Différences en cytokines/chimiokines entre hommes et femmes
Les chercheurs ont analysé les taux de 71 cytokines et chimiokines dans le plasma des participants. Les cytokines sont produites par les cellules immunitaires alors que les chimiokines sont sécrétées par les tissus inflammatoires pour attirer ces mêmes cellules. Le taux de base des cytokines et chimiokines inflammatoires était chez les patients, comme l’on pouvait s’y attendre, plus élevé que dans le groupe témoin.
L’étude révèle que les hommes produisent plus d’interleukine-8 (IL-8) et d’interleukine-18 (IL-18). La production accrue de ces deux interleukines est corrélée avec un taux plus important de globules blancs appelés « monocytes non classiques », jouant un rôle dans la réponse inflammatoire. Par ailleurs, des taux de chimiokine CCL5 sont significativement plus élevés chez les hommes que chez les femmes au cours de l’évolution de la maladie.
Réponse immunitaire cellulaire plus robuste chez les femmes
À l’inverse, les femmes développent une réponse immunitaire cellulaire plus robuste, qui se maintient à un âge avancé. En comparaison avec ce que l’on observe chez les hommes, les patientes produisent dès le début des lymphocytes T activés en plus grand nombre mais également plus matures. Les immunologistes parlent de cellules T terminalement différenciées. De même, par rapport à ce que l’on observe chez des sujets sains témoins, on observe chez les femmes un nombre significativement plus élevé de lymphocytes T CD8+ (cellules tueuses, dites cytotoxiques), mais pas chez les hommes.
L’étude montre par ailleurs qu’une réponse lymphocytaire T de faible ampleur est associée à une aggravation ultérieure de la maladie Covid-19. De plus, la réponse cellulaire T chez les hommes est significativement et négativement corrélée avec l’âge, ce que l’on n’observe pas chez les femmes.
Chez les patientes, l’aggravation de la maladie est corrélée avec un taux élevé en cytokines de l’immunité innée (première ligne de défense de l’organisme vis-à-vis des agents infectieux pathogènes), contrairement à ce que l’on observe chez les hommes. Les chercheurs indiquent ainsi avoir trouvé chez les femmes des taux plus élevés en cytokines de l’immunité innée (TNFSF10 et IL-15), positivement corrélés avec la progression de la maladie Covid-19.
Chez les hommes, une aggravation de la maladie est clairement associée à un âge plus avancé, un indice de masse corporelle (IMC) élevé et une faible activation des lymphocytes T CD8. En particulier, une faible activation des lymphocytes T CD8 et une faible production d’interféron-gamma par ces mêmes cellules étaient significativement corrélées avec l’âge des patients, mais pas chez les patientes.
Impact potentiel sur le plan thérapeutique
« Ces données indiquent des différences clés, dès le début [baseline], dans les capacités immunitaires des hommes et des femmes observées durant la phase précoce de l’infection à SARS-CoV-2 et suggèrent que les mécanismes distincts de l’aggravation de la maladie selon le sexe ont potentiellement une base immunologique », déclarent les auteurs de l’article. Et d’ajouter que les résultats de cette étude devraient inciter à tenir compte du sexe en termes de pronostic et de traitement des personnes atteintes de Covid-19. Selon les chercheurs, ces travaux devraient également pousser à mieux comprendre les différences de l’évolution clinique de la Covid-19 entre hommes et femmes. Reste que l’on ignore toujours l’origine de ces différences intrinsèques en matière de réponse immunitaire selon le sexe.
Enfin, « globalement, ces données montrent que des traitements et vaccins capables de renforcer la réponse immunitaire cellulaire T vis-à-vis du SARS-CoV-2 pourraient être bénéfiques chez les hommes, alors que chez les femmes il serait nécessaire de diminuer l’activation de l’immunité innée », concluent les auteurs.
Marc Gozlan