandes rivières du district du Kwango ont leur source en Angola. Les diamants rencontrés dans les rivières Kwango et Wamba sont de petite taille et leur grosseur diminue au fur et à mesure qu’on descend vers l’aval. Ce qui tendrait à confirmer que les diamants trouvés dans ces rivières en territoires de Kahemba et de Kasongo-Lunda proviendraient d’Angola. Cependant, la présence d’exploitations artisanales du diamant, de minéraux accompagnateurs du diamant et la récolte de diamants dans les rivières ayant leur source dans les territoires cités ci-dessus atteste qu’il y a aussi du diamant au Congo. Il y a lieu d’envisager la recherche de la kimberlite dans le district du Kwango.

 

2.2. Exploitations artisanales

Les activités d’exploitation artisanale se font principalement le long des rivières Kwango et Wamba

Territoire de Kasongo-Lunda

- On rencontre des exploitations artisanales à Bumba et Kitangu au nord de Tembo  ; tandis qu’au sud, l’exploitation se fait à Kimbenga (photo, à environ 9 km du village, dans le flat de la rivière Lufuku, affluent droit de la Kwango), à Mawangu (à 43 km de Tembo) et à Kahungula (dans la rivière Makala, affluent droit de la Kwango).

 

Territoire de Kahemba

- Swana-Mukanza : exploitation artisanale dans la rivière Wamba ;

- Ibembe : exploitation artisanale dans le ruisseau Shawumina ;

- Nzofu : exploitation artisanale dans les ruisseaux Chimuondo et Muhongubunza ; Dans ce secteur, les exploitations artisanales se font aussi dans les ruisseaux Tshikela, Kanzunzu, Kamezo et Kabulu  ; le poids des diamants trouvés dans ces ruisseaux varie entre 0,10 et 4 carats (un carat = 0,2 grammes) ;

- Shahuyanga : autour de ce village, les exploitations artisanales se déroulent dans les ruisseaux Kamanguna, Mbiya, Kamisongi, Mbuaji, Lunuku et Ndjamba (affluent de Lunaka) ;

- Ngandu : les travaux d’exploitation s’effectuent dans la rivière Nkombo.

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Exploitation artisanale dans la rivière Bandu, territoire de Kasongo-Lunda. (Photo Kant Kabalu, 2008.

 

Références Archives CRGM : SB33.5, SB33.6, SB33.11, SB33.12, SB33.18.

Archives CRGM : SB34.13, SB34.14, SB34.20

Devroey, égide. 1939. Le Kasaï et son bassin hydrographique. Bruxelles : Goemaere.

Direction de la géologie. 1974. Notice explicative de la carte géologique du Zaïre au 1/200 000. Tervuren.

Hudeley & Bombote, A. 1969. Rapport de mission à Bandundu du 20/10 au 12/11/1969.

Kant & Neveel. 2008. « Rapport de mission de reconnaissance à Bandundu, “Sun Congo” ». Inédit.

Pekel, J.-F. et al. Carte des sites du patrimoine mondial et aires protégées RDC. Louvain.

Service géologique du Zaïre. 1974. Notice explicative de la carte des gîtes minéraux du Zaïre. Paris : édition du BRGM.

 

 

Chapitre 2 : Climat et risque naturels   

Par Rigobert Birhembano et Jan Moeyersons

 

1. Le climat

 

Le Kwango se situe entièrement dans la zone intertropicale. Malgré les changements qui ont pu être observés depuis quelques années, cette région a un climat qui appartient au type Aw selon les critères de Köppen. Selon la théorie de ce dernier, « toute zone où la température moyenne du mois le plus froid est supérieure à 18° C et où la hauteur moyenne annuelle des pluies est supérieure à deux fois la température moyenne annuelle en degrés centigrades, augmentée de 14, est caractérisée par un climat de type A » (Bultot 1963 : 15).

Les principaux paramètres de ce type de climat peuvent être synthétisés de la manière suivante  : le bilan annuel du rayonnement total est de 70 à 75  kcal/cm², «  l’insolation relative est de l’ordre de 40 % au cours de la saison de pluie et de 70 % durant les mois de juin, juillet et août » ((Bultot 1963 : 15).

La hauteur pluviométrique annuelle moyenne est de plus ou moins 1600  mm. Elle atteint 1700 mm au centre-est de la région et 1500 mm dans la partie méridionale. Cette pluviosité s’étale :

- de septembre à décembre, avec d’abondantes pluies en novembre ;

- de février à avril, avec abondance de pluviosité au mois d’avril. De façon générale, la saison des pluies dure plus longuement que la saison sèche. Elle s’étend approximativement du 15 août au 15 mai.

Trois mois sont déficitaires en eau  ; il s’agit du mois de juin, où la quantité de précipitations mensuelles est de l’ordre de 10 à 20 mm, et des mois de juillet et août, où elle oscille entre 20 à 30 mm. Ce sont des mois qui appartiennent à la saison sèche, qui débute, officiellement, le 15 mai et se termine le 15 août. Il existe aussi deux saisons plus petites, appelées respectivement « grande saison sèche » (ou mbangala en kikongo), qui va de juin à août et « petite saison sèche » (ou kimwanga), qui se situe entre janvier et mars.

Pendant ce temps la sécheresse n’est pas permanente étant donné que les précipitations sont toujours supérieures à 10 mm. Néanmoins, on constate une diminution de l’humidité de l’air, de la nébulosité et une intensification du vent au niveau du sol.

Dans cette région, les températures moyennes mensuelles varient entre 25 et 28° C. Cependant, les maxima moyens s’élèvent à 25° C en saison pluvieuse et à 31°  C en saison sèche, tandis que les minima moyens s’abaissent respectivement à 17 et à 13° C. L’amplitude thermique peut atteindre 4° à 5° C au Kwango en général.

 

Chapitre 3 : Végétation

Par Joëlle De Weerdt*, Benjamin Toirambe*, Claire Delvaux*, Astrid Verhegghen**, Pierre Defourny** et Hans Beeckman*

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Ill. 3.1. Vue sur la rivière Wamba, vers Kenge II, à Kapanga. (Photo équipe locale, juin 2009.) 

La moitié Est du district du Kwango est occupée par la savane arborée et la forêt claire. Toute la partie Nord est dominée par la savane arbustive et herbeuse. Le territoire de Kahemba, situé au sud-est du district, ainsi que le centre et le Sud-Est sont caractérisés par la présence de forêts claires mêlées de savanes arborées et arbustives.

La moitié Ouest du district du Kwango est caractérisée par la présence de forêt dense humide parsemée de complexes agricoles longeant la rivière Wamba. À l’extrême Nord-Est de cette moitié, les forêts sur sols hydromorphes sont également omniprésentes. Le centre et le Sud-Ouest sont occupés par de la savane arbustive. Quelques forêts claires sont également présentes au centre de cette moitié du Kwango.

 

  Répartition des principaux types de végétation dans le Kwango et au niveau national 

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[Source : Vancutsem et al. (2009), Verhegghen et al. (2010).]

 

1. La forêt dense humide

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De manière générale, la forêt dense humide est caractérisée par un peuplement continu d’arbres dont la hauteur varie entre 10 et 50 m, par conséquent, les cimes s’étagent généralement en plusieurs strates. La densité de la canopée empêche le développement important d’une strate arbustive et herbacée et favorise davantage les épiphytes, plantes qui poussent en prenant appui sur d’autres plantes (ex : orchidées, fougères, etc.). On rencontre peu de gra - minées mais plus souvent des sous-arbrisseaux (ou plantes suffrutescentes) et quelques rares plantes herbacées à grandes feuilles.

En fonction des espèces ligneuses présentes, se distinguent la forêt dense humide « sempervirente » dont la majorité des arbres reste feuillé toute l’année et la forêt dense humide « semi-décidue » (qui peut représenter jusqu’à 70 % des forêts denses humides) dont une forte proportion d’arbres reste défeuillée une partie de l’année. La forêt semi-décidue est floristiquement plus riche que la forêt sempervirente et la densité de sa canopée permet le développement d’un sous-étage arbustif continu.

Dans la province du Kwango, la forêt dense humide se situe principalement dans le Sud (Kingwangala et près de Kibunda), dans l’Ouest (Kasongo-Lunda) du Kwango et sur une grande partie le long de la rivière Wamba qui traverse le district du nord au sud.
 

 

Richesse du district du Kwango

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Cycas géant de kwango, Encéphalartos de Laurent, Encephalartos laurentianus

L’espèce Encephalartos laurentianus est une espèce classée sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) comme «  quasi menacée  ». Cette espèce est endémique et restreinte à la vallée de la rivière à proximité de Kasongo-Lunda. Cette plante est également présente sur les rives abruptes entre les tributaires du Kwango : Fufu (au nord) et Kikasu (au sud) à une altitude de 450-550 m. Cette espèce se situe également sur l’appendice I du CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). La présence de cette espèce sur ces différentes conventions internationales pour la protection de la nature indique qu’il est important de prêter attention aux galeries forestières qui sont globalement fortement fragilisées par la pression anthropique. Notons que la plupart des galeries forestières subsistent à l’état de jachères et qu’il est important de considérer la biodiversité et le taux d’endémisme dans la gestion des différents types de végétation.

 

 

2. Les forêts claires

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Paysage de forêt claire. (Photo équipe locale, 2009.)

De manière générale, la forêt claire peut être définie comme une formation végétale mixte, avec une strate herbacée peu dense sous un peuplement forestier de 15 à 20 m de haut. Les arbres y ont les cimes jointives, le plus souvent étalées en parasol, mais les feuillages sont légers, de sorte que l’ensemble est clair, voire lumineux.

Il arrive que la forêt claire remplace la forêt dense sèche climacique lorsque le feu la détruit et en entrave le rétablissement. Il s’ensuit une parfaite adaptation des espèces à l’action du feu (épaisseur des écorces et coriacité des bourgeons, aptitude au rejet de souche comme pour les géophytes ou les chaméphytes).

La forêt claire soumise à des pressions anthropiques est rapidement transformée en forêt claire ouverte et en formation herbeuse boisée, et ceci d’autant plus que les périodes de dégradations humaines sont rapprochées.

Dans la province du Kwango, la forêt claire se rencontre à l’est (Ka-Luanzo), à l’ouest (Panzi, Kingulu et Matuka), ainsi qu’au centre du district (entre la rivière Kwango et Mbwele-Bisaki).

Le miombo est un écosystème généralement dominé par Julbernardia, Brachystegia et Isoberlinia, et ne se trouve qu’en certains endroits de la RD Congo, au Kwango, au Haut-Katanga et au Tanganyika. En fonction de la dominance de ces espèces, différentes forêts claires sont distinguées au sein du Kwango, toutes de type miombo, et ont chacunes leurs noms vernaculaires (nv) : le mabwati, le mikondo et le tumbi.

Les espèces communes à ces forêts claires sont : Pericopsis angolensis, Albizia antunesiana, Albizia versicolor, Anisophyllea boehmii, Anisophyllea polyneura, Brachystegia boehmii, Brachystegia spiciformis, Brachystegia utilis, Brachystegia wangermeeana, Burkea africana, Cussionia corbisieri, Dialium englerianum, Parinari curatellifolia, Julbernardia globiflora, Julbernardia paniculata et Pterocarpus angolensis

En fonction du type de forêt claire :

–  Le groupement Berlinia-Brachystegia-Monotes-Uapaca forme une communauté végétale nommée le mabwati sur les sols recouverts par les sables du Kalahari à l’ouest du district du Kwango. Dans la strate arborescente on observe en particulier :

Brachystegia spiciformis,

Brachystegia wangermeeana,

Berlinia gilletii, Daniellia alsteeniana,

Daniellia oliveri, Combretum laxiflorum,

Cryptolepis heinsii,

Dalbergia macrosperma,

Dalbergia bequaertii,

Diplorhynchus mosambicensis,

Erythrophleum africanum Marquesia acuminata,

Marquesia macroura,

Pericopsis angolensis,

Pentaclethra eetveldeana,

Pterocarpus angolensis,

Sapium cornutum,

Uapaca masuku

Uapaca gossweileri.

La strate arbustive sera, quant à elle, composée de  :

Paropsia reticulata,

Leptactina liebrechtsiana,

Carpodinus gracilis,

Gaertnera paniculata,

Psorospermum febrifugum et Hymenocardia acida.

La strate herbacée est composée des groupements suivants :

Aframomum sp.

Asparagus warneckei

Ctenium newtonii

Hyparrhenia diplandra

Kyllinga sp

Warneckea sapinii

Oxygonum sp.

Pleiotaxis pulcherrima

Scleria induta

Tristachya nodiglumis

 –  Le mikondo est une forêt claire sur sable dans un paysage de savane herbeuse ou arbustive, comme à l’Est du Kwango. Ce type de forêt sera caractérisé par l’association végétale Berlinia-Marquesia qui est composée des espèces suivantes  : Berlinia giorgii, Brachystegia mimosaefolia, Cryptosepalum pseudotaxus, Daniellia alsteeniana, Guibourtia coleosperma, Marquesia acuminata, Marquesia macroura, Uapaca nitida et Uapaca sansibarica.

–  Le tumbi est caractérisé par la présence dominante de Berlinia giorgii.

 

3. Les savanes

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Paysage de savane au Kwango.

De manière générale, la savane boisée est une formation végétale entre la savane herbeuse et la forêt claire. Le recouvrement des ligneux est compris entre 25 et 60 %, mais diffère de la forêt claire par des arbres ayant une hauteur plus faible. La savane arborée se caractérise par des arbres à faible densité (inférieure à 40 %) et dont la taille est supérieure à 7 m ; cette strate ligneuse surmonte une strate herbacée dynamique. La savane arbustive est composée d’un tapis dense de graminées sur lequel se développent des arbustes dont la hauteur ne dépasse pas 7 m et dont la densité est faible. La savane herbeuse, quant à elle, est composée uniquement d’un tapis dense de grandes herbes graminéennes. Certaines de ces savanes secondaires sont très vieilles, ce qui est confirmé par le fait que les animaux se sont adaptés à cet environnement, notamment les grands herbivores (girafe, antilope, etc.).

Sur l’origine des savanes (herbeuse, arbustive, arborée ou boisée), trois scénarios sont possibles  ; aucun n’est exclusif, ni exhaustif, mais ils peuvent servir de repère :

–  origine naturelle  : ces savanes (principalement graminéennes) se sont installées dans des milieux qui ne pouvaient pas accueillir une végétation forestière abondante en raison  de la pauvreté du sol ou de conditions climatiques limitantes ; 

–  origine relictuelle : ces savanes seraient apparues durant une période plus sèche et se seraient maintenues grâce à l’action des feux. Le passage fréquent du feu empêche son évolution vers une savane arborée puis une savane boisée et à terme une forêt claire ;

–  origine secondaire  : ces savanes succèdent à des formations arborescentes. Cette secondarisation qui provient de la dégradation de la forêt est principalement anthropique (agriculture, feu, etc).

Dans la province du Kwango, les savanes arborées s’étendent du centre jusqu’au Sud-Est du district et se trouvent entremêlées dans les forêts claires. Les savanes arborées sont caractérisées par les Erytrhophleum africanum et Hymenocardia acida avec les sous-bois dominés par Hyparrhenia et Eracharia. Les savanes arborées à dominance de Berlinia giorgii et Uapaca nitida se retrouvent dans l’Ouest
La surface du plateau Lunda est essentiellement dominée par de vastes prairies à graminées (nv  : Esobe), avec des bosquets de savanes arborées (nv : Zamba) et des lambeaux de galeries forestières (forêt à la lisière des cours d’eau).

La forêt Mabwati sur le plateau Lunda (dans la région de Tembo à l’est de la rivière Kwango), recouvert de sable du Kalahari, a été en grande partie remplacée par une formation herbeuse boisée (nv : Mikwati) dans laquelle les arbres résistants au feu les plus fréquents sont :

Burkea africana

Combretum celastroides

Dialium englerianum

Diplorhynchus condylocarpon

Erythrophleum africanum

Hymenocardia acida

Pterocarpus angolensis

Protea petiolaris

Strychnos pungens

La strate herbacée est constituée en grande partie des graminées Hyparrhenia diplandra, Hyparrhenia familiaris, Loudetia arundinacea, Digitaria diagonalis, Brachiaria brizantha et Ctenium newtonii. La savane arbustive est présente sur tout le district du Kwango. On trouvera principalement les associations suivantes  : Erythrophleum africanum et Hyparrhenia diplandra ; Sterculia quinqueloba et Andropogon gabonensis  ; Tristachya nodiglumis et Andropogon fastigiata ; Entada abyssinica et Panicum maximum.

 

Les savanes herbeuses du district sont principalement localisées le long du réseau hydrographique du Sud-Est (Inzia, Kwenge, Manzala, Lutshima et Luila). Les savanes herbeuses dont le couvert végétal  est parfois discontinu, ce qui leur donne une allure steppique, se nomment localement des Tseke-Tseke. Lorsque ce dernier est d’une grande étendue, il se retrouvera sous le nom de Mila.

 

 

Chapitre 4 : La faune dans la partie ouest du bassin de la rivière Kasaï

ParMark Hanssens

 

À partir de différentes sources, une liste des espèces a été constituée pour les quatre groupes de vertébrés : poissons, amphibiens et reptiles, oiseaux, mammifères.

Il est important de tenir compte du fait que ces listes sont basées sur nos connaissances actuelles et qu’elles reposent sur les collections et les observations de terrain réalisées à ce jour et sont, dès lors, incomplètes. Un bref aperçu de l’origine des collections au Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) montre, en outre, que le nombre d’observations zoologiques effectuées dans le Kwango reste extrêmement limité, ce qui a pour conséquence que le nombre d’espèces rapportées du district est certainement plus bas que la diversité réelle.

D’autre part, il faut également tenir compte du fait que ces collections sont « historiques » et qu’en conséquence, elles ne donnent pas nécessairement une image fidèle de la composition de la faune aujourd’hui. Les premières collections du MRAC datent de la fin du xix e siècle. Il est donc possible que des espèces qui apparaissaient autrefois à un endroit déterminé n’y soient plus présentes actuellement. Les causes de la disparition d’espèces sont liées à la pression croissante des populations humaines. Cette influence de l’homme peut prendre différentes formes. Sous l’effet de la chasse ou de la perte de leur habitat (déboisement, assèchement des marais, etc.), des populations peuvent disparaître et des espèces peuvent même, dans des conditions extrêmes, s’éteindre totalement.

 

1. Écologie

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La plupart des animaux sont attachés à un habitat ou à un biotope spécifique. Parmi les animaux terrestres, il y a, par exemple, des espèces que l’on retrouve uniquement dans les forêts tropicales humides (comme l’okapi ou le paon du Congo), tandis que d’autres sont adaptées à la savane ou à la montagne. De même, parmi les animaux aquatiques, certaines espèces marquent clairement leur préférence pour un habitat bien déterminé. Il faut donc en tenir compte en examinant les listes d’espèces. C’est ainsi que la plupart des espèces se retrouvent non dans l’ensemble du Kwango, mais seulement dans une zone bien déterminée avec un habitat spécifique.

La province du Kwango contient plusieurs types de végétation. Le Sud-Est est dominé par la forêt dense sèche et des forêts claires, le reste par des savanes, ou mosaïques de savanes et forêts.

 

2. Parcs nationaux et réserves

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La réserve de Swa-kibula 

Un domaine de chasse relativement petit se trouve dans la province. Il s’agit de celui de Swa Kibula, dans le territoire de Kasongo-Lunda. D’une superficie de 140 000 ha, cette réserve a été créée en 1952. Aucune information récente sur la composition de la faune de cette réserve n’a été trouvée.

La distribution originale de plusieurs grands reptiles et mammifères couvre la province du Kwango. Comme il n’y a pas de parcs importants, que les mesures de protection des animaux sont appliquées avec moins de rigueur aujourd’hui et que le braconnage est fort répandu en RD Congo (en particulier dans des régions facilement accesibles ou près de grandes villes, ce qui est certainement le cas pour le Kwango, qui partage une partie de sa frontière avec la province de Kinshasa), plusieurs de ces espèces ont donc probablement déjà disparu du Kwango ou sont en voie de disparition. 

 

3. La diversité des vertébrés dans la province du Kwango

 

3.1. Poissons

Comme indiqué plus haut, la province du Kwango a été très pauvrement échantillonné. La liste d’espèces de poissons est donc exceptionnellement courte, et ne représente pas la diversité réelle sur le terrain. Pour la majorité des familles, le nombre d’espèces collectionnées est très bas. Ceci est le cas pour les familles des Alestidae, Mormyridae, Cichlidae, Mochokidae, Schilbeidae, qui sont connues pour leur grande diversité dans le bassin du Congo. Dans le Kwango, seules quelques espèces dans ces familles ont été collectionnées, tandis que pour d’autres familles (Protopteridae, Malapteruridae, Hepsetidae, Claroteidae, Anabantidae, Mastacembelidae…), aucun spécimen n’a encore été récolté.

L’ordre des Characiformes est l’un des plus riches en termes d’espèces dans le bassin du Congo et est dominé par les familles des Alestidae et des Distichodontidae. Le genre Hydrocynus (poisson-tigre) fait partie de la famille des Alestidae. Le poisson-tigre est le plus grand poisson prédateur du bassin du Congo. Il se caractérise par un corps fuselé et par une large bouche qui porte des dents fortes et acérées.

La famille des Cyprinidae ou carpes (dans l’ordre des Cypriniformes) comprend plusieurs genres. Deux d’entre eux comportent de nombreuses espèces : le genre Barbus qui regroupe principalement les petits barbeaux, et le genre Labeo dans lequel on retrouve une série d’espèces de plus grande taille. Ces deux genres regroupent de très nombreuses espèces, qui sont souvent fort semblables et donc très difficiles à identifier.

La famille des Mormyridae ou poissons-éléphants (dans l’ordre des Osteoglossiformes) comprend une série d’espèces caractérisées, entre autres, par la présence d’un organe électrique. Cet organe se trouve à la base de la queue et peut émettre de faibles impulsions électriques. Leur tête est dotée de récepteurs avec lesquels ils peuvent capter ces impulsions électriques. Celles-ci leur permettent de s’orienter et de détecter leur proie (ce système est donc comparable au système d’écholocation des chauves-souris) et servent aussi à la communication entre individus de la même espèce. La forme des impulsions est différente pour chaque espèce, si bien que ces animaux sont capables de faire la distinction entre des impulsions émises par des membres de leur espèce (partenaires potentiels) et des individus appartenant à une autre espèce.

L’ordre des Siluriformes (poissons-chats) comprend différentes familles qui présentent une grande variété sur le plan morphologique et écologique. Les poissons-chats se caractérisent, entre autres, par l’absence d’écailles sur le corps et la présence de barbillons – parfois très longs – au niveau de la bouche et du menton. Le genre Clarias (famille des Clariidae) a une importance commerciale considérable. Différentes espèces sont fréquemment utilisées en aquaculture en raison du fait qu’elles présentent une grande tolérance par rapport à leur environnement et peuvent être élevées en grand nombre.

Tout comme les poissons-chats, les espèces de la famille des Cichlidae (dans l’ordre des Perciformes) présentent une grande variété morphologique et écologique. La plupart des espèces sont fortement adaptées à un habitat spécifique (type de sol ou de végétation particulier, rapides…). Dans cette famille, les soins apportés à la progéniture sont très développés et très variés. Il y a les pondeurs sur substrat qui déposent leurs œufs sur le sol ou la végétation et qui continuent par la suite à protéger leurs œufs ainsi que les juvéniles. Il y a ensuite les incubateurs buccaux spécialisés : les femelles dans certains cas, les mâles dans d’autres, ou encore les individus des deux sexes conservent les œufs et les juvéniles dans la bouche afin de les protéger contre la prédation. La perche du Nil (Oreochromis niloticus et les espèces apparentées) est très importante économiquement. Ces espèces sont souvent utilisées en aquaculture et sont ainsi bien souvent introduites dans des régions où elles n’étaient pas présentes à l’origine. L’Oreochromis niloticus qui, excepté le lac Tanganyika, n’est pas présent dans le bassin du Congo, a été introduit en de nombreux endroits où il entre en compétition avec les Cichlidae d’origine, qu’il finit bien souvent par évincer. 

 

3.2. Amphibienset reptiles

 

Comme pour les poissons (et les autres groupes de vertébrés qui suivent), la liste trop courte d’espèces reflète la pauvreté de l’échantillonnage du Kwango et non la diversité réelle sur le terrain.

Les connaissances taxinomiques relatives aux grenouilles (amphibiens) sont problématiques. Étant donné que les spécimens conservés dans les collections sont souvent forts similaires sur le plan morphologique et qu’aucune information n’est disponible quant aux cris et aux motifs de couleur, bon nombre de ces spécimens sont difficiles à identifier. Pour mettre au point la classification de ce groupe, il est indispensable de recueillir des informations sur le terrain concernant les motifs de couleur et leur variabilité à l’intérieur d’une espèce. En outre, il convient aussi de documenter le cri du mâle et de déterminer quels individus s’accouplent entre eux. Les amphibiens (parmi lesquels les grenouilles) ont souvent un cycle de vie qui comporte deux phases distinctes. Les juvéniles (têtards chez les grenouilles) sont entièrement aquatiques, tandis que les individus adultes se meuvent aussi bien dans l’eau que sur terre. De nombreuses grenouilles arboricoles vivent même l’entièreté de leur vie hors de l’eau. Les grenouilles ayant une peau fortement perméable (la respiration se fait ainsi principalement par la peau), elles constituent aussi d’importants bio-indicateurs. En cas de pollution du milieu aquatique, elles sont souvent les premières espèces à disparaître. Sous l’effet de la pollution et de l’infection fongique croissante, de nombreuses espèces sont menacées au niveau mondial, si bien que nombre d’entre elles figurent sur la liste rouge (Slack 2002) de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN ).

Le district du Kwango se trouve dans l’aire de distribution des trois espèces de crocodiles connus d’Afrique. Il s’agit du crocodile du Nil, qui avait une distribution originale presque panafricaine, et deux espèces beaucoup plus rares, le faux-gavial d’Afrique ou crocodile à nuque cuirassée et le crocodile nain.

 

3.2.1. Le crocodile du Nil

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Le crocodile du Nil, Crocodylus niloticus, qui était à l’origine présent dans tout le bassin congolais, a disparu de certaines rivières ou régions sous la pression humaine. Néanmoins, cette espèce, répandue dans presque toute l’Afrique, n’est pas menacée et son statut IUCN est «  risque faible/préoccupation mineure » (IUCN 2010).

Le crocodile du Nil est une grande espèce prédatrice (taille maximale 6 à 7 m), qui se nourrit principalement de poissons (pour les juvéniles, des insectes, grenouilles et têtards composent la nourriture principale). Mais, ce qui fait du crocodile du Nil une espèce redoutée est son comportement : il attaque les animaux au bord de l’eau, mais également l’homme, qui, pour un grand crocodile, n’est qu’une proie parmi d’autres. On a observé des crocodiles capables de sauter hors de l’eau jusqu’à une hauteur d’à peu près deux tiers de leur longueur. Une fois leur proie capturée, ils la submergent jusqu’à ce qu’elle se noie, ou la croquent, régulièrement, entre leurs fortes mâchoires. La proie est dévorée et, peut-être, avalée sous l’eau.

 

3.2.2. Le faux-gavial d’Avrique Le faux-gavial d’Afrique (Mecistops cataphractus) se trouve dans le bassin Congolais à l’ouest du lac Tanganyika et dans le lac Tanganyika. C’est une espèce de taille moyenne (taille maximale environ 3 m), caratérisée par un museau long et étroit. Cette espèce se nourrit principalement de poissons ou, quand l’opportunité s’en présente, d’oiseaux, reptiles et amphibiens. Contrairement au crocodile du Nil, c’est une espèce timide et d’une nature secrète, qui fuit les hommes, et ne présente aucun danger pour eux. Les connaissances sur cette espèce sont très pauvres ; son statut sur la liste rouge (IUCN 2010) de l’UICN est « données insuffisantes ».

 

3.2.3. Le crocodile nain

Le crocodile nain, Osteolaemus tetraspis, est une espèce de taille relativement petite (longueur environ 2 m), avec une tête, un corps et une queue fortement cuirassés. Cette espèce est très peu connue. Apparemment elle préfère les rivières qui coulent mollement, et évite les rivières majeures. Le crocodile nain a été rapporté dans des régions de forêts ou savanes. Cette espèce, principalement nocturne, se nourrit de crabes, grenouilles et poissons. Le statut du crocodile nain sur la liste rouge de l’UICN est « vulnérable » (IUCN 2010), mais davantage de recherches sont nécessaires.

 

3.2.4. Le python de Seba 

Le python de Seba (Python sebae) est un des pythons les plus longs et c’est aussi le plus grand serpent africain. Sa taille varie, en général, de 3 à 5 m, mais il peut mesurer jusqu’à 6 m de long et son poids peut dépasser les 100 kg. Sa distribution couvre l’Afrique subsaharienne. Le python fait partie des serpents dits aglyphes, qui n’ont pas de venin ni de dents canalisées pour injecter ce venin. Il étrangle sa proie en l’enserrant de son corps. Sa nourriture varie en fonction de sa taille. Les petits individus mangent des rongeurs, d’autres petits mammifères et des oiseaux ; les adultes se nourrissent d’antilopes juvéniles, de chiens, de phacochères. Des mangeurs d’hommes peuvent exister, mais c’est peu probable. Leurs habitats sont les prairies et les savanes près des rivières, des marais ou autres sources d’eau.

 

3.2.5. Le cobra cracheur noir

Le cobra cracheur noir (Naja nigricollis) est une espèce de cobra cracheur dont la distribution couvre l’Afrique subsaharienne. Il a la capacité de gicler son venin sur son attaquant. C’est une espèce redoutable et potentiellement létale, responsable de nombreuses morts humaines. Normalement, sa taille varie entre 120 et 220 cm, mais certains individus peuvent atteindre une taille de 280 cm. Contrairement à d’autres serpents, le cobra cracheur noir peut être diurne ou nocturne, en fonction de la période de l’année, de la région géographique et de la température au cours de la journée. Il se nourrit principalement de petits rongeurs, mais aussi de lézards et autres serpents. Cette espèce est connue pour cracher son venin à la moindre provocation. Quand ce venin pénètre dans l’œil, il cause des douleurs intenses, la perte de la coordination, parfois la cécité permanente. Si cette espèce crache facilement son venin, elle est, en revanche, moins inclinée à mordre que d’autres cobras apparentés. En cas de morsure, les symptômes sont des hémorragies internes et la mort des tissus autour de la morsure. La mort suit généralement par asphyxie due à la paralysie du diaphragme.

 

3.3. Oiseaux

 

Comme pour les autres vertébrés, la diversité des oiseaux dans le Kwango n’est pas très bien documentée. Une seule espèce récoltée dans le district figure sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (IUCN 2010), le bec-en-ciseaux d’Afrique.

 

3.3.1. Le bec-en-ciseaux d’Afrique 

Le bec-en-ciseaux d’Afrique (Rynchops flavirostris) est largement distribué en Afrique subsaharienne, mais pendant la saison de reproduction, sa distribution se limite aux bancs de sable le long des larges rivières et certains lacs. Il migre le long des grandes rivières et des lacs après la saison de reproduction. Cette migration sert à éviter le mauvais temps. Pendant la reproduction, il forme des colonies d’environ cinquante couples  ; en dehors de la reproduction, des volées de jusqu’à 1500 individus peuvent se former. Il se nourrit de poissons, en volant près de la surface de l’eau ; il submerge sa mandibule inférieure dans l’eau pour capturer sa proie. Cette espèce est, entre autres, menacée par la construction de barrages (qui mène à la destruction de son habitat préféré), l’envasement à cause de l’agriculture ou des perturbations humaines. Sa population totale est estimée à 15  000-25  000 individus, et est considérée comme en baisse. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est « quasi menacé » (IUCN 2010).

 

3.4. Mammifères 

 

3.4.1. Lecynocéphale

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Le cynocéphale (Papio cynocephalus), dans le groupe des babouins, est largement distribué dans les zones de savane au sud de l’équateur, de la côte Atlantique jusqu’à la côte de l’océan Indien. En RD Congo, on le trouve au sud de la rivière Kasaï et au sud du fleuve Congo, en aval de la confluence avec la rivière Kasaï. Il est spécifique des forêts entretenues par le feu, la brousse aride, la steppe et les zones côtières. Il cherche sa nourriture en vastes troupes bien espacées, et se nourrit de graines, chair et gousses de légumineuses, mais aussi d’insectes, de petites antilopes et de lièvres. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est « préoccupation mineure » (IUCN 2010) ; sa population est considérée comme stable.

 

3.4.2. L’hyène tachetée

L’hyène tachetée (Crocuta crocuta) a une grande distribution couvrant les savanes de l’Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Sud. Les hyènes sont des carnivores, hauts sur pattes, avec un long cou, et un profil dorsal incliné (en contraste avec les chiens). On les trouve dans les savanes découvertes, où elles se comportent comme un charognard opportuniste là ou elles trouvent des restes et des carcasses. Même si sa population diminue, son statut sur la liste rouge de l’UICN est « préoccupation mineure » (IUCN 2010).

 

3.4.3. Le pangolin à écailles tricuspides

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La distribution d’une des quatre espèces de pangolin d’Afrique, le pangolin à écailles tricuspides ou pangolin à petites écailles (Phataginus tricuspis) couvre le Kwango. Les pangolins se nourrissent de fourmis et de termites, leur corps et leur queue longue et musclée sont couverts d’écailles (des extrusions cornées de l’épiderme). Le pangolin à écailles tricuspides est la plus petite espèce connue en Afrique. Il atteint une longueur totale d’environ un mètre et pèse jusqu’à trois kg. La population de pangolins diminue. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est « quasi menacé » (IUCN 2010).

 

3.4.4. L’éléphant d’Afrique

 

L’éléphant (Loxodonta africana) est toujours présent dans le Kwango. Deux sous-espèces sont reconnues dans l’éléphant d’Afrique : l’éléphant de savane (Loxodonta africana aficana) et l’éléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis). L’éléphant de forêt se distingue de l’éléphant de savane, entre autres, par sa taille moyenne plus petite, ses oreilles plus petites et ses défenses plus petites et plus étroites. Le statut UICN de l’éléphant africain est « vulnérable », mais la population totale de l’éléphant africain est croissante (IUCN 2010). Malheureusement ceci n’est pas le cas pour l’éléphant en RDC. à cause des périodes d’instabilité politique récentes et du braconnage, la population d’éléphants a diminué.

 

3.4.5. L’hippopotame

 

L’hippopotame (Hippopotamus amphibius) est une grande et lourde espèce [longueur jusqu’à 350 cm, poids (mâles) jusqu’à 3 200 kg]. Il est silencieux et solitaire pendant la nuit lorsqu’il broute (graminées rampantes ou en touffes, qu’il coupe avec ses lèvres caoutchouteuses), mais devient très bruyant et social dans l’eau pendant le jour. L’hippopotame est une espèce qui dépend entièrement de la présence de l’eau et dont la distribution historique couvrait presque tous les bassins hydrologiques de l’Afrique. Aujourd’hui elle a disparu d’une grande partie de l’Afrique du Sud et du bassin du Nil, où elle se trouve seulement dans les zones marécageuses du haut Nil. Leur statut est considéré comme « vulnérable » (IUCN 2010), avec une tendance décroissante des populations. 

 

3.4.6. Le buffle d’Afrique 

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Le buffle d’Afrique (Syncerus caffer) est un des plus grands bovins d’Afrique. De grandes différences existent entre le buffle de forêt (S. c. nanus) et le buffle de savane (S. c. caffer et autres sous-espèces). Entre ces extrêmes, il y a des types intermédiaires et mixtes.

Le buffle de forêt est plus petit (poids maximal 320 kg), avec des cornes plus réduites et moins courbées (adaptations qui lui permettent de se déplacer plus facilement dans la forêt). Le buffle de savane est nettement plus grand (poids jusqu’à 850 kg), avec des cornes beaucoup plus fortes, grandes et courbées. Dans la forêt, on trouve les buffles dans des clairières herbeuses (dont la croissance végétale est souvent limitée par le pâturage des buffles même), cours d’eau ou bassins inondés.

Dans la savane, ils préfèrent les forêts et vallées. Le buffle de forêt forme des groupes d’une douzaine d’individus composés de femelles, de jeunes et d’un ou plusieurs mâles ; les autres mâles sont généralement solitaires ou en petits groupes. Les regroupements des buffles de savane sont plus importants, mais des groupes familiaux équivalant à des « clans » sont également accompagnés de mâles. En saison des pluies ou sur de grandes zones de pâturage, des regroupements de 2 000 animaux sont possibles. Leur nourriture consiste principalement en graminacées et en plantes des marais.

La population totale du buffle d’Afrique diminue, mais comme un grand nombre d’individus survivent sur une aire de distribution très vaste, son statut sur la liste rouge de l’UICN est « préoccupation mineure » (IUCN 2010).

 

 

DEUXIÈME PARTIE : LES HOMMES

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Peuple Suku (Basuku)

 

 

Chapitre 5 : Peuples et langues

 

Le Kwango est souvent considéré comme un espace monoethnique peuplé de Yaka, le peuple numériquement majoritaire. Il arrive même qu’il soit appelé la contrée des Yaka. Il s’agit cependant d’une affirmation erronée. En fait le Kwango est habité, outre les Yaka, par des Suku, des Lunda, des Chokwe, des Pelende, des Sonde, des Hungana, des Pende, des Kwese, des Mbala, des Holo, des Ngongo, des Tsamba…, une diversité de peuples dont plusieurs se sont mélangés pour devenir très proches sur le plan culturel. Sur le plan politique, ces différents peuples ont également reconnu une hiérarchisation de leurs chefs telle que l’un d’entre eux a fini par les dominer  : le kiamfu Kasongo-Lunda. Malgré cela, certains de ces peuples ont conservé des traits spécifiques parfois frappants. Ce que l’on appelle la « coutume » est devenu, en raison de la complexité de ses règles, de son caractère oral et de son apparence figée, une réalité dont la compréhension n’est pas toujours univoque, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les manipulations.

 

1. Quelques peuples du Kwango

 

Il ne s’agit pas de faire ici une présentation complète de tous les peuples qui habitent le Kwango. De nombreux travaux ont déjà été consacrés à plusieurs d’entre eux . Afin de mieux cerner les questions d’organisation sociopolitique et les stratégies adoptées par l’Administration, ce chapitre présente les traits culturels des principaux peuples qui furent impliqués de manière constante dans le déroulement des événements majeurs de l’occupation du Kwango. Présenter les Yaka, par exemple, c’est parler d’un peuple, mais également des nombreux autres qui leur sont fortement liés. Comme on le verra, le mot yaka va jusqu’à désigner une mosaïque de groupes qui ont été rassemblés sous l’autorité d’un grand chef appelé le kiamfu.

 

1.1. Les Yaka 

 

Pour comprendre l’origine du mélange prononcé − voire inextricable − des peuples établis entre le Moyen-Kwilu et la Bakali, l’Administration coloniale mena des enquêtes au milieu des années 1930. Celles-ci conduisirent à l’explication suivante :

«  L’arrivée des Lunda au Kwango date vers 1725. […] Sous la conduite des chefs lunda, l’esprit guerrier des anciens Yaga se réveilla. Un vaste royaume fut conquis sur les deux rives du Kwango. Une extrême pointe s’avança jusqu’au Kwilu […]. Les Suku installés à la Ganga furent chassés et le quatrième des Biamfu quitta Kiamfu-Kinzadi pour s’installer à la Ganga. Cet endroit devint un centre politique et religieux.

Après avoir chassé les Suku, une fraction, celle des Pelende [un sous-groupe yaka, ndlr], quitta la Ganga par suite d’un désaccord et alla créer un nouvel État entre la Wamba et l’Inzia. Dans cette région habitait le chef Tsamba Mwene Mafu qui fut soumis. Le kiamfu partit en guerre pour punir les Bapelende. Mais il fut tué à Tsumba Milembe. Sa tête fut rapportée à la Yonso. Après cette mort, les Bapelende payaient de nouveau tribut au kiamfu.

Les anciens Tsamba furent obligés de se retirer dans des abris sous roche. Ces refuges sont encore visibles […] près du village de Kasombo (Suku).

Après le départ des Suku et Tsamba, les Yaka attaquèrent les populations de l’Est et du Sud-est qui étaient les anciens fugitifs du Haut-Kwango […]. Des nouvelles migrations se produisirent ainsi au xviiie siècle. Les tribus se fractionnent, se mélangent à d’autres qui les avaient devancés. Il en résulta des guerres et des changements continuels d’emplacements » (Historique des chefferies s. d.).

René Devisch a tenté de retracer l’histoire de cette composition ethnique du Kwango. Selon lui, des populations d’origine ethnique mbundu, kongo, suku et yaka se sont mêlées à la population autochtone en la dominant. Puis les envahisseurs lunda ont, à partir du xviiie siècle, unifié les peuples du Kwango. En recoupant diverses sources, dont principalement M. Plancquaert (1971), J. Vansina (1965), F. Lamal (1965) et L. De Beir (1975), Devisch (1976 : 49-53) présente la synthèse ci-après :

1. Les Tsamba, les Ngongo et les Hungana, peuples forgerons et agriculteurs, seraient à considérer comme les autochtones du Kwango de l’âge de fer.

2. Aux XIIè et XIIIè siecles se produisit un mouvement migratoire des Mbundu, chasseurs et pâtres, descendus probablement des hauts plateaux du Zambèze qui immigrèrent par vagues successives dans le Haut-Kwango. Au XIIIè siècle, une minorité de ces Mbundu furent assujettis et assimilés par les Beshikongo, envahisseurs et fondateurs du royaume kongo.

3. C’est vers 1568 qu’eurent lieu, au Kwango, deux poussées d’invasion de Yaka d’origine connue. La première poussée permit aux immigrants de s’établir dans le Sud : ils reçurent le nom de Mayaka ma Kadi. L’autre poussée conduisit un groupe de guerriers jusqu’au royaume de Kongo, dont la capitale fut mise à sac. Ces derniers sont connus sous le nom de Mayaka ma Kongo. Repoussés, ils se déplacèrent à travers la région de Mbata, et s’installèrent dans le Kwango du Nord et le Moyen-Kwango. C’est là qu’ils établirent des royaumes yaka en assimilant des groupes tsamba et des clans suku.

C’est ainsi que de 1590 à 1693, le Kwango du Nord fit partie, selon les époques, du royaume d’Okango et du royaume Yiyaka.

4. Ce sont les invasions et les conquêtes progressives par les Lunda, au cours des xviie et xviiie siècles, qui ont opéré l’unification des divers groupes apparentés, mais indépendants, du Kwango. Après les infiltrations lunda dans le Sud, Mwene Putu Kasongo, le neveu du mwant yav de Kola (région de Mbujimayi), entreprit, vers 1695 (ou plus tôt), la conquête du royaume yaka du Moyen-Kwango. Lui et ses successeurs soumirent d’autres groupements yaka, entre autres dans le Nord et le Sud, et les réunirent progressivement sous l’autorité du seul kiamfu, le chef suprême du royaume, royaume qui ne sera connu que sous le seul nom de royaume des Yaka. Ensuite, échelonnée sur deux siècles, l’expansion lunda prit la forme d’un mouvement d’immigration important et continu. Au cours de la première moitié du xviiie siècle, la vallée du Nganga fut choisie comme lieu d’emplacement par les biamfu (pluriel de kiamfu) et conquise sur ses occupants, les Suku du roi Munikongo, qui furent chassés vers l’est. Ces Suku, appelés désormais Suku orientaux, refusèrent de payer le tribut au kiamfu et échappèrent ainsi à l’hégémonie lunda, à l’exception de quelques groupes, installés autour de l’Inzia, qui furent peu à peu complètement absorbés par l’État yaka.

Au cours du XVIIIè siècle, une dispute éclata entre les héritiers du «  couteau du kiamfu  » (insigne de l’autorité suprême). Elle se termina par la révolte du chef pelende Kobo [un sous-groupe yaka], qui fonda un nouvel État au nord-est du Kwango sur la rivière Bakali, celui des Pelende, qui ne restera cependant pas totalement détaché du kiamfu.

Les Lunda, dans les personnes du kiamfu et de ses bilolo (vassaux placés à la tête des territoires conquis), s’emparèrent uniquement du pouvoir politique et judiciaire et du droit au tribut. Ils laissèrent subsister l’ancienne hiérachie des clans et respectèrent leurs droits de propriété sur les brousses et les forêts. Cette unification politique et clanique fut adroitement favorisée par la pratique des mariages mixtes qui permit d’établir des liens familiaux entre tous les clans importants.

La politique lunda finit par créer un peuple yaka unifié pour qui la tradition lunda constitue la conscience « nationale ».

Le terme « lunda » recouvre, dès lors, plusieurs significations : du point de vue historique, il désigne une aristocratie de conquérants de la Nkalany (Mbuji-mayi) qui ont assimilé plusieurs populations soumises. Dans le contexte politique du Kwango, il désigne les lignages des chefs politiques ou biamfu et de leurs vassaux ou bilolo. Du point de vue social, il s’applique aux individus qui jouissent du prestige lunda par descendance, plus ou moins directe ou indirecte, du fait que le pouvoir politique ou la spécialisation rituelle auxquels ils ont accès ont leur origine à Kola. Aussi, ne saurait-on parler d’un groupe distinct de Lunda. Presque toutes les institutions montrent une influence lunda.

Compte tenu des nombreuses migrations qu’a connues le Kwango et du brassage des populations généré par la politique matrimoniale des Lunda, sa population est constituée, non d’une «  tribu yaka  », mais plutôt d’un ensemble de populations tributaires du kiamfu dont l’unité est basée sur l’allégeance politique et le territoire commun. L’administrateur adjoint Dequenne du territoire des Bayaka notait dans la conclusion de son rapport sur le groupement Mosaka : « Le groupement Mosaka, comme la chefferie des Bayaka, au lieu d’être un tout de même origine, comme les chefs actuels ont trop tendance à nous le faire croire, est un conglomérat d’éléments d’origines disparates, résultat d’une suite de vagues de conquérants et de fuyards, qui ont déferlé sur le pays, non pas suivant un ordre bien établi, mais au hasard des circonstances, guerres, dissenssions intestines    » (Dequenne 1938 : 35). C’est ainsi qu’il faut comprendre le jugement suivant d’Isidore Ndaywel :

«  La structure étatique n’est donc pas le prolongement de l’organisation ethnique. Elle n’était même pas vécue, à l’époque, comme un idéal d’organisation auquel il fallait à tout prix parvenir. C’est ainsi que cela n’a pu prévaloir partout. Même là où elle a existé, cette structure n’apparaît pas comme le résultat du dynamiseme local. Généralement, elle est présentée comme un accident de l’histoire, une superstructure venue d’ailleurs et qui se serait superposée à un moment donné à des réseaux politiques déjà existants, avant de disparaître. Le royaume n’était donc pas le point culminant d’une évolution politique quelconque » (Ndaywel 1998 : 62).

Ceux qu’on appelle les Yaka occupent les trois cinquièmes de l’espace du Kwango et habitent les régions se situant entre les 4e et 8e degrés de latitude S et les 16e et 19e degrés de longitude E, essentiellement dans les territoires de Popokabaka, de Kasongo-Lunda et dans une partie du territoire de Kenge.

En considérant les limites naturelles, le territoire des Yaka se situe entre la ligne allant de la rive droite des rivières Lufimi et Lubisi jusqu’à la limite est du territoire de Kasongo-Lunda, du parallèle passant par le confluent des rivières Wamba-Bakali au nord jusqu’au parallèle des chutes Kasongo-Lunda sur la rivière Kwango au sud.

En dehors de ce grand ensemble, les Yaka sont aussi présents en Angola. Une partie non négligeable vit aussi dans le Kongo central et à Kinshasa. Ils s’y sont installés en nombre, avant et pendant la colonisation −  voire même après. Dans son rapport de 1947, le CDD du Kwango, H. De Vuyst, écrivait, à propos de cette émigration : « L’émigration vers Léopoldville continue. Elle est actuellement contrebalancée par une immigration constante d’Angolais et une situation démographique favorable. […] 

 

Émigration  : Le mouvement non contrôlé des Bayaka vers les grands centres du Kongo central continue. Je pense qu’il ne faut pas s’opposer à ces mouvements de population, mais qu’il serait utile de les contrôler en vue d’empêcher les déplacements intempestifs. Dans ce but, j’envisage la création d’un bureau de recrutement à Popokabaka. Ce bureau serait géré par un clerc indigène, supervisé par le chef de la région. Les indigènes bayaka seraient avertis qu’ils peuvent se rendre librement dans le Kongo central pour y travailler et que leurs papiers seront mis en ordre à Popokabaka. Les colons et sociétés du Kongo central nous feraient connaître périodiquement leurs besoins en main-d’œuvre. L’agent régional répartirait les candidats travailleurs entre les divers patrons et veillerait à ce que leur transport se fasse dans les bonnes conditions et sous couvert d’une feuille de route. Le transport serait évidemment à charge des employeurs qui en même temps que leur demande feraient parvenir les provisions d’argent nécessaires. J’ai demandé l’accord de la Province pour cette organisation et tiendrai l’administrateur au courant du développement de cette affaire » (De Vuyst 1947).

Un rapport d’enquêtes menées par l’Administration coloniale affirme à propos des Yaka :

« […] amalgames des tribus et des clans possesseurs primitifs des terres, antérieurement fusionnés entre eux à la suite des guerres intestines et au cours de migrations successives, puis mélangés de nouveaux éléments lunda, conquérants venus de Kola.

Kasongo-Lunda est le nom [de la chefferie] que se transmettent les Biamfu successifs.

Kasongo, nom propre ou titre est un mot vraisemblablement d’origine luba introduit parmi les Lunda à l’époque où ceux-ci furent refoulés et dispersés par les Baluba de Kasongo Niembo dont en grande partie, ils devinrent, à un moment, les vassaux.

Lunda est le nom de la peuplade primitivement établie sur le plateau du Lunda et dont sont originaires les familles des chefs régnants à présent sur les Bayaka. Les Lunda proviennent du bassin de la Lunda affluent de la Luilu qui se jette dans la Lubilashi. Ils disent venir de Kola dont certains ont voulu faire un nom de terre et qui signifierait simplement chez nous.

[…] la chefferie de Kasongo-Lunda est [donc] constituée d’une population hybride formée d’un fond d’autochtones, influencé par des apparats étrangers. En effet, il y a quelques siècles toutes les régions comprises entre la mer et le Kwango jusqu’au pays des Bateke devaient être occupées en majeure partie par les Batsamba, considérés par diverses tribus et, entre autres, par les actuels Bayaka, comme les véritables autochtones, lesquels peu à peu englobèrent des Masandji, des Bambala, des Holo, des Basuku, des Bakongo ou furent débordés par eux. À une époque indéterminée, mais certainement très reculée, des Ambumbu venus du sud s’étaient répandus dans l’Entre-Cuango-Congo. Après avoir eu à souffrir de l’arrivée de ces conquérants qui les soumirent de même que les autres peuplades méridionales rencontrées sur leur route, les anciens occupants de la région auraient subi l’invasion des Jaga, tribu sauvage et sanguinaire.

Les hordes belliqueuses, en se fusionnant avec les autochtones auraient donné naissance aux Bayaka, lesquels dans la suite se mirent à progresser de concert avec les envahisseurs poursuivant leur marche victorieuse. Sur ces entrefaites, le Mwata Yamfu des Lunda, de la “Musumba”, sa capitale de la Kalangi, avait entrepris diverses expéditions guerrières en vue de conquérir de nouveaux domaines et parmi celles-ci, certains de ses lieutenants poussant vers l’Ouest, gagnèrent les rives du Kwango où ils imposèrent leur autorité sur les Bayaka ; à la suite d’unions consenties ou forcées, se constitua peu à peu la peuplade muyaka-lunda » (Historique des chefferies s. d.). 

 

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1.2. Les Suku

 

D’après le rapport établi à Kasongo-Lunda en janvier 1938 par l’administrateur Fr. Roelandts (1937), les Suku du Sud se disent venus du nord. Ils situent leur origine à Kazanga ya Lunda ou Loanda. Leur chef à Kazanga ya Lunda était Ri a Ngola, c’est-àdire le Rey ou le Roi descendant de Ngola. Ayant provoqué la colère des Portugais à la suite de massacres, ce chef dut s’enfuir. Lui et (ou) ses descendants longèrent la rivière Kasaï, passèrent par Kola et vinrent s’installer à la Nganga sur la plaine dénommée Kasanga (emplacement du poste administratif de Kasongo-Lunda). Munikongo et Ngima, le chef et la cheffesse Ngudi-a-Kama à la Nganga, sont les enfants du Ri a Ngola. Des Luwa (une branche des Lunda) vinrent de l’est avec leur chef Kadiamusangu, alias Kasongo-Lunda. Ils s’installèrent près de Munikongo. Kadiamusangu voulut épouser Ngudia-Kama. Les Suku refusèrent, mais lui offrirent une femme de condition noble de la famille de la Ngudi-a-Kama. Kadiamusangu accepta, mais réclama aussi la Ngudi-a-Kama. Son obstination entraîna la guerre. Une bataille décisive eut lieu sur la plaine Kasanga. Les chefs Munikongo quittèrent la région avec une partie de leurs vassaux. Les uns partirent s’établir au pays « Pindi » (Lukula), les autres se retirèrent vers le sud.

Selon une opinion courante chez les Suku, tous les Yaka de Kasongo-Lunda portant le Kunga (un anneau de fer forgé et de cuivre) seraient d’origine suku. Parmi ceux-ci, citons surtout les Yaka portant les titres suivants : Ngola, Ndudi a Kishi, Mangonde, Kambundi, Mulasa, Mavundi, Tsako, Katambi, Palanga, Mabaka, Muningulu, Kubwanga et Pelende (Kobo). D’après cette même opinion, Pelende serait donc d’origine suku. Il aurait primitivement reçu ses pouvoirs de Munikongo Ku Pindi (Munikongo de la Lukuka).

Les « Notes sur les Basuku-Sud » de M. Dequenne reprennent les récits des notables et du Munikongo Kiambamba (Dequenne 1937). D’après cette source, les Suku venus de Kola étaient dirigés par la Ngudi-a-Kama et Munikongo. Ils vinrent s’établir à la Nganga où ils rencontrèrent des populations dont le chef s’appelait Buka. Ces populations étaient des Suku venus avant le groupement Munikongo. Rien n’est moins certain cependant. Le descendant de ce Buka, Buka Pangu, installé près du village Fumumashi, en face du poste portugais de Cuango, se dit Yaka et considérerait comme une injure le fait d’être appelé Suku. Quoi qu’il en soit, ces populations ne purent être assujetties par Munikongo et restèrent indépendantes. Cependant, les liens de parenté ne tardèrent pas à s’établir entre les deux groupements. La Ngudi-a-Kama Makumbu épousa même le cadet de Buka Pangu, nommé Buka Koshi.

Sous Ngudi-a-Kama arriva Kasongo-Lunda qui réclama le tribut à Munikongo et à Ngudi-a-Kama. Ces derniers refusèrent, parce que Ngudi-a-Kama se prétendait la mère de Kasongo-Lunda. La guerre fut déclenchée suite à ce refus. Vaincu, Munikongo vit son peuple dispersé et s’enfuit vers Feshi, région habitée par les Pindi. Ngudi-a-Kama, quant à elle, s’enfuit vers le sud avec son époux Buka Koshi.

Lors de sa fuite, Munikongo, qui avait reçu l’investiture, emporta les fétiches et emblèmes du pouvoir masculin. La Ngudi-a-Kama, de son côté, partit avec les fétiches qui étaient en sa possession. Devant l’impossibilité de reformer l’unité, la Ngudi-a-Kama Makumbu envoya des émissaires à Munikongo pour lui proposer l’accord suivant : Munikongo conserverait une partie des emblèmes du pouvoir et renverrait le restant à Ngudi-a-Kama qui les donnerait à un descendant des chefs suku. Celui-ci aurait le pouvoir sur les membres du groupement Ngudi-a-Kama. Les deux chefs, pour rappeler leur origine commune, porteraient le même nom, celui de Munikongo. L’accord conclu, Ngudi-a-Kama donna le pouvoir à son petit-fils Kandi, fils de Pangu, qui fut appelé Munikongo Kipakasa. Son successeur fut Kibimbu, fils de Mwilu, qui se fit appeler Munikongo Kiambamba (celui qui a de grandes terres).

D’un point de vue social et politique, le prestige de Ngudi-a-Kama est grand. De nombreux îlots de population disséminés parmi les Yaka se rappellent avoir reçu leur pouvoir de Ngudi-a-Kama. La population suku ne serait pas homogène, certains îlots tout au moins seraient d’origine étrangère ; tel Buka Benga, descendant de Buka Koshi, époux de Ngudia-Kama Makumbu, lui-même cadet de Buka Ipangu. Celui-ci se dit Yaka. Son descendant serait donc également Yaka. D’ailleurs le premier Buka Benga reçut le pouvoir de son père et non de son lemba. [ Lemba signifie « Vieux » (ou mbuta en kikongo). Il est le pivot de la vie sociale dans la famille yaka. Le lemba n’a pas l’importance qu’il a chez les Pende, les Mbunda, les Suku et autres peuples de souche lunda vivant sous le régime matriarcal, mais il est cependant, même chez les Yaka, nonobstant le régime patriarcal de ceux-ci, une personnalité en vue (Cordemans 1942).]

Deux autres ilots se réclamant de Buka Koshi se trouvent, l’un à l’ancien village Bandangongo et l’autre, au village Kahungula. Kasesi (cf. supra) se dit Kasindji ; il recevrait son pouvoir directement de Kapenda ka Malemba, chef Kasindji. 

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Ill. 5.1. Munikongo Kitswaka. (EP.0.0.14589, collection MRAC Tervuren ; photo R.P. F.Lamal, 1960, MRAC Tervuren ©.) 

 

Chez les Suku du groupement Ngudi-a-Kama, le pouvoir n’est pas réuni dans les mains d’un seul homme. Outre Ngudi-a-Kama, « le ventre du clan », Kiambamba, représentant de la branche aînée, doit partager le pouvoir avec les représentants de deux branches cadettes, Shiki et Bandangongo. Ces deux derniers ne doivent pas payer de tribut à Kiambamba.

Les insignes du chef Kiambamba sont :

1° Le couteau Munikongo, l’insigne du pouvoir le plus important ;

2° Les insignes dits magiques  : Makulu (bracelets) ; Mbeli ya Mwela ; le fétiche Koshi. Les insignes de Ngudi-a-Kama sont :

1° Emblèmes du pouvoir :

– Kisanda kia Ngudi-a-Kama, collier en fil de cuivre, à plusieurs tours.

– Kunga, remis lors de l’investiture.

2° Insignes dits magiques :

– les makulu des ancêtres ;

– le pembe de Kola.

3° Insignes cheffaux :

– Lunga ou gong en fer ;

– Ngoma Mukamba, un tambour ;

– Muyemba, un tambour ;

– Mukupila, un tambour à deux faces, portatif ;

– Luandala, autre espèce de tambour ;

– Ngoma ya monganga, encore un tambour ;

– un arc ; – éventuellement un xylophone ;

– des peaux de léopard (Koloma).

À l’origine, le mot Suku désignait l’ensemble des habitants du Musuku en Angola. Plus tard, il devint un nom générique désignant les sujets de Munikongo, de Ngudi-a-Nkama et des chefs tels Mwela, Buka, Iyoko, Tsako qui régnèrent sur les deux rives du Kwango et sur les rives de la Wamba, de la Bakali et enfin au Pindi (Lamal 1965 : 5). Pour M. Matangila Musadila et Lapika Dimomfu :

La tradition révèle que les Suku seraient arrivés au Kwango au xvie siècle, venant du royaume Kongo. Au xviiie siècle, les Luwa, une branche des Lunda, marchèrent contre les populations du Kwango. Le roi suku, le Munikongo, se força de disperser les Suku à l’est pour échapper à la domination des Yaka-Lunda. L’expansion yaka, aux xviiie et xixe siècles, provoqua la division foncière suku et leur émigration en terre Pindi (Meni-Kongo) et chez les Holo (Ngudi-a-Nkama) (Matangila Musadila et Lapika 2007 : 152).

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Munikongo, le roi suku, est établi à Pesi-Kibolo, dans le territoire de Masi-Manimba au Kwilu. Ngudi-a-Nkama, la cheffesse originelle, réside toujours sur la rive droite de la rivière Kwango, près de Mussuco, en Angola. Les Suku mêlés aux clans tsamba, kongo, ngongo et yaka étaient possesseurs des terres au Kwango avant l’arrivée des Lunda.

Pour Vansina, les Suku étaient culturellement des Kongo et figuraient au début du xvie siècle sur la liste des tributaires du roi San Salvador. Vers le xviiie siècle, sous la poussée graduelle des Yaka et de leurs chefs lunda, ils abandonnèrent la Nganga (rivière parcourant la chefferie de Kasongo-Lunda au Kwango), pour aller vers l’est. Poursuivis par les Yaka, ils se dirigèrent d’abord vers Lukula, puis vers la rivière Pesi, un affluent de Kafi.

Les Suku occupent actuellement les territoires de Feshi, Kenge, Kasongo-Lunda et une grande partie d’entre eux habitent dans le district du  Kwilu, principalement dans le territoire de Masi-Manimba. Géographiquement, ils sont localisés dans l’Entre-Bakali-Kwenge.

Les Suku sont matriarcaux et les lemba ont une grande ascendance dans la société. Ils ont des traditions similaires à celles des Yaka et des Lunda. Politiquement, le pouvoir est reconnu au clan aîné de Munikongo. « L’autorité royale s’étend sur plusieurs chefs de terre. La cour royale comprend les mulopo (premier ministre), le Mwana Huta (fils aîné et successeur) et le conservateur du roi (le Mahungu). […] Le clan est l’unité de référence de la structure politique » (Matangila Musadila et Lapika 2007 : 153).

 

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1.3. Les Pelende

 

Dans son rapport d’enquête du 3 avril 1930, rédigé à Popokabaka, le commissaire de district assistant Requier écrit :

«  Pelende est le nom que se transmettent les chefs de la sous-chefferie Pelende Sud. […] Pelende est un chef venu de Lunda avec le kiamfu. Il est appelé fils de kiamfu. Il est venu se fixer chez les Bapelende qu’il a assujettis. C’est pourquoi il a pris le nom de Pelende.

Le chef Pelende a émigré vers le nord, prétendument par suite d’un différend avec Kasongo-Lunda. Il est allé se fixer au territoire de Kapanga sur la Bakali. Le kiamfu est allé lui faire la guerre mais a été tué. Dans la suite Pelende se serait néanmoins soumis à Kasongo-Lunda. Une partie du clan restée à Kobo sur la Wamba où son chef N’dala s’était retiré après les difficultés survenues avec le kiamfu. Ce N’dala est l’ancêtre de la famille qui dirige encore actuellement la sous-chefferie Pelende-Sud. Cette famille est Kaka de la famille des Biamfu.

[…] Nous pensons que les indigènes assujettis par Pelende sont les Bapende, indigènes qui auraient quitté les Imbangala probablement lors de l’arrivée du Lunda Tsinguli. Ils se sont probablement mêlés aux Batsamba qui peuplaient jadis la région occupée actuellement par la sous-chefferie. Enfin, des groupes lunda, Kilolo de Pelende, sont venus s’y installer » (Requier 1930).

Dans ses « Notes sur la subdivison de PelendeNord, 1937  », le CDD du Kwango, E.  Cordemans, s’appuyant sur un rapport de l’agent territorial De Win de juillet 1932, écrivait, concernant les Pelende :

«  Cette subdivision est dirigée par le chef Manonga, qui se dit kiamfu au même titre que le kiamfu de Kasongo-Lunda.

Elle est habitée par les essaims de tribus Batsamba, Bayaka, Basuku et quelques rares BaluwaBalunda.

[…] Les habitants d’origine lunda et muyaka sont appelés Bapelende […]. Le premier chef connu, le nommé Sakapenda Mokina Banza Katshunga, alias Makunda, était le fils du Mukanza, alias Djiaweshi Kondo, qui, d’après des Bapelende, dirigea l’exode des Lunda et les mena près des rives du Kwango, dans une plaine située entre les rivières Kilaw et Sefu (au sud de la Sukusu).

Par suite de disputes, Mukanza déshérita son fils Makunda, et sa fille Lukokisa succéda, après la mort de Mukanza, à son frère. Elle épousa le chasseur légendaire Tshibinda, et en eut un fils, Gofula (alias Muni Putu), qui devint plus tard le chef des Bayaka de Kasongo-Lunda. Makunda se sépara de son neveu Gofula, à la suite d’une querelle pour des sauterelles. Il s’installa d’abord à la Luwali, au lieu dit Kobo (emplacement actuel du Mulop Kapenda, chez Pelende Sud) puis sur la plaine Matsetsi (aux environs de l’emplacement actuel de Kindi), puis sur la plaine Mambuta (Kifundisa), et enfin à la source de la Lutundu où il meurt. Son fils aîné Fwefwe lui succéda. Il soumit tout le pays, chassa les Batsamba, et s’installa à l’emplacement actuel de Kobo.

Lui ont succédé : Kokombala, qui étendit son domaine aux dépens des Bawambu, et qui se battit avec Bukanga sur la rive gauche de l’Inzia ; Mungungu, qui fit la guerre avec les Basuku aux côtés de Muteba et fut tué en même temps que ce dernier par les hommes de Menikongo ; Mutubanganga, qui dut repartir en guerre contre les Bawumbu et les Batsamba et qui se battit contre le kiamfu Kasongo-Lunda ; Kafulu, qui devint aveugle et ne vécut pas longtemps  ; Kalamba Naweshi qui dut encore se battre avec les Batsamba qui ne voulurent pas se soumettre  ; Banza Makabika, qui mourrut peu de temps avant l’arrivée des Blancs ; Tsangala Kikomba Munene, qui disputa le titre aux enfants de Banza Makabika, et parvint à se faire investir avec le secours des Blancs qu’il était allé appeler à Popokabaka  ; Lupota, qui s’opposa à l’installation des Blancs sur la Wamba, et brula même le poste de Kenge suite à quoi il fut relégué et mourut à Boma  ; Kimbamba Bukoka, qui fut désigné par les Blancs, mais n’avait aucun droit à la succession puisqu’il était mwana kashi ; Bangu qui ne resta pas une année avant de mourir, et enfin le chef actuel Manonga. Entre Lupota et Kimbamba Bukola, le chef Kayeye de Kasongo Tseke avait été désigné par les Blancs comme chef des Bapelende, parce qu’il avait protégé la factorerie de Kapanga (où Manonga était en ce moment capita) contre les incursions de Lupota » (Cordemans 1938, cité par Matadiwamba 1988 : 85-86).

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Ill. 5.4. Chefs de groupement de la chefferie Pelende-Nord entourant le premier d’entre eux. (Photo équipe locale, 2009.)

En reconstituant la chronologie des chefs Pelende de la période d’avant la colonisation à ces jours, K. M. Matadiwamba (1988 : 86-87) apporte des indications pertinentes. Ainsi, la mort de Mbanza Makabika est située entre 1880 et 1885, la déportation de Lupota Kapende en 1910, l’arrivée de Kimbamaba en 1910- 1911, le règne de Mbangu de 1911 au 2 mars 1921, celui de Nlanda de mars 1921 au 9 septembre 1922, celui de Manonga Mutombo du 10 septembre 1922 au 15 décembre 1941, celui de Tsangala Kisumba du 19 décembre 1941 au 18 septembre 1958 et celui de Mbuya Mabakila à partir de cette dernière date.

Selon Matadiwamba, Kola, le foyer originel, se trouve dans l’actuel territoire de Kapanga, dans le Lualaba au Katanga, à peu près au point d’intersection du 9e parallèle S avec le 23e méridien. C’est la région entre la Kajidji et la Nkalany, où l’on retourne chez le mwant yav pour recevoir son investiture. Là est la véritable origine de tous les Lunda, leur Kola à tous, qu’ils soient du Katanga ou d’ailleurs (Matadiwamba 1988  : 39). La chefferie Pelende Kobo, nom d’origine du chef lunda, est reconnue comme une chefferie. Les groupements Ndinga-Lubabata et Musamba – bien qu’issus aussi de noms de chefs lunda  ont perdu leur titre de chefferie, parce qu’ils ne répondaient pas aux critères de chefferie établis lors de la réforme de 1933.

Les Pelende sont localisés dans le territoire de Kenge. Ils sont les principaux habitants de la région comprise entre la Wamba et l’Inzia depuis Kapanga jusqu’à Gabia. Ils sont voisins des Yaka, Tsamba, Mbala et Kwese. Ils occupent la chefferie PelendeNord et partiellement les secteurs Mosamba et Dinga.

Au Kwango, la cohabitation entre Pelende et Yaka est parfois source de conflictualité (cf. infra). Il arrive que les Pelende menacent de quitter le Kwango pour s’installer au Kwilu et former avec les Mbala, les Lunda de Kahemba et les Suku un bloc anti-Yaka (cf. infra).

 


1.4. Les Lunda 

 

L’enquête menée par l’Administration coloniale belge situe l’arrivée des Lunda au Kwango vers 1725 (Historique des chefferiess. d.). Les Lunda se disent venus de Kola, c’est-à-dire d’une région située au nord de la région lunda actuelle. Les Lunda de Kahemba se reconnaissent dans cette origine.

Selon K. Matadiwamba (1988 : 21), le nom Lunda (ruund en dialecte mpwer), qui n’existait pas à l’origine de l’entité, fut pris lorsque le groupe parvint, non pas à la rivière ruund –  comme l’affirme B. Crine-Mavar, car elle n’existe pas à cet endroit –, mais à la savane Kakaruund, comprise entre la Kajidji et la Nkalany.

Selon J.M. Diwula (1970  : 17), lors des grandes invasions des Lunda, les descendants du Mwant-Yav de Kola, à Luanda, sur la Haute-Lulwa au Katanga, occupèrent successivement tout le territoire de Kahemba, une partie du territoire de Feshi et du territoire de Kasongo-Lunda dans le secteur Panzi. Ils soumirent les Holo. Certains Holo restèrent dans le pays sous la domination des Lunda, comme Nganda Muteba. D’autres allèrent s’établir sur les deux rives de la rivière Tungila, à son embouchure dans la rivière Kwango, où ils se trouvent encore actuellement. Ces Lunda habitant le Sud-Est du Kwango ne subirent pas l’influence yaka, mais bien celle des Chokwe, dans un domaine déterminé. Pour eux, le seul Lunda parlant encore yaka est le kiamfu.

Les Lunda sont originaires de Kola au Katanga, affirme K. Matadiwamba. Ceux qui sont présents au Kwango sont des émigrés ayant comme ancêtre Mwene Putu Kasongo. Ce dernier avait rencontré les Suku de Ngudi-a-Kama et des Holo près des chutes de la rivière Tungila à Kingamba/Tembo au sud du territoire de Kasongo-Lunda. Ensuite Mwene Putu Kasongo atteignit le Kwango après avoir franchi la rivière Kwilu. Il fonda au Kwango le royaume yaka sur la Nganga, occupée à l’époque par le Suku Munikongo et le Yaka Buka Ipangu (Kiaku Kilenda 2001-2002 : 8). Face à l’organisation qu’il trouva au Kwango, Mwene Putu Kasongo se dirigea vers le Haut-Wamba, au Kwango, vers les rivières Mfulu et Lonzo, et vers le nord, jusqu’à Kiamfu-Kinzadi où il bâtit sa résidence à Ipesi (Kiaku Kilenda 2001-2002  : 8). K. Matadiwamba estime que les Lunda sont arrivés dans cette région (Kwango) en au moins deux vagues essentielles  : celle de Tshingund, fidèle au matriarcat, et celle des envoyés des premiers Ant Yav (pluriel de Mwant), adeptes du patriarcat. Les premiers sont plus connus sous l’appelation de Luwa et furent les alliés des Portugais, les premiers Blancs parvenus d’Angola (Matadiwamba 1988  : 41). Dans le territoire de Kahemba, le kilunda est encore parlé par les populations habitant les secteurs Bindu et Kulundji. Des liens de parenté existent entre les Lunda du Kwango et (Matadiwamba 1988 : 41) :

1. Les Lunda restés dans la région de l’ancienne Musumba de Kalanyi où ils s’étaient établis après l’invasion des Luba. 

2. Les Luba, du fait du mariage d’Ilunga Tshibinda, frère de Kasongo Niembo, avec Lueji, fille de Yala Mwako, alias Kalala, chef du clan Tologondo. 

3. Les Imbangana, à la suite de la dissidence et des conquêtes de Kinguli, un des fils de Yala Mwako, évincé par sa sœur Lueji, en même temps que son frère Yala. Kinguli, s’étant retiré de la Musumba, partit vers l’ouest avec tous les mécontents, à la recherche de nouvelles terres ; après un séjour vers la basse Cuanza, il devint le chef des Imbangana, où des alliances eurent lieu entre les envahisseurs et les populations conquises.

4. Les Luwa, de même origine que les Lunda de Mwene Putu Kasongo, mais venus antérieurement dans la région du Kwango et commandés [au milieu des années 1930] par Mukelenge Mutombo Kibanda, alias Kianza. Certains de ces indigènes sont également dénommés Sonde, du mot Tsonde, sauterelle, sobriquet qui leur aurait été donné par les autochtones qui comparaient leur invasion rapide et en grand nombre à celle des sauterelles.

5. Les Pende, alias Pinde ou Masindji. Ceux-ci ont été soumis par Mukelenge Mutombo, alias Mwata Kumbana ou Kapenda Mohwa Ambongo, lequel a quitté la Musumba de Kalanyi vers la même époque que Mwene Putu et s’est dirigé vers le haut Kwango, tandis que ces derniers marchaient plutôt dans la direction de l’aval.

6. Les Suku, du fait de leur ancien voisinage à la Yonso, puis à la Nganga, lors de l’arrivée des conquérants lunda et, plus tard, à la suite de la soumission de certains clans lors de la poussée des Yaka et des Pende vers le nord et le nord-est.

7. Les Chokwe, les Tsamba, les Mbala etc., lesquels ont fortement subi l’influence lunda, suite à la politique de pénétration et d’assimilation des kiamfu, qui consistait à favoriser ou à imposer des unions avec les populations assujetties. Il existe également des liens de vassalité entre certains groupements conquis et assujettis, tsamba, mbala, luba… et leurs conquérants lunda-yaka.

 

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1.5. Les Chokwe

 

L’origine des Chokwe du Kwango est relativement peu connue. Selon J. M. Diwula, il y a cent quarante ans environ, «  les Chokwe occupèrent le territoire de Kahemba. Ils s’y distinguèrent par les razzias. Se sentant forts, partout où ils s’établissaient, ils prenaient le terrain de force sans payer de redevance aux premiers occupants. Ils sont également reconnus comme peuple de commerçants, des forgerons réputés, chefs de tous les peuples voisins et sont spécialistes en sculptures » (Diwula 1970 : 18). Les villages chokwe se disloquent, se scindent et se déplacent constamment. Ces déplacements seraient la cause de leur progression vers le nord. Certains atteignirent les rives du Kasaï. D’autres s’établirent dans le territoire de Kasongo-Lunda, à côté des Yaka. Un petit nombre resta avec les Suku dans le territoire de Feshi.

Pour I. Ndaywel è Nziem (1998), les Chokwe ne formaient pas une société ethnique classique, mais plutôt un groupe de commerçants, de culture lunda, en contact avec le monde luso-africain. Leur invasion avait surtout un but commercial, bien qu’elle ait entraîné la mise en cause de l’organisation politique.  

On peut donc estimer que face aux Lunda, qui symbolisaient un pouvoir centralisé, les Chokwe représentaient un ordre politique nouveau décentralisé et à base commerciale.

J. Vansina présente les origines de ce peuple :  « Les Chokwe sont responsables de la destruction des modes de vie traditionnels dans la moitié Ouest du Katanga, au Kasaï et dans les parties méridionales de la région du Kwango-Kasaï. Cependant vers 1850 ils n’avaient presque pas encore fait parler d’eux. C’était à l’origine une petite peuplade qui menait près des sources du Kasaï et du Kwango une vie semi-nomade, tirant sa subsistance de la chasse plus que de l’agriculture, mais ayant des forgerons capables. C’étaient leurs chefs lunda qui leur avaient donné leur organisation politique. On les mentionne pour la première fois en 1795 alors qu’ils étaient déjà sur la route commerciale de Bihe au pays Luena. En 1846 ils avaient une réputation de commerçants en cire, bon article pour les chasseurs, et ils étaient en train d’acquérir la réputation d’attaquer les caravanes.

L’histoire lunda nous apprend que Naweej II envoya une ambassade chez Ndumba Tembo, le plus vieux des chefs chokwe, et que ceux-ci manifestaient une tendance expansionniste comme le montre la guerre de Mwa Cisenge. Quoi qu’il en soit Naweej II déclara à Graça que les Chokwe étaient ses tributaires, mais il ne les rangea pas parmi ceux dont il spécifiait le montant de leur tribut annuel. Il ressort de tous les comptes rendus antérieurs à Livingstone et des observations de ce dernier que le domaine des Chokwe avait pour frontières : au nord-est un point situé sur le Haut-Luajima, à l’est les sources du Chiumbe, puis à partir de là au-delà du Kasaï les sources du Lwena, les sources septentrionales du Lungebungo, comprises dans leur territoire, et enfin, à l’ouest un point situé sur le Haut-Luando, d’où la frontière allait jusqu’aux sources du Kwilu et suiva le cours supérieur du Cikapa jusqu’au Luajima. La comparaison avec leur territoire actuel montre quelle expansion fantastique ils prirent après 1850. On les trouve maintenant dans le Kwango méridional et il y a même des enclaves chokwe dans le BasKasaï près de Basongo. Ils occupent des portions de territoire situées profondément à l’intérieur du Katanga jusqu’à Kamina dans le Nord, et Kolwezi dans l’Est ; enfin leur domination culturelle s’étend sur tout l’Angola du Nord. Tel est le résultat du trafic et des raids chokwe depuis 1850.

[...] Au lieu de former de grandes caravanes, ils partaient en petits groupes nombreux qui campaient pendant de longues périodes dans les régions appropriées et finalement considéraient celles-ci comme leurs territoires normaux de chasse. Ils commençaient par établir leurs petits villages en des endroits inoccupés de la brousse et le cas échéant reconnaissaient la souveraineté du chef local, quel qu’il fût. Il y avait ainsi deux chefs dans la région. Et lorsque finalement ils avaient acquis une supériorité, non pas en hommes mais en armes à feu, ils entreprenaient de combattre et de soumettre les premiers habitants. Cela supposait une organisation capable d’unir des petits lignages éparpillés, et c’est justement ce que permettait la structure politique traditionnelle des Chokwe, qui était d’origine lunda. Le processus d’expansion exigeait aussi que la première infiltration ne gêne pas les premiers habitants. À cet égard les Chokwe ressemblaient aux Peuhls d’Afrique occidentale. Ils occupaient pour la chasse une niche écologique qui n’était pas occupée ou l’était imparfaitement. Jamais ils ne s’infiltrèrent dans la zone des Lwena, des Luchazi et des Mbunda parce que là les habitants étaient eux aussi des chasseurs et la niche était occupée. Enfin l’expansion chokwe supposait une forte population. Pourtant ils n’étaient pas nombreux dans leur domaine d’origine, et il est certain que ce n’est pas une pression démographique qui les mena à l’expansionnisme. Mais leur société permettait une assimilation rapide des étrangers. Il semble que parmi les esclaves, ils se réservaient les femmes pour eux-mêmes et leur accordaient un statut égal à celui des femmes chokwe, sauf que les enfants issus de ces mariages appartenaient au matrilignage de leurs pères et devenaient donc des Chokwe à part entière […] » (Vansina 1965 : 165-172)

 

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Statuette représentant Nuatchi Yamvua, personnage historique des Chokwe. (HP.1957.1.751, collection MRAC Tervuren ; photo C. Lamote (Inforcongo), s.d., MRAC Tervuren ©.

Les Chokwe habitent le sud-est du Kwango, précisément dans le territoire de Kahemba. Pour Olga Boone, « la masse des Chokwe réside en Angola, mais depuis longtemps ils s’infiltrent au Congo, spécialement chez les Lunda de Sandoa et dans la région de Kahemba. Ils y ont fait ces fameuses razzias d’esclaves, soumettant tous les Balunda à leur domination. Poussant leurs razzias plus loin vers le nord en dehors du territoire de Kahemba, ils s’attaquèrent aux Sonde, aux Pende, aux Mbunda. Partout où ils s’établissaient, ils prenaient les terrains de force, sans payer de redevances aux premiers occupants […]. Les Chokwe s’infiltraient un peu partout ; leurs villages, quoique insignifiants par le nombre, se disloquent et se scindent constamment » (Boone 1973 : 2).

Le nom Utshokwe pour désigner le pays, et Katshokwe et Tutshokwe, singulier et pluriel, désignant les gens constituant ce peuple, vient d’une rivière, dit-on, qui porte ce nom, affluent de la Tshikumbwe, elle-même affluent de la rivière Kwango (Boone 1973 : 3).

 

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1.6. Les Holo

 

D’après le rapport établi à Kosongo-Lunda en janvier 1938 par l’administrateur Fr. Roelandts (1938), chef du territoire des Bayaka, les Holo se trouvant en RD Congo déclarent être originaires de Kola. L’ancêtre féminine des Holo est Holo dia Moketo, fille ou descendante de Kasandji, ancien chef des populations établies sur le Kwango supérieur, principalement sur la rive gauche. Son domaine s’étendait vraisemblablement vers l’ouest jusqu’à la Kwanza, si pas jusqu’à l’océan (Kalunga).

Le pouvoir de Kasandji fut détruit par les Kingudi ou premiers Lunda venus de l’Est lors de la scission avec Lueji. Kingudi soumit une partie des populations qui dépendaient de Kasandji, reprit le titre des anciens chefs et se nomma Kingudi Kasandji, 1er chef des Imbangana ou Bangala, ses sujets lunda mélangés aux populations conquises ayant reçu le nom d’Imbangana. Les Holo constituent un groupement de cette population ancienne de Kasandji qui ne fut pas soumis aux Lunda de Kingudi. Mais la majeure partie de la population holo est restée en Angola, entre les rivières Kambo et Luie, tous deux affluents du Kwango.

Les Holo sont divisés en trois lignées  : celle de Bumba Loango, l’aîné (resté en Angola), celle de Ndala Holo (Kinzamba) et celle de Kasandji. Tous trois ont reçu leurs pouvoirs de Holo dia Moketo, Kaka des Holo.

À la fin des années 1930, la circonscription des Holo du Kwango comprenait deux chefs coutumièrement indépendants l’un de l’autre : 1° Le chef Kizamba, portant le titre de Ndala Holo. Il exerçait son autorité sur ses neveux : Kibenga, qui avait comme vassaux Mukwala et Lufuku ; Mawangu, qui avait comme vassaux Kimbangu et Kakelenge ; Kumu (Katala) ; Holo Nene ; Katende ; Mwana Huta (au village Kizamba)

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Le chef Kizamba et sa femme, 1950. (HP.1956.15.5410, collection MRAC Tervuren ; photo C. Lamote (Inforcongo), 1950, MRAC Tervuren ©.)

2° Le chef Kasandji, cadet de Ndala Holo (village Kimbungu) qui exerçait son autorité sur ses neveux : Tembo, qui avait comme vassal Ndala ; Gombe a Tumba ; Kaholo, qui avait comme vassal Bwengi ; Mangangi, qui avait comme vassaux Kapondo et Gamba.

La circonscription des Holo du Kwango comprenait aussi, sous sa dépendance :

1° Des vassaux du chef Madimba d’Angola : Munana, Kimvota et Kiniama.

2° Des Suku  : Kakondo, Matambi, Kimbangu, dont le vassal était Kabaka.

La justice chez les Holo était rendue autrefois par des arbitres dits Gandji ya kusopa milonga. Cette charge n’était pas héréditaire. Leurs insignes étaient : le Wvala (stic en jonc), le Misese (plumet ou poils de buffle ou de taureau) et le chapeau de paille tressée.

Les Holo seraient apparentés aux Pende. Au Kwango, les Holo se sont installés près des chutes de Kasongo-Lunda sur la rivière Kwango pour échapper à la poursuite des Angolais, suite au meurtre d’un Portugais. En 1925, un certain Kahungula, sujet holo revenu d’Angola, parvint à se faire nommer chef des Holo. À sa mort au Congo belge en 1942, comme son successeur Kiambamba demeurait à Musucu en Angola, celui-ci fut représenté par un autre Kiambamba. Leur chef actuel s’appelle Kizamba Muhula Nzambi à Mpungu. Il est détenteur du pouvoir politique de la cheffesse Holo dia muketo, investie en 1934.

On retrouve les Holo dans le territoire de Kasongo-Lunda, au secteur Kizamba (Tembo), dans le groupement Kiambamba sur la rive droite de la rivière Kwango et le long de la frontière RD Congo Angola.

 

2. La situation linguistique dans le Kwango

 

Au Congo, tant les missionnaires que les administrateurs, les soldats, les commerçants, les fonctionnaires furent confrontés au problème de la langue de communication. Une commission d’étude fut installée pour répondre aux questions suivantes :

– quelle langue choisir pour les fonctionnaires ?

– quelle langue enseigner aux indigènes ?

Face au débat qui en naquit, la tendance appelée « indigéniste » s’accorda sur le rejet des langues étrangères dans la colonie, mais divergea quant au choix d’une langue congolaise unique à promouvoir et à élever au statut de langue officielle. C. Sesep, écrit : « Le problème était en fait celui de la création, à partir d’un certain nombre de langues nationales homogènes, d’une langue unique susceptible d’assumer la fonction de langue officielle, soit le choix d’une langue préexistante qu’on imposerait à l’ensemble du territoire national, soit enfin le maintien du français » (Sesep N’sial 1988 : 85-117).

La Commission linguistique retint quatre langues de grande diffusion dans le pays : le kikongo, le tshiluba, le swahili et le lingala.

Le district du Kwango fait partie de l’espace Ouest où le kikongo fut retenu comme langue officielle. Celle-ci est désormais utilisée dans l’enseignement comme dans l’Administration. Mais de nos jours, le lingala acquiert de plus en plus le statut de seconde langue officielle parlée dans le Kwango, en raison des contacts de plus en plus poussés avec Kinshasa, Les différents peuples qui habitent l’espace kwangolais ont une certaine homogénéité linguistique et culturelle. Il y a lieu, dès lors, de regrouper ces peuples selon leurs affinités linguistiques :

– Yaka-Suku-Pelende-Lonzo-Tsamba ;

– Pende-Kwese-Sonde-Holo ;

– Lunda-Chokwe-Luwa.

La situation linguistique au Kwango est présentée au tableau suivant :

 

Occupation linguistique du Kwango 

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Les autres communautés lunda, qui vivent principalement dans la partie méridionale du Kwango autour de Kahemba et Nzofu, sont culturellement fort proches des Chokwe, auxquels ils sont intimement liés au plan historique et culturel et dont ils partagent le même complexe mythologique. Les Chokwe de la RD Congo, qui à partir du milieu du xixe siècle sont arrivés d’Angola, ont progressivement occupé leurs territoires actuels en repoussant vers le nord-est les populations qu’ils ont trouvées sur place, principalement des communautés lunda et pende, ou en se taillant un espace et un statut privilégié en leur sein.

Les Nkanu appartiennent de plein droit à l’univers linguistique et culturel des Kongo orientaux, mais ont toujours entretenu des liens culturels très forts avec les Yaka dont ils ont adopté le rituel de circoncision, raison pour laquelle nous les évoquerons brièvement dans ce texte consacré au Kwango, bien qu’ils vivent majoritairement au Bas-Congo et en Angola. Les Lula, voisins des Nkanu, sont d’ailleurs d’origine yaka.

Les affinités culturelles qui rapprochent certains de ces groupes n’impliquent pas toujours qu’ils parlent des langues apparentées, comme le montre le découpage linguistique du Kwango. Les Yaka, Suku et Nkanu appartiennent à la zone H, qui est aussi par excellence celle des communautés vivant au Kongo central; mais alors que les Nkanu sont classés en H10 (groupe Kikongo proprement dit), les Yaka et les Suku parlent eux une langue du groupe H30. Les Holo, non sans hésitations, ont finalement été classés dans le groupe L10, auquel appartiennent aussi les Pende, Sonde, Kwese, et de manière plus surprenante, les Tsaamba. La langue des Lunda (Ruund) est également classée en zone L, groupe L50, tandis que celle des Chokwe, pourtant culturellement fort proches des Lunda, appartient à la zone K, groupe K10. Cette classification repose sur celle établie par Guthrie, entièrement revue et corrigée récemment (Maho 2008).

Toutes ces communautés connaissent un rituel complexe de la circoncision, d’origine lunda-chokwe, auquel s’ajoutent un grand nombre de cultes d’affliction ainsi que d’autres institutions rituelles, davantage liées au pouvoir politique, ou encore des associations à caractère funéraire comme le mungonge des Lunda, que plusieurs peuples voisins ont adopté, dont les Chokwe et les Pende.

Beaucoup de ces institutions, ainsi que parfois les noms qu’elles portent, transcendent les frontières dites « ethniques » ; on y discerne des traits qui soit se rattachent à l’aire linguistique et culturelle kongo, soit puisent leurs sources dans les traditions politiques et rituelles lunda et chokwe, ou encore appartiennent à un terreau culturel autochtone plus ancien, résultat de l’histoire mouvementée que connut cette région durant plusieurs siècles.  Il devient dès lors impossible d’appréhender le symbolisme ou l’origine d’une institution et de l’art qu’elle produit au sein d’une communauté si on l’analyse isolément, sans la comparer avec les cultes et les objets des groupes voisins.

Plutôt que de suivre un fil conducteur géographique ou ethnique, nous décrirons donc les manifestations culturelles et artistiques de cette région en les appréhendant au travers des diverses catégories de structures rituelles ou institutionnelles au sein desquelles elles se déploient, et dont le paradigme par excellence est le rituel de la circoncision, commun à l’ensemble du Kwango

Toute la région qui nous occupe se situe en effet au cœur d’une vaste aire culturelle que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier d’ « aire du mukanda » (nkanda ou encore n-khanda), du nom du rite de circoncision commun à un grand nombre de communautés d’Afrique centrale, depuis le cœur de l’Angola et le nord-ouest de la Zambie jusqu’au sud-ouest de la RD Congo. (ill. 6.1)

Que ce rituel élaboré se nomme de la même façon au sein d’une aussi grande région où de multiples langues se côtoient plaide non seulement pour une origine commune, mais serait également l’indice d’une diffusion relativement récente.

C’est plus que probablement à partir des Lunda méridionaux ou Ndembu, puis, en passant par les Chokwe, et ensuite les Lunda septentrionaux que le mukanda s’est diffusé dans la quasi-totalité de la région du Kwango. Les Yaka affirment que leur nkhanda est d’origine lunda (Planckaert 1930  : 59- 60). Le rituel s’est également propagé jusque chez les Kongo orientaux, comme les Nkanu, les Zombo, les Mbata et les Mpangu.

Si aujourd’hui l’opération de la circoncision des garçons se pratique toujours, le rituel élaboré qui l’accompagnait jadis est loin d’être encore en vigueur partout ; et là où il subsiste, il est fort écourté, et se déroule généralement pendant les vacances scolaires. Par ailleurs, les masques jadis liés à la circoncision dansent encore dans certaines régions, mais dans un contexte de fêtes et de réjouissances plus profanes. 

Bien que ce complexe rituel soit en voie de disparition dans beaucoup de régions, nous en parlerons toutefois au présent dans les descriptions et analyses qui suivent, essentiellement pour des raisons de limpidité d’écriture.

TROISIÈME PARTIE : ORGANISATION POLITICO-ADMINISTRATIVE

 

Organisation politico-administrative du Kwango jusqu’à la fin de la période coloniale ?

 

L’histoire du Kwango peut être subdivisée en quatre grandes périodes : la période préco - loniale, la période de l’ État indépendant du Congo, la période coloniale et la période allant de l’indépendance à ce jour. Nous aborderons les trois premières périodes dans ce chapitre.

 

1. Le Kwango avant l’occupation européenne

 

On entend parfois dire que, dans l’espace actuel du Kwango, il n’a jamais existé d’entités politiques organisées du type de celles du royaume kongo ou de l’empire kuba. Des travaux et diverses sources révèlent pourtant l’existence d’ensembles organisés politiquement, socialement, économiquement et culturellement, dont la plupart tirent leur origine du royaume kongo et de l’empire lunda. Parmi ces ensembles, il y a lieu de citer le royaume luwa-ya - ka, le royaume yaka, les États de Mai-Munene et de Mwata Kumbana, l’empire suku, etc. La ques - tion de savoir si les Pelende constituent ou non un État autonome, séparé du royaume yaka, ne sera pas directement discutée dans ce point  ; elle sera abordée au chapitre consacré à la période postcolo - niale, au travers des rivalités, au sein des pouvoirs

La constitution des entités politiques est fortement liée aux grands courants qui ont déterminé l’évolution de l’Afrique centrale aux xviie et xviiie siecles. Elle est inséparable des mouvements d’immigration lunda qui continuèrent à occuper les terres situées entre les rivières Kasaï et Kwango pen - dant tout le xvii e siècle, et de l’instauration de nou veaux centres politiques dans ces mêmes régions, grâce aux principes de gouvernement lunda. Ces principes assureront la cohésion interne des pays conquis et l’expansion progressive des conquêtes à partir des fondations nouvellement créées. Les lignages lunda qui contribuèrent à l’établissement d’un royaume sur le Moyen-Kwango proviennent de trois épicentres distincts : de Kasange et de Kapenda Kamulemba sur le Haut-Kwango en Angola, et de la Kalange dans la région actuelle du Katanga en RD Congo, plus précisement de la rivière Kola, petit affluent oriental de la Kajidji qui se jette à son tour dans la Kalange (Nkalany) (Van Roy 1988 : 7-10).

 

1.1. L e royaume luwa -yaka

 

Pendant les dernières décennies du xvii e siècle, Kasange – appelé Kasandzi en langue yaka – occupait une position clé dans le transit commercial entre Sao-Paulo de Loanda (sur la côte de l’océan Atlantique, où accostaient les navires lusitaniens et les pirogues de la cour du mwant yav, le chef suprême des Lunda) et Musumba. À l’époque où le premier chef lunda prit la direction du Moyen-Kwango en vue d’une nouvelle création politique dans le Nord, Kasange maintenait déjà un strict monopole commercial entre Loanda et le pays de la Kalange. Kasange fixait le prix du marché des esclaves, la principale source de ses revenus. C’est dans ce but que les troupes auxiliaires Imbangana (une population autochtone d’origine mbundu) razziaient les territoires limitrophes pour le compte du yaga, ou chef politique, de Kasange. Ce dernier descendait d’émigrants originaires de Kola. Tshinguri Kakonda est le plus connu d’entre eux.

Le deuxième épicentre, Kapenda Kamulemba, était situé entre le Haut-Kwango et la Luto, affluent oriental de la rivière Kwango. Le chef éponyme était originaire du Kasaï, mais il avait organisé son système politique sur le modèle qui prévalait à la cour du mwant yav. Une route commerciale reliait Kapenda Kamulemba à Kasange vers l’ouest, et la Musumba, l’enclos cheffal du mwant yav, vers l’est.

Enfin, une troisième migration, conduite par Mwene Putu Kasongo, quitta la rivière Kola et la résidence du mwant yav. Elle est postérieure à celles provenant du Haut-Kwango, bien que Kola soit considéré par tous les chefs dissidents et ayant migré comme leur berceau national. C’est en effet dans cette région que s’est constituée, au cours du xviie siècle, la culture politique lunda, et particulièrement sous le règne du mwant yav Naweshi (ca. 1650). Culture qui leur permettra de contrôler de vastes étendues de l’Afrique centrale, surtout en région de savane et de forêt claire. Vers 1800, cet « empire » se limitait aux eaux de la Kwanza et de la Kwango à l’ouest, en Angola, et à la chefferie de Kazembe, près du lac Tanganyika, à l’est.

Les études historiques qui traitent de l’expansion lunda au Moyen-Kwango téléscopent les migrations successives en un seul récit. Elles omettent de tenir compte des migrations antérieures, provenant de Kasange et de Kapenda Kamulemba, faute d’avoir suffisamment exploré les traditions orales et parce qu’elle se confinaient trop souvent aux traditions provenant de la cour du kiamfu de Kasongo-Lunda.

Cette expansion était due à un système politique très souple jumelé à des campagnes militaires qui mobilisaient des troupes auxiliaires composées de ressortissants des peuples soumis. Toute la structure politique reposait sur les mécanismes de la succession au pouvoir et de la parenté où le successeur du chef défunt héritait de sa charge et de son titre, de même que de son statut personnel, statut qui incluait toutes les relations familiales. D’autre part, les chefs terriens, le plus souvent vassalisés de force, maintenaient certaines prérogatives en tant que premiers occupants du sol. Mais leur était refusée toute influence politique. Pour récupérer une partie de l’autorité perdue, d’aucuns s’acculturaient par le biais d’une coopération militaire, tandis que le grand nombre, conscient de sa séniorité, se contentait d’une parenté par alliance avec les conquérants, en offrant ses filles en mariage aux dignitaires lunda. Ces derniers devenaient par le fait même des « petits-fils » symboliques et honorifiques des chefs terriens et considéraient le mariage polygame comme un moyen approprié et nécessaire pour s’incruster davantage dans le pays conquis. C’est ainsi que les bana ba pfumu, les enfants issus d’un chef luwa, ne se mariaient pas entre eux, mais prenaient femme chez les filles des chefs terriens, appelés tulamba ou bakalamba.

Le chef Mabaka Tsambu de la Basse-Wamba l’exprima de cette manière : « Pfumu kaleenda kweela ko n-kweeno pfumu. N-siku. Kakwela ba-Yaka (un chef [politique luwa] ne peut pas se marier chez un autre chef politique luwa. C’est défendu, il doit se marier avec les [filles] ba-yaka) », en d’autres mots, avec des femmes issues de clans soumis.

La séparation entre conquérants et clans assujettis se marque également dans le domaine du régime foncier. Situation qui se revèle dans l’expression  : « Bevwiidi tseke be-Yaka, bevwiidi tsi ba-Luwa (les Yaka possèdent les brousses [la terre], les Luwa possèdent le pays) ». En d’autres termes, les Yaka possèdent les terres, avec leurs produits, qui serviront de tributs aux chefs politiques et les conquérants luwa possèdent le pouvoir. En décrivant l’organisation politique des Lunda septentrionaux, Biebuyck souligne également la distinction fondamentale existant entre le dominium des chefs de terre et l’impérium des chefs politiques (Biebuyck 1957  : 813). Aussi faut-il ajouter que le chef conquérant s’empara, dans bien des cas, du titre du chef vaincu. Ce fait explique que bon nombre de chefs luwa portent des noms qui ont leur origine chez les anciens clans yaka, suku ou tsamba. Tel par exemple celui de Mabaka Tsambu.

Ce mode de gouvernement sera appliqué par les biamfu et chefs luwa. Il assurera la stabilité et la continuité de leurs entreprises, surtout à l’époque précoloniale.

Un autre facteur facilita la fondation et l’éclosion du royaume luwa sur les rives du Moyen-Kwango : l’effritement graduel et irréversible du royaume kongo, après la bataille d’Ulanga, près d’Ambwila, le 29 octobre 1665.

Dans une lettre datée du 2 janvier 1710, et probablement adressée au gouverneur de Loanda, Pedro Mendes écrit : « Depuis que le roi du Kongo, Don Antonio, a trouvé la mort à Ulanga, où il fut décapité par les Portugais dont l’armée était sortie en campagne, 14 rois se sont emparé du trône de Kongo ; de ce nombre, 4 furent égorgés par les Solongo, et 5 par les Besi-Kongo (habitants du Kongo) eux-mêmes » (Bontinck 1970  : 232). Or c’est précisement vers cette même époque qu’émergea une nouvelle force politique lunda sur les rives du Moyen-Kwango, en bordure orientale du Kongo démembré, au nord-est de la chefferie Matamba et plus éloignée encore des territoires contrôlés par les Yaga de Kasange.

Lorsque, vers la fin du xviiie siècle, l’autorité du kiamfu sera solidement établie, ce dernier tentera de nouer de nouvelles relations commerciales avec la côte, notamment avec le port d’Ambriz. Dans l’Est, le kiamfu et ses hommes créeront, vers la même époque, une autre route commerciale reliant la cour cheffale de Kasongo-Lunda à celle du mwant yav, via Mwata Kombana.

C’est sur cette toile de fond du monde politique lunda et des itinéraires commerciaux à longue distance à travers l’hinterland africain qu’il faut retracer l’évolution et l’extension du royaume des biamfu, extension qui sera arrêtée par la pénétration européenne en Afrique centrale vers la fin du xixe siècle.

L’histoire de ce royaume se divise, grosso modo, en trois périodes distinctes, mais continues  : une période de genèse, s’étendant de 1685 à 1785 ; une période de plein développement entre 1785 et 1885 ; une période de régression, due à l’occupation européenne, dès la fin du xixe siècle.

Par souci de clarification il y a lieu de préciser la teneur exacte des termes lunda, luwa, yaka. Par « Lunda », il faut entendre les chefs descendant des a-Ruund de la Kalange (Kalanyi) au Katanga. Par « Luwa », l’on désigne ces mêmes chefs qui, dans leurs conquêtes, se servaient de troupes auxiliaires, parmi lesquelles figuraient les Yaka. Certains interlocuteurs font dériver leur nom de leur base de départ, la rivière Luluwa. À l’époque précoloniale, les conquérants lunda du Moyen-Kwango s’appelaient eux-mêmes « Luwa » parce que les populations soumises les dénommaient de cette manière : « ba-Luwa ba kyaambvu (les Luwa du kyaambvu) ». Quant au terme « Yaka », il désigne les populations autochtones soumises au pouvoir du kiamfu et de ses lieutenants, les bilolo. Les conquérants luwa ont généralisé et vulgarisé cette appellation pour en faire un terme générique et péjoratif, englobant des groupes disparates, mais apparentés, ayant presque tous une origine kongo et parlant un idiome kongo. Certains peuples avaient toutefois une origine mbundu, tels les Tsamba, mais même entre ces demiers et les groupes kongo, il n’existait pas de cloisonnements étanches, du fait d’intermariages. Lors de leurs premières conquêtes, les Luwa s’emparèrent de la chefferie Yiyaka, située le long des deux rives du Moyen-Kwango et habitée par des Yaka. Par suite de l’unification dynastique du royaume, le nom « Yaka » recevra une acception plus large, dans le sens cité plus haut.

L’antériorité de l’arrivée des Lunda matrilinéaires provenant du Haut-Kwango et leur séniorité lignagère vis-à-vis des Lunda patrilinéaires originaires du pays du mwant yav, mais qui suivaient un système successoral remontant aux Luba Shankadi, sont à l’origine des conflits dynastiques et des luttes pour le pouvoir qui éclateront au long de l’histoire du royaume luwa-yaka. Il est indispensable d’avoir ces éléments présents à l’esprit pour bien saisir l’évolution ultérieure et la sionomie particulière de la souveraineté des nouveaux conquérants.

Car malgré leurs origines communes, ce sont leurs immigrations successives dans l’espace et dans le temps, et l’opposition de leurs intérêts particuliers lors de la vacation du pouvoir, qui créeront entre leurs descendants respectifs des conflits incessants et des luttes, ouvertes ou sournoises, pas toujours vidées.

Plusieurs traditions orales du Moyen-Kwango rapportent que l’origine commune de tous les Lunda se trouverait en la personne d’un ancêtre appelé N’hunda Manganda. Ce nom éponyme comporte des variantes (N’hundu ou N’hunga) selon les locuteurs. Il portait le surnom de Ndzyoko Phemba (l’Éléphant blanc), par suite de l’excroissance d’une incisive, comparable à une défense d’éléphant, symbole de force. Son épouse portait le titre honorifique de Mwadi Manganda.

Ils avaient installé leur village et ses dépendances, la nganda, auprès des eaux de la rivière Kola, déjà citée plus haut. Plusieurs interlocuteurs font descendre de N’hunda Manganda tous les grands chefs lignagers qui immigreront vers le Kasaï, le Haut et le Moyen-Kwango. Migrations dues aussi bien à des querelles continuelles de préséance kuyumana koso thaangu, qu’au goût de conquêtes lointaines pour s’emparer de pays nouveaux et de se les partager entre leurs descendants besi dinga tsiya kukabila (Interview du chef Mulopo Ndindi).

Le Kasaï se trouve sur la route de conquête et, plus tard, de commerce, qui mène de Kola à la rivière Kwango. La symbiose politicoculturelle entre les Lunda et les Luba ressort très clairement des traditions orales, qui offrent des indications précieuses et convergentes dans ce sens. Ainsi le fondateur Mulopo Ndindi affirme-til, sans doute en simplifiant les choses : « Balunda ye ba-Luba, batu bamosi (les Lunda et les Luba sont les mêmes hommes).  » Le chef Mabaka Tsambu, déjà cité plus haut, et dont les ancêtres appartiennent à un lignage important provenant du Haut-Kwango, dit  : « Bana ba-Luba, i beto (nous sommes de véritables descendants des Luba). » Mahenga, le fils aîné de N’hunda Manganda, émigra vers le Kasaï. N’kelenge N’kyewa, grand-père lignager de Mulopo Ndindi, et « enfant » de N’hunda, est également originaire du Kasaï.

Ces quelques exemples, de même que l’étude des anthroponymes, suffisent à démontrer les connexions étroites existant entre les deux peuples au moment où ils édifièrent leur puissance politique. Mais ce sont les Lunda qui mèneront l’expansion très loin au-dèla de leurs terres.

 

1.2. Le royaume yaka

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 Panzu Fumukulu, le kiamfu (grand chef) des Yaka, entouré des principaux notables de sa tribu. (collection MRAC Tervuren ; photo C. Lamote (Inforcongo), 1950, MRAC Tervuren ©.)

Dans les milieux yaka, on se souvient encore aujourd’hui de ce royaume comme d’un héritage prestigieux perdu. Pendant un séjour en 1964 au Kwango, J.-C. Willame avait reccueilli d’Henri Ilenda (cf. infra), fils du chef Ngowa Maweshi, député national élu en 1960 et commissaire de district du Kwango en 1961, que «  le royaume yaka n’avait d’égal au Congo que l’empire kuba du Kasaï ». Selon lui, le royaume kongo était un leurre, parce qu’il s’agissait d’un royaume de l’Angola et non du Congo (Willame, s. d.).

Selon les traditions yaka, il faut chercher l’origine de l’ancêtre fondateur Mwene Putu Kasongo dans la cour même du mwant yav. Ce personnage est, en effet, rattaché, par des liens généalogiques, à Kingudi. Il s’agirait de son neveu resté à Musumba et qui se serait décidé par la suite à le suivre, accompagné de Mwata Kumbana et de leurs partisans respectifs.

Parti de Musumba, la capitale du mwant yav, dans l’intention de rencontrer Kingudi, Mwene Putu Kasongo fit une première escale après la traversée de la Kwenge, puis une autre à la Tundala et, de là, il se dirigea vers l’actuel territoire de Kahemba et s’installa à Yonso. Par la suite, il longea la rivière Kwango pour se fixer successivement à Kiamfu-Kinzadi et à Kasongo-Lunda entre la Nganga et l’Imona où il bâtit son royaume. Dans le courant du xviiie siècle, écrit J. Vansina, « l’État des kiamfu était très étendu. Il allait depuis Pelende et Kobo au nord jusqu’à Ngudi-a-Kama dans le sud et comprenait toutes les chefferies lunda jusqu’au Lushiko, à l’exception de Mwata Kumbana et les chefferies Pende du Kwilu » (Vansina 1976 : 57).

Pour se soustraire à cette présence envahissante, la majorité des Tsamba et des Suku émigrèrent vers d’autres espaces du Kwango. Certains Tsamba se dirigèrent vers le Bas-Kwilu ; les Suku de Munikongo et Ngudi-a-Kama se réfugièrent respectivement au-delà de la Bakali et chez les Holo, au sud, sur la rive droite du Kwango. Toutefois, certaines souches des Tsamba et des Suku restèrent et intégrèrent le groupe yaka. Ces Tsamba et Suku occupent le secteur Kolokoso et la chefferie Pelende-Nord dans le territoire de Kenge et la région de Panzi, à M’Lasa dans le territoire de Kasongo-Lunda. D’autres encore occupent des îlots parsemés en plein espace yaka. La caste lunda arrivée par la suite est venue se superposer. Si tous partagent le même territoire, parlent le kiyaka, chaque groupe se reconnaît une identité propre.

Le kiamfu avait pour premier collaborateur sa première femme, la kaka mwadi. Celle-ci participait à l’exercice du pouvoir et était la gardienne des insignes royaux et des fétiches du roi. Ses adjoints étaient le mwana huta (prince), l’aîné de ses fils ou de ceux de ses frères ou cousins, et le mulopo (Premier ministre) (Kayila 1998 : 225-226).

Le pouvoir du kiamfu, chef des Yaka, s’étendait sur les trois territoires habités actuellement par les Yaka, à savoir Kenge, Popokabaka et Kasongo-Lunda. Les territoires de Feshi et de Kahemba restèrent en dehors de l’hégémonie du kiamfu. Le royaume yaka dans l’ancien territoire de Kasongo-Lunda avait une organisation basée sur des chefferies dont le pouvoir dans chacune renvoyait au classement des chefs lunda, qui comptait les trois catégories ci-après (Verbist 1933) :

1. Les Lunda du kazekele du kiamfu : les descendants directs de Mwene Putu.

2. Les Lunda à petit kazekele  : les descendants des parents de Mwene Putu, venus avec lui de Kola.

3. Les Lunda descendants des hauts dignitaires venus de Kola avec le premier kiamfu. Quelques-uns de ceux-ci avaient rehaussé leur rang hiérarchique du titre de kaka, aïeul du kiamfu. Ce sont ceux qui fournissaient les premières femmes aux biamfu  : Gete, Muligunda, Pelende, Dinga…

La première catégorie se retrouve, certes, exclusivement dans l’ancien territoire de Kasongo-Lunda (cf. infra, chapitre sur l’organisation politique), mais la situation de l’organisation politique paraît fortement enchevêtrée. Les anciens territoires de Kapanga, Popokabaka et Panzi sont composés des fiefs attribués à des chefs se rattachant aux deuxième et troisième catégories, hormis le cas de Swa-Kibula, fils de Molombe, résidant au sud de la Sukulu, qui entre dans la première catégorie. Ces fiefs paraissent être des chefferies organisées de l’ancien royaume yaka et ils se répartissent de la manière suivante dans l’espace administratif colonial du début des années 1930 :

a) le territoire de Kapanga20 est composé de deux chefferies  : Pelende (Kobo) descendant d’un parent de Mwene Putu venu de Kola avec lui ; Dinga descendant d’un parent de Mwene Putu venu de Kola avec lui et kaka du kiamfu ;

b) le territoire de Popokabaka est composé de six chefferies :

- Munene descendant d’un parent de Mwene Putu venu de Kola avec lui,

- Saka (le nom était à l’origine Kangu) descendant d’un parent de Mwene Putu venu de Kola avec lui,

- Goa descendant d’un parent de Mwene Putu venu de Kola avec lui,

- Ikomba, descendant direct du kiamfu, mais à qui la chefferie Ikomba a été attribuée définitivement. Il ne rentre donc plus en ligne de compte pour le couteau de kiamfu qu’à l’extinction des deux branches  de kiamfu, Naweshi et Lukokisa (cf. infra),

- Lukuni, descendant de Nambanza (sœur aînée du kiamfu),

- Kiloanda, descendant de dignitaire du kiamfu (Mukumbu) ;

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 Un groupe de Yaka, rassemblés autour du chef Swa-Tenda (plumes blanches). (HP.1956.15.10590, collection MRAC Tervuren ; photo C. Lamote (Inforcongo), 1950, MRAC Tervuren ©.)

 

c) le territoire de Kasongo-Lunda  : en dehors des fiefs de Pelende, Mulingulu, Muligunda et Gete et quelques petits fiefs (Bariba-Wesi, Kikobo, Pogoso, Damba), il y a le fief dépendant directement du kiamfu et ceux de ses ministres (hauts dignitaires en fonction). C’est évidemment le kiamfu qui nomme les chefs de toutes ces chefferies. À noter que l’introduction de l’alternance dans la désignation des biamfu issus de la branche cadette avec la branche aînée introduite avec l’immixtion de l’Administration coloniale a exposé l’organisation dans ces fiefs à des bouleversements complets. Ces fiefs sont :

- celui de Swa-Ikomba situé au nord-est de la Musumba (résidence du kiamfu) entre la Bwanda et la Pasa, - celui du Mukwatjunga qui est le mulopo du kiamfu et dont dépendent les villages Kwamba et Kasa-Mayaka,

- celui de Bangi situé au nord-ouest de la Musumba, - celui de Mwana Huta situé au sud anciennement Muteba du nom du chef, frère de Mwana Koko et plus connu sous le nom de kiamfu Gombe qui était à la tête de cette chefferie lorsqu’elle a été reconnue,

- celui de Swa-Ibanda qui était à la tête du groupe de Kipanzu.

Cette organisation «  indigène  » se verra forcée de se soumettre et d’intégrer, ainsi, l’organisation politique et administrative coloniale dans le territoire du Moyen-Wamba. L’autorité coloniale appelée à soumettre à sa seule autorité l’espace conquis se voyait, en effet, confrontée à l’autorité du kiamfu. « On a souvent émis l’idée […] de diviser complètement le royaume yaka en retirant sa propre chefferie au kiamfu. On lui donnerait la médaille de grand chef, ne lui reconnaissant plus que l’administration générale de tous les fiefs par l’intermédiaire de ses vassaux » (Verbist 1933 : 5). Cela revient à entraver le kiamfu qui, dans l’exercice de ses pouvoirs souverains, se voit obligé de passer par le subordonné se trouvant à la tête de sa propre chefferie dans ses relations avec ses administrés directs. Ainsi, «  ne pouvant plus disposer à son gré des membres de son entourage, les entraves se feraient sentir plus redoutablement encore pour lui [kiamfu] dans ses relations avec les indigènes, qu’à cause de leur éloignement, il [kiamfu] est obligé d’administrer par l’interemédiaire de vassaux. Il [kiamfu] se trouverait esseulé et impuissant » (Verbist 1933).

Cela passe par la décomposition progressive du royaume yaka, qui sera appelé par la suite chefferie Kasongo-Lunda. Diverses études prospectives seront menées dans ce but. L’une des plus structurées fut celle du commissaire de district Requier qui préconisait le regroupement d’une vaste chefferie placée sous l’autorité directe du kiamfu. Celle-ci englobait les fiefs de ses ministres, sans considérations quant à la différence dans la hiérarchie coutumière de ces dignitaires. Par ailleurs le fief du dignitaire Bangi était divisé en trois tronçons à la tête de chacun desquels serait placé un chef investi sans liens avec les autres.

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 Chef Swa-Tenda. (HP.1956.15.10297, collection MRAC Tervuren ; photo C. Lamote (Inforcongo), 1950, MRAC Tervuren ©.)

La chefferie Kasongo-Lunda fut créée (reconnue) en 1912. Sa constitution n’était pas conforme à l’organisation indigène. Les biamfu s’y conformèrent pourtant, y trouvant, malgré tout, des avantages. D’après l’AT Verbist, les chefferies des ministres du kiamfu furent créées à la suite de la nécessité qu’avaient ressentie les biamfu de se faire seconder dans l’administration des populations trop éloignées, étant donné l’étendue de leur propre fief (Verbist 1933 : 5). La chefferie KasongoLunda comprenait les sous-chefferies ci-après :

- la sous-chefferie Mwana-Gunda, créée en 1912 ;

- la sous-chefferie Gete, créée en 1912 ;

- la sous-chefferie Mwana-Ngulu, créée en 1912 ;

- la sous-chefferie Muteba (Mwana-Huta), créée en 1912 ;

- la sous-chefferie Damba, créée en 1913 ;

- la sous-chefferie Bumba-Kimuale, créée en 1913 ; 

- la sous-chefferie Pogoso, créée en 1913 ;

- la sous-chefferie Mwana-Mutombo, créée en 1914 ;

- la sous-chefferie Mwela, créée en 1914 ;

- la sous-chefferie Pelende, créée en 1924.

Certains groupes demeuraient non organisés dans le cadre de l’Administration coloniale. Il s’agit de :

- Bangi. Le commissaire de district adjoint M.  Requier proposait, dans son rapport du 28  mars 1930, sa division en trois chefferies distinctes : Bangi, Mubuku et Mulopo-Ndindi ;

- Ikomba, l’Entre-Bwandu et Pasa et les villages situés le long de ces rivières ;

- Kikobo, tributaire direct de la Nambanza et Baringa-Wesi, à fusionner ou à rattacher à d’autres chefferies.

En 1933, l’AT Verbist proposa que l’organisation de base de l’espace yaka s’appuie sur l’organisation « indigène ». Il ajoutait : « Nous résoudrons la question de la supprématie du kiamfu sur ses autres chefs en attribuant au premier l’insigne de Grand Chef et celui de chef de chefferie à chacun de ses vassaux ». Le but visé était d’aller vers la création d’un territoire des Bayaka. Cette idée se concrétisa en 1935. Et l’ordonnance du 14 décembre 1939 réalisa la scission du territoire des Bayaka en deux : le territoire des Bayaka-Nord et le territoire des Bayaka-Sud. Le 1er janvier 1940, le territoire des Bayaka-Sud prit pour chef-lieu Kasongo-Lunda et celui des Bayaka-Nord, Kenge.

Même si la chefferie Kasongo-Lunda va continuer à être maintenue, la proposition de respecter l’organisation dite « indigène » ne sera pas suivie. À la fin des années 1930, l’espace de ce qui sera appelé territoire des Bayaka-Sud comptait déjà deux chefferies (Kasongo-Lunda et Munene) et un secteur (Mawanga). Plus tard, il sera encore question de réduire la chefferie Kasongo-Lunda et de réorganiser l’espace de l’ancien royaume yaka. Comme l’écrit L. de Saint Moulin :

«  En 1916, les autorités se rendirent compte qu’elles avaient commis l’erreur de fixer les territoires et les districts sans tenir compte des limites des chefferies et elles entreprirent d’en réviser la définition pour qu’aucune chefferie ne chevauche deux territoires ou deux districts. Mais si l’Administration réunit parfois sous l’autorité d’un chef prêt à collaborer avec elle des populations qui n’avaient jamais constitué un ensemble politique auparavant, elle divisa habituellement les anciennes grandes chefferies, dont elle redoutait une résistance trop vive. En outre, les deux stratégies furent parfois appliquées successivement aux mêmes groupes […] Il resta cependant acquis que la chefferie, ou plus tard le secteur, était l’unité de base et que les territoires devaient être constitués dans le cadre de leurs limites. L’étude progressive de l’organisation des populations fut à ce titre un des moteurs de l’évolution des limites territoriales vers leur tracé au 30 juin 1960 » (de Saint Moulin 1988 : 206).

La situation de la chefferie Kasongo-Lunda préoccupa l’autorité administrative du Kwango pendant de nombreuses années. à noter qu’avant l’arrivée européenne, la circonscription administrative du kiamfu se composait des quatre groupements suivants : SwaIbanda, Mwana Huta, Swa-Ikomba et Swa-Mbangi.

Même si le titre de kiamfu (chef suprême) fut une création des Lunda chez des Yaka déjà organisés en royaume, la soummission de divers groupements opérée par la suite fit du kiamfu une autorité centrale et donna naissance à un peuple yaka unifié. Mais pour asseoir son pouvoir, l’Administration coloniale procéda à de nombreuses restructurations, mettant en place une nouvelle organisation politico-administrative. Depuis se pose la question de savoir comment maintenir l’autorité du kiamfu sur l’ensemble des Yaka dans un espace reconstruit selon d’autres logiques.

En 1940, le CDD E. Cordemans écrivait dans un rapport :

« À l’occasion de ma récente inspection en territoire des Bayaka-Sud, j’ai examiné personnellement, en compagnie de l’administrateur territorial, la situation politique et administrative de trois circonscriptions indigènes […] et voici les conclusions auxquelles j’ai abouti, après enquête approfondie :

a) Chefferie de Kasongo-Lunda (PV n°  28) reconnue par ma décision n°  28 en date du 13 janvier 1940  : pour les raisons suivantes, l’enclave Nord-Ouest de cette chefferie, enclave formée par les groupements coutumiers de Kiamfu Kinzadi, de Mwela, et de Nzofu doit être détachée de la chefferie de Kasongo-Lunda et rattachée à la circonscription de Munene, afin de constituer un secteur :

1 L’enclave en question est beaucoup trop éloignée du chef-lieu de la chefferie KasongoLunda, ce qui rend aléatoire tout contact suivi du chef avec ses administrés, non seulement en matière politique, coutumière et administrative, mais aussi en matière judiciaire ; il en résulte un flottemment certain, qui pourrait friser l’anarchie, s’il n’était remédié à cette situation ;

2 pratiquement, le kiamfu n’exerce aucun pouvoir à l’égard des feudataires de Kiamfu Kinzadi, de Mwela et de Nzofu ; sa seule prérogative coutumière à leur endroit consiste dans l’exercice du droit traditionnel d’investiture ; 3 chaque fois que le kiamfu se rend dans cette région, il y rencontre de grosses difficultés. Ce fut le cas lors des manifestations « muvungi » qui travaillèrent les populations de l’enclave ;

4 économiquement, toute cette région dépend de Popokabaka ;

5 au regard de l’Administration européenne, il est patent que l’enclave doit faire partie de la zone confiée à l’agent de Popokabaka, parce que le personnel de Kasongo-Lunda est trop éloigné pour assurer le contrôle et la surveillance efficace de cette partie du territoire. Consulté préalablement, à l’effet de savoir s’il consentait à l’imputation de sa chefferie, le kiamfu a marqué son accord à la réorganisation projetée et les chefs traditionnels de Kiamfu Kinzadi, de Mwela et de Nzofu ont, de leur côté, donné leur assentiment quant au rattachement de leurs communautés à la chefferie Munene en vue de la constitution d’un secteur.

b) Chefferie de Munene (PV n° 58) reconnue par décision n° 58 du 13 janvier 1940. Dans cette circonscription indigène, l’on constate, en ce qui concerne le groupement Mwako, une situation identique à celle qui existe dans l’enclave Nord-Ouest de la chefferie de Kasongo-Lunda bien que, pour des raisons géographiques surtout, le manque d’homogénéité y soit plus accentué. Ce groupement de Mwako est situé sur la rive droite de la Wamba alors que le restant de la chefferie de Munene borde la rive gauche de cette rivière ; il est constitué d’indigènes de diverses tribus : Bayaka, Batsamba et Basuku, qui n’ont que peu de relations avec les populations de la rive gauche de la Wamba. Ce cours d’eau, coulant dans un ravin profond bordé de grandes forêts très denses, s’érige comme une barrière naturelle et forme obstacle aux relations d’ordre économique et social entre les groupements des deux rives.

Le seul lien qui rattache Mwako aux autres communautés de Munene est celui résultant de la parenté du groupement avec le notable Fumu-Sangu de la chefferie Munene. Ici également l’autorité indigène centrale (Munene) n’a que de très vagues contacts avec les tenants coutumiers de Mwako, et l’on peut affirmer qu’elle se désintéresse pratiquement de l’administration de cette crégion. Tout milite donc en faveur du rattachement de la subdivision de Mwako à la circonscription voisine : le secteur Mawanga.

 

En résumé :

a) la chefferie de Munene, amputée du groupement Mwako devrait être supprimée ;

b) le groupement Munene et les groupements Kiamfu Kinzadi, Mwela et Nzofu (détachés de la chefferie de Kasongo-Lunda) devraient être réunis administrativement et constituer le secteur de la Yonzo, conformément aux propositions spéciales introduites à cette fin.

c) secteur de Mawanga (créé par arrêté provincial n°  123/77/AIMO du 12 avril 1940)  : les limites de ce secteur doivent être modifiées de manière à y inclure le groupement Mwela, détaché de l’ex-chefferie Munene. Des propositions spéciales sont introduites dans ce sens » (Cordemans 1940).

Toutes ces modifications de l’espace de l’ancien royaume yaka touchaient fortement à l’autorité du kiamfu qui, progressivement, finit par dépendre de la décision de l’autorité coloniale.

Pour bien cerner cette évolution, il faut retracer la généalogie des biamfu. leur dynastie naquit vraisemblablement dans la deuxième moitié du xviie siècle, datation obtenue par recoupement avec d’autres données de l’histoire lunda (Nzonzi 1977 : 44-45 ; Vansina 1965 : 146). On observe que l’arbre généalogique des biamfu et l’accession au trône de ceux-ci témoignent d’une longue histoire, riche en événements, à travers laquelle transparaît, en filigrane, la vie politique au Kwango. Plusieurs règnes furent courts. Après l’avènement de l’EIC puis de la colonie belge, les relations avec l’Administration devinrent complexes et le pouvoir du kiamfu fut progressivement détruit. Pour assurer sa domination, l’Administration coloniale plaça l’autorité du nouvel État institué au dessus de celle du kiamfu et s’attribua un rôle dans le choix – voire la gestion – du pouvoir dit « coutumier » de celui-ci.

Un document d’origine coloniale intitulé « Règnes des biamfu  » (Cordemans 1942b), que nous avons confronté à d’autres documents du dossier « Kiamfu Kasongo-Lunda » (fonds d’archives Benoît Verhaegen de la section d’Histoire du Temps présent du MRAC) nous a permis de retracer la chronologie et les traits principaux de l’histoire des biamfu. 

 

1. Mwene Putu Kasongo-Lunda Fuasanga Kibinda

On lui attribue la guerre contre Pelende. Celui-ci était venu d’Angola, porteur du nkishi d’intronisation. Pendant les années 1930 et 1940, Pelende tenait encore la sapa, calebasse, avec le pembe (kaolin) de Kola. Un jour, les femmes de Pelende et de Kibinga se disputèrent pour des sauterelles. Pelende émigra, cependant que plusieurs de ses descendants se retiraient sur la Wamba, où ils forment la sous-chefferie de Pelende.

Les émigrants franchirent la Wamba et l’Inzia, puis repassèrent l’Inzia vers l’aval et s’installèrent à Kobo, ancien territoire de Kapanga. Ils s’y installèrent après avoir défait Mwene Rafu, chef tsamba. Le kiamfu Mwene Putu Kasongo-Lunda Fuasanga Kibinda, jaloux de la puissance de Pelende, lui déclara la guerre. Il envoya d’abord son lieutenant Kasongo Ntseke en avant-garde, puis partit à son tour. Le kiamfu fut mis à mort et sa tête exposée à Kobo. Plus tard elle fut rapportée à la Yonso.

 

2. Mukelenge Mutombo Kibanda

Il fut swa ikomba de Mwene Putu. Venu de Kola avec Mwene Putu Kasongo-Lunda Fuasanga Kibinda. Cousin d’Ilunga (un Luba). Sa branche est considérée comme cadette, voire étrangère. Mukelenge Mutombo Kibanda était d’abord (établi) au Kwilu (Kianza est un de ses descendants). Il prit le couteau à la mort de Kibinda, après avoir tué Kibaka, le fils aîné de celui-ci. Sa tombe se trouve à la Yonso.

 

3. Muteba Tsimba [ou Yinda, du nom de sa mère Yinda, fille de Nganda (Mulingundu)]

Il fit la guerre à Munikongo, chef des Suku à la Nganga. La légende rapporte qu’il aurait poursuivi Munikongo jusqu’à la rivière Lumbamba, où les Suku, sur les conseils du chef Lwa Kisambo (installé près de Feshi), creusèrent des tranchées. Muteba fit chercher des fruits résineux wenga, les mit au bout de perches, les alluma et le fit jeter dans les tranchées. Le chef suku Mutanga tua Muteba d’un coup de javelot. Le successeur de Muteba, Mungunga Tsango Bao, qui prit les insignes de chef sur place, fut tué à son tour.

 

4. Kaumba

Frère de Muteba, n’a pas régné, ou très peu. Il avait été chargé d’une expédition contre les Yaka réfugiés à Tsotso, chez les Samba, rivière Lasa. Il fut défait et tué. Le chef des Samba aurait été Muyezi. La légende dit : Muteba est mort à Pindi, Kaumba est mort à Mosala.

 

5. Mutombo Kibanda

Fils de Mukelenge Mutombo, il aurait entrepris de faire la guerre aux Lunda. Le mwana huta Bwokete conduisit les troupes qui, à cause de la famine, se mutinèrent à Ngofu-Kulindji sur la Kwenge. Les autochtones disent que faute de nourriture, les hommes mangeaient leurs ceintures. à la suite de cet échec, Mutombo Kibanda tua son fils Bwokete.

 

6. Lowaula [Lwahula] Mwako

Rien de particulier. Il s’enfuit chez les Suku. Ses descendants habitent la sous-chefferie Mutangu.

 

7. Muteba Kasa

Sa mère, épouse de Mutombo, était arrivée à la cour, enceinte du Muyaka Makola. Les parents de Mutombo refusèrent de reconnaître Muteba qui dut quitter la Musumba et finit sa vie misérablement.

 

8. Liwulu

Il fut swa ikomba de Muteba Kasa. Rien à signaler sous son règne.

 

9. Lehuwa

À son avènement, les enfants de Muteba Yinda étaient encore en bas âge (Muteba Lusi et Kibaka Kinana). C’est ainsi qu’il put prendre le couteau. Lehuwa était le fils de la Nambanza Kasanji. Toute sa descendance n’a aucun droit au couteau.

10. Kasanga Naweshi

Il fut swa ikomba de Liwulu. Il est décrit comme despote, cruel et sauvage. Il tuait les enfants et ouvrait le ventre des femmes enceintes. Il avait chassé ses parents par crainte d’une révolte.

 

11. Muteba Kari (alias Kikwanga Nzala) ou Luzi

Luzi était le nom de sa mère originaire de Manzengele. Il fut swa ikomba de Kasanga Naweshi. Il s’était réfugié chez les Basombo craignant Kasanga. Il y forma un complot et marcha contre Kasanga qui fut tué. Bungulu, fils de Liulu et mwana huta de Kasanga, se réfugia chez Kaka Mateka, en Angola. Muteba le fit mettre à mort.

Muteba tua de même son frère Kibaka Kinana et Kikalala Kikombo. Il fit mettre à mort Malakata, fils de Kasanga, qui avait le couteau de Bangi. Il chassa Malemba, deuxième fils de Kasanga, qui avait le couteau de Ngunda. Le troisième fils de Kasanga, Mukulu, fut tué par la population qui l’accusa d’être un tsani (homme léopard). Le mwana huta Kiyeki, chassé, mourut en Angola.


12. Maweshi 
Maweshi Tsimba Mukumbi et Mayoyo étaient fils de Memene Kona, sœur de Yenga, père de Lukokisa. Maweshi était kiamfu à l’arrivée des premiers Blancs. C’était le plus grand des biamfu et son nom est prononcé avec respect et admiration. Il fut continuellement en guerre.

Les explorateurs Capello et Ivens arrivèrent à la cour de Maweshi en 1879. Leur journal de voyage relate : « Le kiamfu est un homme vigoureux et d’une stature moyenne. Il boit beaucoup de vin de palme. Il entretient des relations commerciales avec la côte par l’intermédiaire des Masoso qui traversent ses terres pour aller jusqu’à Mwate Kumbana et Munikongo. […] Il habite le long de la Muluia (Luie) en face d’une grande rivière qu’ils appellent Baccari (Bakali) » (Capello et Ivens 1882).

En 1880, Von Mechow, major autichien, arriva à la cour de Maweshi. […] Celui-ci (Von Mechow) raconte  : «  Nous arrivons à un gros village, situé sur une crête boisée qui longe la Ganga. Acclamé par des cris de bienvenue de deux milles indigènes, je pénétrai par des rues régulières et propres dans l’enclos du kiamfu. En face de moi, se trouvait une sorte de Hun, assis en tailleur sur une peau de lion. Il portait sur la tête son bonnet rouge, recouvert d’un autre aux couleurs bigarrées. Des tresses de cheveux grisonnants dépassaient tout autour. Le visage, avec de grands yeux noirs et de belles dents, exprimait la bienveillance, la bonté, l’énergie. Il portait un long pagne, et aux chevilles de très solides anneaux en laiton. En dehors de cela, sauf une pointe derrière l’oreille gauche, et une plume rouge de perroquet à droite, il ne portait aucun autre ornement. À ses côtés était déposée l’épée indigène usuelle, et derrière lui était placé son fusil. »

Von Mechow remit à Maweshi un revolver et des munitions en cadeau. Le 20 septembre 1880, Von Mechow quitta la cour, et descendit le Kwango jusquà Kingushi. Le 23 novembre il était de retour chez Maweshi. Le 17 décembre il le quitta définitivement, après avoir donné des cadeaux, entre autres, le drapeau allemand de son canot. Il reçut en retour de l’ivoire, six jeunes esclaves, et une des couronnes du kiamfu. En 1885 Maweshi reçut la visite du docteur Wolff, chef d’une mission allemande. Celui-ci parle du kiamfu comme d’un maigre vieillard, défiguré par des cicatrices au nez, parlant d’une voix nasillarde. Sans doute Maweshi était-il devenu malade entre 1880 et 1885. Wolff signale que le kiamfu possédait 20 têtes de gros bétail.

La même année, le 27 juillet, l’explorateur Buttner arriva chez Maweshi. Il parle du kiamfu comme d’un homme grand et maigre, d’âge mûr, qui souffrait d’un cancer du palais.

La date de la mort de Maweshi n’est pas connue. Cependant en 1890, Dhanis trouva Tsimba Mukumbi déjà établi à la Ganga.

 

13. Tsimba Mukumbi (Simba-Kumbi)

Fils de Muteba Kari et cadet de Maweshi. Il accusa son cousin Lukokisa d’avoir fait mourir Maweshi par un sortilège. Lukokisa se retira à la Lulo, où il fut rejoint par les notables Mwana Huta Kipili et Popokabaka.

Dhanis, le premier commissaire du district du Kwango, arriva à la Ganga fin octobre 1890.

Le 19 septembre1890, le poste de Kingushi avait été fondé par Musart et Hochstrass.

En novembre 1890, Verschelders fonda le poste de Popokabaka.

Le 27 février 1891, l’agent Hochstrass mourut à Kingushi.

Le 19 mai 1891, mourut au poste de Mwene Dinga le sous-lieutenant Célestin Crouquet.

En novembre 1891 Dhanis fut nommé commissaire de district de Lusambo et remit le district à Dusart. Il décrit le kiamfu dans son journal, au mois d’août 1891 : « Le Kiamvo [kiamfu] ne donne la main à personne. Un jour que j’étais allé le voir intimement, j’ai offert la main. Il n’a pas répondu à mon avance. Il [kiamfu] a dit : kinzira. Peut-être était-ce pour m’éprouver. Peut-être en réalité cela lui (était) défendu ».

En 1892, Tsimba Mukumbi menaça de déclarer la guerre.

On retient la date du 23 avril 1892 comme celle qui ouvrit la guerre au colonisateur, une guerre appelée Nzingu Kalwengo par les Yaka, c’est-à-dire la guerre de Kalwengo, provoquée (d’après la tradition orale) par le fait que Kalwengo, un homme blanc, avait commis l’adultère avec une des femmes du kiamfu. Pourtant, le 20 août 1891, Dhanis avait relaté, dans son journal, la mise en garde du kiamfu à ce sujet : « Prenez mes filles, elles sont assez nombreuses, mais laissez mes femmes. » Kalwengo s’était déjà fait une mauvaise réputation parmi la population autochtone. I1 était surnommé Meenga ba-Yaka (celui qui déteste les Yaka), parce qu’il procédait à des emprisonnements de villageois de façon arbitraire. Selon les récits populaires,

Kalwengo s’était méconduit avec une des coépouses du kiamfu. Cette violation du droit coutumier constituait un casus belli et devait aboutir à l’exécution du ou des coupables, la peine prévue pour ce genre de délit étant la décapitation ou la strangulation, et souvent même la mutilation des membres. Lorsque l’épouse adultère mit au monde son enfant illégitime, le kiamfu Tsimba Mukumbi s’emporta et s’exclama dans un accès de colère : « Je ne veux par d’un ndundu, d’un albinos ! » Il fit tuer le nouveau-né et mobilisa tous les villages situés autour de Kasongo-Lunda et les vassaux des contrées adjacentes  : Kingeta, Mwela Bwandu et Muni Ngunda contre les forces occupantes.

Voici comment se déroula cette guerre, d’après le récit de Cordemans (1942b) : En 1892, à la garnison de Kasongo-Lunda, quatre officiers et septante soldats étaient bloqués. Tous les messagers et porteurs avaient été massacrés. Les hommes de la garnison qui se hasardaient hors des retranchements furent tués.

Le 28 avril 1892, apprenant que Popokabaka était bloqué à son tour, les officiers décidèrent d’organiser une sortie. Pendant 12 heures, 4 officiers belges et 60 soldats luttèrent contre 1500 adversaires et tirèrent 18 000 cartouches.

Le 29 avril 1892, la garnison se dirigea vers Popokabaka et arriva le 9 mars après un combat, la veille, dans la forêt de Kiloanda. Cependant le poste de Popokabaka fut bloqué jusqu’à l’arrivée de renforts en août 1892. Puis Tsimba Mukumbi offrit la paix au nouveau commissaire de district Lehrman. On construisit une nouvelle station près de KasongoLunda. En novembre 1892, Lehrman, surnommé Komanda Mabilu, qui avait été nommé commissaire de district, quitta Popokabaka pour Kasongo-Lunda, avec la commission de délimitation des frontières. Elle était composée du pasteur Grenfell, de Govin et de Fromont. Grenfell appartenait à la Baptist Missionary Society (BMS). II avait déjà atteint les rapides de Kingushi sur le Bas-Kwango en 1886. Le roi Léopold II lui avait confié la mission de délimiter les frontières luso-congolaises, étant donné ses grandes connaissances géographiques. Ayant quitté Popokabaka le 7 novembre 1892, il atteignit Kasongo-Lunda le 16 du même mois. Il offrit au grand chef des étoffes, des couvertures, des colliers et des jouets. Le kiamfu, à son tour, lui confia Luvusu, un jeune garçon, et Nsumba, une fillette, afin qu’ils soient formés chez les Blancs. Le pasteur décrit la région de Popokabaka comme « a very hungry country », une région où règne la faim.

En 1893, Tsimba se révolta de nouveau. Dans la nuit du 24 au 15 décembre, le lieutenant Beirlaer attaqua les troupes du kiamfu. Tsimba Mukumbi dut battre en retraite et se réfugia chez le Kalamba Kiamfu Kinzadi. Il y fut poursuivi. Pendant les combats, un agent de l’état, du nom indigène de Kalwengo, fut tué dans la plaine de Kasanga par Kalumbu, fils aîné de Nawesi. Du côté du kiamfu, la mort de Kalwengo fut interprétée comme une réelle victoire. Voici comment la tradition orale relate les péripéties de cette lutte qui sonna le glas de l’indépendance du kiamfu.

« Khaaka fwaama wa Tsiimba N-kuumbi weele ku Kalweengo. Kalweengo siidi khaaka fwaama vumu. Butidi nduundu. Tsiimba N-kuumbi nde  : “Ob  ! kinzola kwaama ko mwaana tuluundul” Mwaana biisi n’yanika hana bitsaku. Baphudisi balutidi. Bamweene mwaana Kalweengo. Kalweengo nde  : .Mween “mene ban’ysniks  ?” I yisina kya nziingu. Banwaana-banwaana-banwaana. Kaluunda ye Kiheta ; Mweela Bwaandu ye Muni Nguunda : baakulu bakhookana ku Kasaanga mu kunwaana. Bahakidi mabulu. Tsiimba N-kuumbi nde : “Nge Kaluumbu leeka ku Pese.” Kalweengo tuukidi ku Kasaanga. Kaluumbu sikidi Kalweengo ha mbuundzuye ha thulu. Kuhoonda-kuhoonda-kuhoonda baphumbulu. Baphumbuluboola batiinini ku Popo. Bee zaayisa maana kwa Leta. Biisidi. Leta watoma hoonda. Beengi-beengi bafwa. » Traduction : « La troisième femme de Tsimba N-kuumbi avait ses entrées chez Kalwengo. Kalwengo la rendit enceinte. Elle mit au monde un albinos. Tsimba N-kumbi riposta : “Alors ! Moi je ne veux pas d’un enfant métis.” L’on exposa l’enfant sur un séchoir en plein air. Les policiers (soldats) de l’État virent l’enfant de Kalwengo. Celui-ci s’exclama : “Comment, on expose mon enfant (pour le faire périr) ?”. Voila l’origine de la lutte.


On se battait, on se battait sans trève ; les villages de Kasongo-Lunda et ceux de Kingeta ; les villages de Mweela Bwandu et ceux de Muni Nguunda. Tous se rassemblèrent à Kasaanga pour guerroyer. On creusa des fosses, Tsiimba N-kuumbi donna l’ordre : “Toi, Kaluumbu, prends position à la Pasa”. Kalweengo venait de Kasaanga. Kaluumbu le tua. Il le toucha au front et en pleine poitrine. On fit également un massacre parmi les troupes de l’État. Deux militaires s’enfuirent à Popokabaka pour rapporter tous ces événements au poste de l’État. La garnison de Popo vint à la rescousse. Le Blanc se mit à massacrer à son tour. Le nombre des victimes était très élevé » (Inf. de Kasongo-Lunda).

Tsimba Mukumbi fut tué la nuit du 24 au 25 novembre 1893, au moment où il tentait de fuir vers l’Angola ou lors d’un combat en 1897 (selon Cordemans : 1942b). Son frère Mwango Mayoyo fut trahi et livré par Lukokisa. Il fut pendu à Kasongo-Lunda et son cadavre fut jeté dans le Kwango sans avoir de sépulture.

Les témoignages oraux télescopent les débuts de la guerre (1892) et la reprise des hostilités (1893) en un seul et même récit. D’après celui-ci, Tsimba Mukumbi et son entourage cherchèrent refuge dans les forêts de la Wamba, à KhakaBatu. Mais des chefs qui lui étaient apparentés, dont kiamfu Kinzadi, Madiadia et Manzanza le lui déconseillèrent. Les biamfu de la Nganga et de l’Imona préférèrent se faire transporter à la Mfufu et Yonzo. Tsimba Mukumbi construisit son village près du confluent de ces deux rivières où il fut bientôt dépisté par ses adversaires, les Luwa de la faction rivale. Ceux-ci étaient commandés par Kapenda Kamulemba, installé à la Kugo en Angola ; des troupes de l’État s’adjoignirent à sa suite. Ils s’emparèrent de la première épouse du kiamfu, Kaka Mwadi, et la contraignirent, sous menace de mort, à dévoiler l’endroit où se trouvait son mari. Ils encerclèrent l’habitat de Tsimba Mukumbi et le tuèrent à coups de fusil dans sa propre maison. Ils lui coupèrent la tête et la main droite à hauteur du poignet, comme c’était la « coutume de le faire avec des chefs vaincus et tués ».

La tradition raconte qu’une grande termitière s’est formée au-dessus de l’endroit où avait été coupée la tête du kiamfu Tsimba Mukumbi et où son sang avait été répandu. Tsimba Mukumbi fut enterré en toute hâte par les siens, privé des fastes coutumiers qu’exige le deuil du chef suprême. Situation à laquelle fait allusion sa devise posthume citée plus haut : « Tsimba N-kuumbi, n-tu ukoonda ifufu. » Plus tard, sa dépouille mortelle fut déposée au cimetière traditionnel des biamfu à Kasanga.

La mort humiliante de Tsimba Mukumbi laissa un souvenir amer chez un grand nombre de chefs kwangolais appartenant à son lignage. De nombreux villages qui avaient pris une part active à cette guerre « contre les Blancs » se dispersèrent et certains habitants des environs de kiamfu Kinzadi cherchèrent un refuge sur les terres de Ndinga, le long de la rivière Kwango. D’ailleurs Kiamfu Kinzadi et Ndinga avaient une origine lointaine commune, tous deux disaient descendre de Mutombo Lenge-Lenge.

Le traumatisme causé par la mort du kiamfu resta présent dans l’imaginaire collectif des Luwa et des Yaka qui ne cessèrent de réciter ce qui suit :

N’ndela simu

Que le Blanc reste sur la rive opposée Nganga simu Que le devin reste sur la rive toute proche Kadyati ko ku tuna beeto ! Que le Blanc ne mette pas le pied là où nous sommes !

La défaite brisa profondément la résistance ouverte du kiamfu et de ses hommes : « Luleendo lutolokele (Sa force altière était cassée). » Aussi, signèrentils la paix avec l’État du Congo.

Un vassal du kiamfu, Mwari Zita Kabama, de la rive gauche de la rivière Kwango, décrit ainsi le récit de l’acceptation de la pax belgica :

«  Ndweeni vita ye n’tuleedi Kalweengo, ye n’ndeedi Mbeewu, ye n’ndeedi Zungu-Zungu. Nkudidi dyaaka ba-Ndaamba bakala ku ndaambu Beengo. Bamindele nde : Tutolula buts bwan-ziingu. Mu kutolula buta bwa n-ziingu, mono pheeni mata makumatatu ma mbooba ye mutu mosi. Zina dyaandi : Mese N-loombi. Bamindele baheeni mata mataanu ma katusa. Bambuta batolwele mooko ye maalu ma mutu yuuna ye batolwele dyaaka mata maana maakulu. Bahakidi wulu dymbuta yebenziikidi maawu kumosi ye mutu wuuna. Hanima tutsumikini mazaandu maya : Mpangala, Nkeengi N-kulo, Kyatsona ye Kyabu Koonzo.

Traduction : « Je me suis battu contre le Blanc Kalwengo, contre le Blanc Mbaawu et contre le Blanc Zungu-Zungu. J’ai également expulsé les gens de Ndaamba, dans la région de la Beengo (vers Kimvula). Les Blancs disaient : “Cassons le fusil de guerre.” Je leur ai donné trente fusils à piston et un esclave appelé Masa N’lombi. Les Blancs à leur tour me donnèrent cinq fusils à cartouches. Nos hommes brisèrent les bras et les jambes de l’esclave et ils brisèrent en même temps tous les fusils. Ils creusèrent une fosse profonde et y enterrèrent l’esclave (vivant) avec les fusils. Plus tard nous avons établi quatre marchés dans notre région : Mpangala, Nkengi Nkulo, Kyatsona et Kyabu Konzo. »

 

14. Lukokisa

Le chef Lukokisa qui avait aidé l’Administration dans cette guerre succéda à Tsimba Mukumbi. Le couteau cheffal lui fut remit en 1894. L’agent colonial Alderweireldt écrivait dans son rapport : « Ensuite vient l’imposteur Lukokisa qui, à force de cadeaux et de flateries, est nommé kiamfu […]. Il est fils de Mukenene qui était ministre de Kikomba, lemba […] du véritable kiamfu. C’est somme toute le vassal qui devient seigneur, et c’est de là que proviennent tous les bouleversements » (Alderweireldt, 1919).

Dès lors s’installa la haine entre les branches Naweshi et Lukokisa. Après la répression de la révolte, les principaux notables de la famille régnante s’enfuirent en Angola, sauf Bangi, qui quitta la Twana et se réfugia dans les forêts de la Wamba où il créa un centre de résistance contre Lukokisa, de concert avec Munene et Saka.

De 1894 à 1902, il fut en guerre contre Mulombo pour la succession au pouvoir. Lukokisa était sous-chef de Kindamba et descendant de la branche cadette. Comme plusieurs prétendants de la branche aînée étaient encore en vie, il n’avait pas droit au couteau et est dès lors considéré comme usurpateur. Il a été imposé par l’État, parce que la branche aînée avait fait la guerre.

À l’avénement de Lukokisa, Bolemba, Kalumbu et tous ses frères, ainsi que Pogoso émigrèrent en Angola. Sous son règne furent créés par le commissaire de district Lehrman, les postes de Pangalele, des chutes François-Joseph, Mwene Kundi et Mayala.

 

15. Mulombo Kangala (1902-1904)

Mulombo Kangala était mwana huta de Lukokisa. Il tua le chef Panzi, en territoire du KasongoLunda.

En 1902, Shauw fut nommé commisaire de district du Kwango. À peine établi, Mulombo Kangala manifesta une hostilité ouverte à l’encontre des Blancs. Il ne voulut jamais reconnaître l’État. Il donnait toujours la main gauche aux Européens, tandis que sa droite restait appuyée sur la poignée de son couteau cheffal. Ses allures indépendantes et cruelles, de même que sa velléité de résistance au pouvoir de l’occupant, ne tardèrent pas à lui causer de sérieux ennuis.

Mulombo Kangala se réfugia en Angola en 1903. Son parent Kalumbu y avait été nommé kiamfu des Yaka occidentaux par les autorités portugaises, et le mwana huta Kipiti était devenu le mulopo de Kalumbu. Mais Mulombo ne pouvait oublier son titre et ses droits. En

Angola, Mulombo eut des difficultés avec les Zombo, ce qui l’obligea à repasser de nouveau sur la rive droite du Kwango. Il installa son village dans une région semi-désertique et peu peuplée, à Swa-Ibula, entre l’embouchure de la Zukuku et le poste de Tsingi-Tsingi. Mulombo s’était enfui avec les insignes des biamfu et resta toujours considéré par la population comme étant le véritable kiamfu. Il installa toute une « cour » et son village fut appelé musumba (résidence du grand chef). Le retour de Mulombo était redouté par l’autorité européenne qui craignait des troubles dans la région. La rumeur courrait que Mulombo viendrait bientôt prendre le titre de kiamfu que le CDD du Kwango avait confié à Kodipwanga.

« Toutes les populations du sud de l’ancien territoire sont en effervescence. MM Cheval R. des Impôts, Drisse chef de secteur CCC et le gérant de Yenga ont permis et même instigué le grand chef Mulombo à revenir sur le territoire de l’État. Ce Mulombo prétend être le vrai kiamfu des Bayaka c’est-à-dire de Kasongo-Lunda et a un assez grand nombre de partisans. […] Il est fort regrettable de devoir constater que des agents absolument incompétents viennent s’immiscer dans ces afffaires d’une telle gravité. Non seulement ils compromettent les intérêts d’une société mais ils ne s’occupent même pas de savoir si on sera en mesure de parer aux troubles que la chose pourrait provoquer » (Rapport mensuel du mois d’octobre 1907, non signé).

Mulombo fut repéré et arrêté sous l’inculpation de préméditation de meurtre. Il donna le titre de kibula à son fils Kambamba, qui resta sur place lorsque Mulombo fut arrêté et expédié par baleinière à Banningville (Bandundu) où il fut condamné à la détention à perpétuité. Mulombo mourut en prison (d’une grippe) fin octobre 1913. Son corps fut enterré à Bandundu même. Avant son enterrement, les siens prélevèrent les poils de sa barbe comme charmes protecteurs et les envoyèrent à sa proche parenté restée au Moyen-Kwango. Le règne effectif de Mulombo n’avait duré que deux ans. Chez beaucoup de Kwangolais, il a laissé le souvenir d’un homme redoutable, à cause des exactions multiples perpétrées au préjudice des villageois. Son autorité était d’ailleurs contestée par bon nombre de ses vassaux. Ceux-ci affirmaient leur indépendance en s’appuyant sur la présence d’un pouvoir étranger qui coiffait celle du kiamfu, et qui avait à son avantage la supériorité de l’organisation et des armes. Le commissaire Duvivier remit le trône à Kodipwanga Mwana Koko en 1904.

 

16. Kodipwanga Mwana Koko (ou Koko Lubanda) (1904-1915)

Il était le fils de Lukokisa et de mwana huta Molembo. Après l’essai malheureux fait avec Mulombo, le commissaire de district Duvivier remit à nouveau le couteau à la famille Lukokisa.

Kodipwanga ne put se maintenir qu’avec l’appui de l’État, et en 1915, quand cet appui vint à lui manquer, il dut s’enfuir. Sa fuite avait été causée par les menées politiques du swa ikomba habitant près de Gete et issu de la branche Naweshi. De même Mulombo, l’ancien kiamfu, menaçait Kodipwanga du kasa.

En mai 1915, le kiamfu avait été sommé de fournir 30 travailleurs pour la CCC à Kasongo-Lunda et 20 porteurs pour l’Administration. Il ne parvint pas à les rassembler. La nuit, le messager Bulu, un Naweshi, vint le prévenir qu’il serait arrêté le matin. Affolé, il rassembla quelques esclaves fidèles et s’embarqua dans une pirogue. Il parvint à l’embouchure de la Cuhu. La population ne voulut pas l’accueillir à cause du voisinage de Mulombo. Il se réfugia alors à proximité de Damba, habité par un de ses frères, Manene Zaw. Il y demeura caché jusqu’en 1918.

En 1913, Shambumba, grand chef Batshok, infligea une défaite sérieuse aux troupes portugaises d’Angola. Ils (  ?) refoulèrent les Lunda, commandés par le chef Kumbana et s’établirent du côté de la Lushiku jusqu’au confluent de cette rivière avec la Loange. Ensuite Shambumba occupa le bassin du Kwilu habité par les Basonde de Kianza. Ceux-ci furent refoulés au nord de la rivière Zanzu. Par la suite Shambumba perdit de son autorité et son fils Kashinakashi et son frère Kambolo devinrent chefs de terre.

De Kodipwanga, la légende dit : « Tout ce qu’il a laissé, c’est la trace de ses pieds dans la montagne. » (Pour se moquer de sa fuite.) On montre près de Kasongo-Lunda une pierre avec les traces des pieds de Kodipwanga.

17. Mulumumbishi alias Bangi

1915-1916

1917-1918

Fils de Muteba Kari et cadet de Tsimba Mukumbi. Comme chez les biamfu de la branche aînée, Bangi se refusa à reconnaître l’autorité européenne. Déjà en 1914, il cherchait à se rendre indépendant de Kodipwanga, mais il fut contrecarré par son mulopo qui était dévoué à Kodipwanga et cherchait à avoir le chapeau de Bangi. D’où incendies et pillages réciproques, meurtre d’un indigène à Mulopo. Fin 1914, accusé de nombreux crimes, Bangi se réfugia à Yungululu sur la Wamba.

Après la fuite de Kodipwanga, il fut rappelé à la Ganga par le commissaire de district adjoint Parker qui lui donna le couteau de kiamfu. Bangi resta quelques mois en fonction. Il s’enfuit en 1916 et revint en 1917. Cependant ses démêlés avec l’État, et notamment avec le parquet, continuèrent. En 1918, le substitut Schroeder vint faire une enquête à Kasongo-Lunda. Bangi se réfugia définitivement à la Wamba et renvoya à l’Administration le kazekele et la médaille de chef. Il resta tout puissant dans la région de la Wamba, Twana et Fumu Tsuku. Il se présenta une dernière fois à l’administrateur territorial à Swa Kila en 1923 et mourut à la Wamba (Yungululu) en 1929.

De 1918 à 1922, on assista à une compétition entre Swa Kabeya, désigné comme successeur par Bangi, et Kodipwanga, le candidat de l’État. Bangi était toujours kiamfu reconnu par les Yaka, mais pas par l’État. Kodipwanga fit une courte apparition à la Ganga en 1918 mais ne put se maintenir.

 

18. Swa Kabeya

1922 à 1925

Fils de Naweshi.

Il avait été chassé d’Angola en 1917. En 1922, Ronsmans, le chef de poste de Kasongo-Lunda, remit le couteau à Swa Kabeya. Il ne reçut pas le kazekele qui était déposé au bureau de l’État à KasongoLunda. Swa Kabeya régnait plutôt comme sous-chef de Kasongo-Lunda, non comme kiamfu. Lors de la fuite de Bangi en 1915, il fut désigné comme successeur par celui-ci. Il ne resta que quelques mois à la Ganga, du fait du retour de Bangi. Swa Kabeya fut alors désigné comme mwana huta, mais il vendit ses droits à Pogoso afin d’aller briguer la succession, en Angola, du kiamfu Kalumbu, mort en 1916. Il eut des difficultés avec les Portugais, fut emprisonné et parvint à s’enfuir. Il résida longtemps au village de son frère Swa Kilomba, près de Gete.

19. Bunza Kombo Bivwila

Fils de Maweshi, devint kiamfu Lewula sous le nom de Swa Bangi (1925 à 1929). Il ne reçut pas non plus le kazekele. Il n’était que chef de chefferie. Il fut démis en 1929 et mourut en 1930.

 

20. Kodipwanga 1929 -

Il avait été une première fois au pouvoir de 1904 à 1915. En 1929, le commissaire de district adjoint Requier chercha à rétablir la dignité de kiamfu et remit le kazekele et la médaille de grand chef à Kodipwanga. Celui-ci n’eut aucune autorité et vécut misérablement dans un petit village près de Kasongo-Lunda.

Au début des années 1930, l’autorité coloniale avait entamé de grandes réformes administratives. Le pouvoir faible du kiamfu Kodipwanga (pourtant un allié de l’autorité coloniale) inquiéta l’Administration qui chercha des solutions. L’agent territorial terminait ainsi son rapport sur les « règnes des biamfu » :

«  Comme dit à plusieurs reprises, le couteau doit revenir à la branche aînée qui avait été frustrée de ses droits après la mort de Tsimba Mukumbi. Comme l’État a cependant rappelé à trois reprises Kodipwanga, le kiamfu actuel, issu de la branche cadette, il serait inopportun de changer actuellement. Cependant, après le décès de Kodipwanga, qui est âgé de 70 ans environ, ou bien dans le cas ou celui-ci devrait être révoqué pour incapacité, il faudra revenir à la branche aînée et coutumière.

Mukumbi, fils de Buya et mwana uta actuel, est le successeur coutumier. Il est intelligent et paraît dévoué. Kalumbu, le kiamfu actuel de l’Angola, fils de Naweshi, est cependant plus ancien. Il est venu réclamer le couteau. Cependant, d’après ce que j’ai appris au poste portugais de Cuango, les Autorités de l’Angola verraient d’un mauvais œil le départ de leur kiamfu. Il y aurait fatalement un exode d’indigènes de l’Angola chez nous. La succession de Kalumbu ne pourra donc pas être envisagée » (Cordemans 1942b).

Kodipwanga décéda en 1935.

 

21. Kambamba

30 août 1935-1939.

Il est le fils de Mulombo dont il reçut le titre de kibula. Il était énergique et ambitieux. Lorsqu’il devint chef de Swa-Kibula après l’arrestation de son père Mulombo, il parvint à se faire reconnaître comme chef pratiquement indépendant du kiamfu de Kasongo-Lunda, à cause surtout du fait qu’il habitait un territoire différent. Après la réorganisation territoriale et la « reconstitution du royaume yaka », l’Administration fit dépendre de Swa-Kibula tous les villages sud qui avaient fait cause commune avec Mulombo et, plus tard, les trois petites sous-chefferies non coutumières (cf. infra).

 

22. Mukulu Désiré

Frère de Kambamba, à qui il succéda au titre de kibula. Il devint kiamfu le 1er janvier 1939 jusqu’à sa destitution et son emprisonnement en 1944 (cf. infra).

L’affaiblissement du pouvoir du kiamfu fut progressif. Cela semblait tout à la fois arranger et inquiéter l’autorité coloniale. Jugeant l’espace mal occupé, le nouveau pouvoir étranger eut tendance à s’installer par la force, mais il le fit de manière progressive. Car cet espace était vaste, les habitudes des populations locales ne paraissaient pas facilement compatibles avec les nouvelles règles de gestion et, surtout, ces populations ne semblaient pas vouloir obéir aux agents européens, d’ailleurs en nombre trop réduit. La seule présence de soldats et/ou des postes créés ne suffisait pas. Aussi l’Administration coloniale eut-elle besoin de voir perdurer, mais sous son contrôle, le pouvoir coutumier organisé du kiamfu, et de ne le diluer que progressivement.

 

1.3. Les États de Mai-Munene et de Mwata Kumbana

En marge de l’État yaka, deux autres expériences d’organisation politique sur le modèle lunda sont à signaler dans les régions de l’Ouest. Il s’agit de l’État de Mai-Munene et de celui de Mwata Kumbana.  

Mai-Munene fonda un État dans la région de l’embouchure de la «  Cikapa  ». Cette formation politique se considérait comme étant en relation de filiation avec l’État des Ruund, la tradition présentant son fondateur comme le frère cadet de Cibind Irung. Les sujets de Mai-Munene étaient des Kete auxquels s’ajoutèrent des Pende qui émigraient du sud vers le nord, chassés par des Imbangana. Le nom du conquérant finit par devenir un titre politique porté par tous les successeurs puisqu’ils s’identifiaient à lui.

Un autre État, d’une envergure modeste, comme le précédent, vit le jour dans le pays compris entre les rivières Loango et Lutshiko. Le fondateur, Mukelenge Mutombo, qui prit le nom de Mwata Kumbana, fut lié ensuite à la cour du mwant yav, puisque la tradition le présente comme le cousin de Cibind Irung ou encore le neveu de Kinguri. Ce royaume sera également envahi par les Pende venant du sud (Vansina 1965 : 72 ; Sikitele G. : 249-250 et 282-283). La culture lunda s’infiltra de la sorte dans toute cette région, transformant les structures sociales et introduisant une nouvelle hiérarchie politique. On suppose que ce fut surtout une diffusion culturelle qui n’entraîna pas forcément un déplacement important de population.

 

1.4. L’empire suku

 

Au Kwango, la formation de l’État suku découle d’une succession d’événements. Bien que les ressortissants du royaume kongo aient été les premiers à occuper le Kwango, ceux-ci ne se préoccupèrent pas, dans un premier temps, d’y installer un État. C’est le rapport conflictuel avec le kiamfu qui éveilla les clans suku à s’y employer. L’empire lunda dans sa structure et son organisation est donc de loin antérieur à celui de Munikongo. Il faut, de plus, reconnaître que l’empire suku s’est inspiré de la formation lunda. F. Lamal remarque que le kazekele (anneau) est un attribut du pouvoir luwa dont le Munikongo s’est emparé (Lamal 1965  : 113-114). Les coutumes qui consistent à employer les restes d’un ennemi abattu au cours d’une guerre (tel fut le cas du kiamfu Muteba et de sa première femme) et leur distribution aux grands vassaux de Munikongo ont renforcé très sensiblement le pouvoir de ce dernier, diront d’autres.

Pour V. Kayila (1998 : 37), « La date de la bataille de Zumbu dia Mvumvu n’est pas connue. M. Plancquaert l’estime vers le milieu du xviiie siècle. Lamal suppose la mort du kiambvu Muteeba vers la fin du xviiie siècle. Hubert van Roy opte plutôt pour une date intermédiaire qu’il situe aux environs de l’année 1780. Ngudi A Nkama, sœur de Munikongo, l’ayant suivi dans l’exode, a atteint la région de Tungila, chez les Holo, à la fin du xviiie siècle. […] Il est probable que le kiambvu Muteba Yiinda fut tué peu avant la fin du xviiie siècle ». Ce serait vers la fin du xviie  siècle, début xixe siècle que fut constitué l’empire suku. Kayila poursuit :

« Depuis Tona di Lukeni, les Munikongo sont très conscients de leur responsabilité de garant du bien être et de la paix sociale du peuple suku. […] Ils effectuent des tournées dans tout le pays suku non seulement en vue de récolter les milaambu, tributs, mais aussi de régler des litiges claniques sur la préséance des chefs au cours de l’exode, sur l’occupation des sols et des cours d’eau et en vue de conférer le peemba, kaolin ancestral symbole de bénédiction et de fertilité […] En fait, la constitution de l’empire suku au Kwango fut occasionnée par l’attitude des conquérants luwa qui contraignit Munikongo à un second exode, à la guerre de Zumbu dia Mvumvu et à la victoire.

Depuis la première migration de ce dernier du pays de Musuku jusqu’à la rive droite de la rivière Kwango, que M. Plancquaert situe en 1627, ni Munikongo ni encore moins les autres clans suku n’avaient cherché à mettre sur pied une organisation étatique du genre kongo. Ils vivaient au sein des clans en communautés pacifiques, identiques et indépendantes […] Meni Kongo avait déjà évité les Imbangana et la domination de la reine de Ngola Anne Ndzinga. À la Nganga, […] le nouveau chef luwa venu dans le pays veut soumettre tous les habitants. Parmi tous les chefs des clans suku de même importance, égaux et indépendants, Meni Kongo oppose un refus net et irréductible. Il se met en tête de qui veut le suivre.

Dans leur refus à celui qu’ils qualifient d’envahisseur commun, les clans Buka Ipangu, Mwela et autres se rallient à lui pour un nouvel exode et le combat. […] Meni Kongo appuyé par ces clans, les Mbala, Ngongo et Piindi, remportera la dernière bataille sur le kiambvu Muteeba Yiinda. Fort de cet exploit et de tous les encouragements de ses alliés, Meni Kongo Tona di Lukeni, loin d’être un conquérant ou un envahisseur, s’évertua alors à organiser un véritable État suku. Son courage et sa victoire lui confèrent un prestige que les clans amis et égaux de la Nganga lui reconnaissent. Il partage les butins de la guerre et “les restes” du kiambvu Muteeba Yiinda. Malgré le fait que les pouvoirs de Buka et de Mwela soient autonomes, la victoire les rapproche et ils acceptent de recevoir le peemba de Meni Kongo qu’ils mélangent avec le leur. Cette acceptation est une marque de dépendance. Meni Kongo devient le mbuta, l’aîné ou le chef. Mais ils ne sont pas obligés de payer les tributs à celui-ci sauf par respect. Outre ces familles, Meni Kongo, le vainqueur de la bataille ultime de Zumbu dia Mvumvu, est reconnu et accepté par tous les Basuku comme le protecteur qui les a délivrés de la soumission au kiambvu. Ils le reconnaissent en qualité de leur chef suprême à qui est dévolu le devoir de les organiser et de les défendre en cas d’une attaque ou d’autres invasions. Tous les clans s’effaceront en faveur de ce dernier et pour l’intérêt commun. Du reste, à cette époque, cette organisation s’imposait afin de faire face à toute éventualité. Malgré cette victoire, une peur hantait le peuple suku qui se demandait si un autre kiambvu ne viendrait pas venger Muteba.

En fait, Meni Kongo s’est imposé par sa bravoure et sa détermination comme protecteur et pacificateur. Il avait rendu la liberté, le courage et la confiance au peuple suku qui se sentait le besoin d’une protection collective assurée par un seul leader, un chef autour duquel tout le monde se reconnaissait et se regroupait pour constituer une force. Le mérite de Meni Kongo fut cette dignité rendue à son peuple avec lequel il fuyait. Il partagera le pays et édifiera l’empire suku » (Kayila 1998 : 33-36).

Munikongo est un dignitaire comme Buka et Mwela et tant d’autres. Chacun régnait sur un noyau bien déterminé composé de sa famille et d’autres autochtones sans structure d’un État ou d’un royaume organisé à la manière du royaume kongo. Tous les auteurs ne le disent pas explicitement, mais cette réalité se définit à travers leurs diverses narrations. Munikongo ne s’imposa pas à la Nganga comme chef suprême des Suku. Cet effacement n’enlève rien à sa descendance royale du clan du roi de Kongo dia Ngunga. Plusieurs sources en attestent (Van Roy 1988 : 146).

À partir de l’estimation de la période de la guerre de Zumbu dia Mvumvu déclenchée par le kiamfu Muteba Yinda qui pourchassait le peuple suku, on peut déduire que l’exode de ce peuple eut lieu entre 1740 et 1760. Munikongo Tona di Lukeni dirigeait personnellement les clans suku qui s’étaient ralliés à lui, particulièrement Buka, Mwela ainsi que les Tsamba, Mbala, Ngongo et Hungana venus à la rescousse des Suku. Il n’existait pas deux royaumes au Kwango avant la guerre de Zumbu dia Mvumvu et la mort de Muteba Yinda. Le seul empire connu à cette époque était celui des biamfu instauré par Mwene Putu Kasongo à partir de 1683. L’empire suku dont l’initiateur, le fondateur et le consolidateur fut Munikongo Tona di Lukeni ne débuta seulement qu’au Pindi. Il n’y a pas de paradoxe du fait que Munikongo Tona di Lukeni commença son règne à la Nganga. Là, il ne régnait que sur son clan, vu l’autonomie susdite des clans. À partir de la formation et de l’extension de l’empire suku, la généalogie des Munikongo qui régnèrent au Pindi est connue des Suku. Les Munikongo sont devenus rois de tous les Suku. Tous les Munikongo de Pindi à partir du fondateur du royaume sont connus par ordre de succession, de même que l’histoire qui a entouré leur règne.

Le retard des Suku dans l’organisation de leur empire amène à croire que si les Luwa n’avaient pas harcelé et mis en demeure les clans suku de la Nganga, jusqu’à les contraindre à l’exode, Munikongo Tona di Lukeni n’aurait pas fondé l’empire suku. En d’autres termes, s’il avait perdu la bataille décisive de Zumbu dia Mvumvu, il aurait également perdu la confiance suku. Donc, grâce à sa détermination et à la victoire sur le kiamfu Muteba, les clans suku et les Suku en général ont reconnu Munikongo Tona di Lukeni comme le symbole du courage et de l’insoumission du peuple suku. En raison de ses mérites personnels, il est devenu le chef suprême de tous les Suku. Ces quelques exemples permettent d’illustrer comment se constituèrent les différents royaume ayant existé au Kwango. Malgré leurs différences, il est à remarquer qu’ils puisent tous leur origine soit dans le royaume kongo, soit dans l’empire lunda. Notons, en outre, que ce furent essentiellement des querelles internes qui provoquèrent des scissions au sein des populations.

 

 

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But1 Source : Monographie de Kwango 

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Date de dernière mise à jour : samedi, 26 octobre 2019

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