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Sorcellerie : Que dit la Constitution de la RD Congo ?

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Partant des faits vécus sur terrain et des témoignages, la sorcellerie constitue une réalité qui se vit en République démocratique du Congo, tant dans les villages qu'en villes. Elle soulève une problématique qui suscite, différents questionnements, interprétations, réponses et pratiques qui souvent échappent à certaines rationalités. Et les sujets désignés sorciers font l'objet de plusieurs représentations sociales souvent négatives. Au lieu de conclure à l'irrationalité, la sorcellerie est une forme de langage qui tient à expliquer certains événements incompréhensibles dans le contexte culturel congolais normal ou atypique. Autant elle permet de construire des références à des manifestations et à des événements extraordinaires, mystérieux et inexplicables, autant elle suscite une croyance structurée et partagée par une population face au malheur, à la maladie ou à la mort.

Baudouin WIKHA TSHIBINDA Professeur Associé Faculté de Droit Université de Lubumbashi
 

 

La législation congolaise sur la sorcellerie

 

 

Le 18/12/2019

 

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I Introduction

 

   Cette réflexion porte sur la position de la législation congolaise en matière de sorcellerie , le regard sur ce phénomène social non négligeable nous amène à nous y pencher en mettant en face de nous cette réalité que vit aujourd’hui notre communauté, un fait social connu et régit par le droit coutumier cependant ignoré par le droit écrit, la sorcellerie, la magie, le fétiche et divination sont des réalités que nous vivons dans notre société congolaise.

   Il s’agit ici d’ une explication des faits sociaux que nous vivons face au droit pour attirer non seulement l’attention du législateur congolais mais aussi permettre aux victimes de ce phénomène de comprendre que l’Afrique en général et la République Démocratique du Congo en particulier connait encore la survivance de la coutume. La démarche est de donner un sens à ce phénomène, l’ interpréter et le comprendre, ces faits sont vrais connus de la société et même du législateur mais ce dernier ne cherche pas à y réfléchir pour voir dans quelle mesure on peut y trouver une solution.

   Lorsque nous portons le regard sur notre milieu nous remarquons par exemple :Monsieur X pour avoir sorti avec une femme de Monsieur Y ,celui-ci se décide de voir Monsieur Z qui a le « Kapopo » qui ne rien d’autre qu’un mauvais sort qui consiste à amener quelqu’un à la mort, soit à une maladie incurable ,chaque fois que la victime est amenée à l’hôpital très souvent, on demande à la personne de se faire soigner traditionnellement. Aujourd’hui on trouve des tradi-praticiens dans des hôpitaux au coté de la médecine moderne .

   Nous pouvons multiplier les exemples pour juste énumérer certains faits que nous connaissons mais la liste est longue ainsi nous pouvons citer : le phénomène de la foudre, le « Kapopo ».1, le « tenta ».2, le « Londola ».3, le « bizaba ».4, le « Majende ».5, le sacrifice d’un proche pour s’enrichir, l’envoûtement, la destruction de récoltes et de pèche, la ruine, la stérilité, …etc.

 

1 Kapopo : phénomène connu dans le Haut Katanga qui consiste à jeter un mauvais sort à quelqu’un.

2 Tenta : est une forme d’un piège magique qu’on tend à celui qui est responsable d’un comportement jugé indésirable.

3 Londola :est une pratique qu’on trouve chez les Bemba du Katanga qui consiste en un mode de désignation , d’identification de L’auteur d’une mort par sorcellerie.

4  Bizaba : est une pratique fétichiste qui consiste à faire subir des rites au cours d’une cérémonie et qui rend la personne invulnérable au bal et autre objet tranchant, cette pratique est connue au Katanga précisément chez les luba du Katanga.

5 Majende : une petite magie qui utilise le cambriolaire du marché pour soustraire de l’argent magiquement, pratique connue dans les centres urbains de la RDC

 

faut signaler aussi que le colonisateur a été buté au même problème et a pensé résoudre cette question en prenant des mesures de manière à trancher ce phénomène, nous pouvons affirmer qu’à l’époque de la colonisation ,il y avait un avancé significatif dans la résolution des problèmes lié à la sorcellerie . Ceci s’explique par la présence des juridictions indigènes à coté des juridictions modernes qui étaient appelées à trancher les litiges liés à la sorcellerie .

   Ce sont donc les fonctionnaires français et belges qui rendaient la justice sans chercher à adapter leurs décisions aux coutumes et à la mentalité des gens qu’ils avaient à juger…, avec le temps, il eut une ingérence de plus en plus marquée des droits pénaux coloniaux dans les affaires qui, en principe, auraient dû relever du droit traditionnel. En 1940, la Belgique institua une stricte légalité des peines et des infractions pour toute la population et, en 1946, la France généralisa l’application du code pénal français à tous les habitants de ses colonies d’Afrique .

Des dispositions spéciales réprimaient la magie et le charlatanisme, l’achat et la vente d’ossement humain, le cannibalisme, les ordalies, l’escroquerie à la dot etc.6

   La législation actuelle passe sous silence le problème de la sorcellerie qui pourtant existe et connu , l’ article 78 du code pénal parle de l’ accusation de la Sorcellerie qui constitue une infraction si les éléments suivants sont réunis :

- Une personne est accusée sans fondement ;

- Cette accusation est basée uniquement sur des croyances superstitieuses ;

- Cette accusation a poussé certaines personnes à commettre une infraction contre l’accusé.

 

Notre problématique gravite autour des questions suivantes :

Qu’en est-il de la poursuite de la sorcellerie dans les milieux ruraux par les tribunaux coutumiers ?

Quels sont les motifs pour une accusation de sorcellerie ?

Quelles sont les preuves en cas d’accusation de la sorcellerie ?

 

   Comme pour toute réflexion scientifique , notre hypothèse de travail s’énonce comme suit : La République Démocratique du Congo consacre un dualisme dans son système , on voit par là, la coexistence des juridictions coutumières à coté des juridictions du droit écrit ,certes la primauté est accordée au droit écrit mais les conflits en matière de la sorcellerie sont encore très fréquents dans nos milieux ruraux et même urbain, dans les milieux coutumiers, ses problèmes sont résolus par le droit coutumier et la paix sociale est rétabli par l’autorité coutumière .

   La difficulté se pose lorsque le conflit persiste et atteint le droit écrit, on voit apparaître la primauté du droit écrit qui ignore totalement la sorcellerie et qui poursuit la victime de la sorcellerie sous prétexte que le droit écrit ne reconnait pas la sorcellerie d’où la nécessité de réglementer cette matière , notre souci est d’amener le législateur a crée une section ou une chambre qui peut connaitre tous les litiges en matière de la sorcellerie. Un autre fait vrai est la reconnaissance des guérisseurs, des voyants qui opèrent généralement dans les litiges en rapport avec la sorcellerie.

   Pierre de QUIRINI dans son ouvrage « Petit dictionnaire des infractions » dit que la loi n’interdit pas de croire à la magie, aux « ndoki ».7 Elle interdit d’accuser une personne de sorcellerie, de « kindoki ».8 Ces accusations peuvent inciter à commettre des infractions graves.

   Il donne un exemple : Un féticheur désigne le coupable d’un malheur survenu au village . Les villageois blessent cette personne. Le féticheur est complice de l’infraction commise par les villageois.

   Un autre aspect important c’est le dualisme du droit congolais, à l’arrivé du colonisateur, la société congolaise était régie par le droit coutumier, celui-ci y amena un autre système , le droit écrit qui régissait les populations occidentales, cette situation a persisté jusqu’à l’unification du droit congolais qui se voit intégrer dans son système judiciaire les tribunaux coutumiers qui au moins tranche divers problèmes liés à la sorcellerie.

   Yves Brillon dans son ouvrage « Ethno criminologie de l’Afrique noire » parle des droits coutumiers qui n’ont pas lâché prise c’est qu’ils relèvent des concepts qui diffèrent dans leur acception, de ceux du droit dans les sociétés industrialisées… Présentement, on impose une justice pénale moderne dans des contextes sociaux qui sont incapables de la recevoir parce que les structures sociétales archaïques, de par leur architecture, sont obligées, si elles intègrent le nouveau droit , de se modifier elles mêmes, voire de s’autodétruire. On comprend donc que ,dans les Etats africains, l’implantation de droits nationaux uniformes impliquent une déculturation, c'est-à-dire une déstructuration des sociétés primitives. Tant que cette déstructuration ne sera pas achevée pour, ensuite ,donner lieu à une restructuration différente, les institutions juridiques ancestrales subsisteront.10

   Yves Brillon dans le même ouvrage dit que chez beaucoup de peuples africains, on ne croit pas à la mort naturelle. La mort d’une personne affaiblit le groupe démographiquement. Le vide ainsi créé bouleverse profondément les relations interindividuelles à l’intérieur du lignage en même temps que les liens inter-claniques. Schwaetz (1971) admet que chez les guéré, à part la mort d’enfants en bas d’âge, les vieillards ou les personnes atteintes des maladies incurables ou dont on connait une causalité naturelle (comme c’est le cas pour la lèpre et le syphilis ) tout décès est considéré comme suspect.1Le même auteur poursuit que lorsqu’une personne meurt, il faut donc en chercher les causes, le défunt peut être à l’origine de son propre malheur par la violation d’une règle ou d’ un interdit comme il peut être la victime d’un maléfice dû à la sorcellerie les questions que se posent les familiers du défunt ne sont pas celles qui nous viennent à l’esprit quand un tel événement supprime un de nos proches : de quelle maladie est-il mort ? Quelle imprudence a-t-il commise pour être victime d’un accident ? Cherchant la source du mal, les gens se demandent d’abord, pour reprendre les questions de Davidson (1969), quel mal a-t-il fait ? Avec qui s’est-il disputé ? Qui était jaloux de lui ? Bref, qui l’a tué ?

   Le Professeur Zola de l’Université Protestante du Congo, en fait la rétrospective en se basant sur la bible. Selon ce théologien, la sorcellerie a existé depuis l’Antiquité. L’Ancien Testament présente des comparaisons entre les enfants de Dieu issus d’Israël et les autres ,qui s’illustraient par des pratiques de sorcellerie et de magie en Egypte et dans le pays de Canaan, où se pratiquaient la magie, les incantations, l’ interrogation des esprits, l’invocation des morts.

   Dans le Nouveau Testament, poursuit-il est montré comment les forces du mal, les esprits Impurs envahissent le possédé. Sans porter accusation, note le Prof. Zola, Jésus Christ, par la simple parole, avait ordonné à un esprit impur de sortir d’un homme. Ce dernier s’est totalement rétabli. En plus de la position du Prof. Zola, on peut relever également dans les écrits littéraires du Moyen Age plusieurs pratiques sorcières telles que les philtres d’amour, la métamorphose et le cannibalisme. À ce titre, la sorcellerie se manifeste comme un phénomène mental, social et pathologique qui a existé sous diverses formes, selon les sociétés et les époques.

   Le Professeur Bayona Ba Meya, dans une de ses publications sur « le droit face au phénomène de la sorcellerie »,quand il rapporte ce qui suit : » la sorcellerie est une préoccupation vraiment sociale, car il ne se passe un mois sans qu’ on ne signale soit la chute d’un sorcier dont l’ avion aurait connu une panne sèche, soit le contrat tragique dans les écoles de l’initiation des petits enfants à la sorcellerie, par la consommation d’ un morceau de ,pain ou d’ arachides , qui ,dans la bouche se transforme en morceau de viande humaine », cet ancien professeur à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa, témoigne ainsi : » un ami qui m’est attaché(…) vit un drame dans sa famille . Son fils, âgé de 9 ans, a été initié à la sorcellerie à la suite de la consommation d’arachide lui données par un vieux passant. En les consommant ce garçon a réalisé qu’il mâchait plutôt de la viande humaine. La nuit, le vieux est revenu lui dire : » désormais, tu es initié à la sorcellerie, car tu as consommé de la viande humaine « . Et ce garçon sortait la nuit avec un corps autre que le sien , pour accompagner ce vieux, son initiateur, au cimetière de Kinshasa. Là, on lui a demandé de livrer son père. Devant le refus du petit, il a été sauvagement battu et abandonnée en plein cimetière. Il ne pouvait regagner la maison paternelle qu’en se transformant en petit léopard grâce à une statuette que lui avait remise son initiateur. Ce garçon, initié à la sorcellerie, est parvenu à rendre son père, qui est avocat, tellement pauvre qu’il devait emprunter de l’argent chez les amis pour pouvoir vivre parce que ses clients, qui lui devaient des honoraires, refusaient de payer, et que les confrères de cet avocat avaient quitté le cabinet. Cet enfant a été amené dans une assemblée de prière ou l’onction spirituelle est « très puissante ». Il fut délivré et dira à son père : » Papa, c’est fini, maintenant «. Et depuis lors son père a senti autour de lui comme un desserrement d’étau.12

   Le professeur Bayona croit donc à l’existence de la puissance sorcière et à sa capacité de nuire . Cette position rencontre la préoccupation de la plus part de congolais qui vit cette réalité sociologique, position sur laquelle même les juristes n’émettent pas sur une même longueur d’ondes. Avant de comprendre le phénomène qui fait l’objet de notre réflexion, il vaut mieux à travers certaines définitions, comprendre quelle manière attendons-nous la sorcellerie que nous vivons dans notre communauté.

   Cette étude a été menée dans deux chefferies (collectivités) KAPONDA et CHINDAIKA, situées dans le district du Haut Katanga et aussi dans la vie de Lubumbashi, province du Katanga en RD Congo.

 

 

6 Brillon Y., ethno criminologie de l’Afrique noire, P.U.M, Montréal, 1980, p58

7 Ndoki : signifie sorcier en Lingala, langue parlée à l’Equateur et Kinshasa en RDC.

8 Kindoki : signifie la sorcellerie en Lingala.

9 QUIRINI Pierre de, petit dictionnaire des infractions, CEPAS, Kinshasa, 1991, p18.

10 Yves Brillon Op.cit,

11 Idem, p83

12 BAYONA BA MEYA, enfants et société, dans MAGASINE (septembre-décembre 2000) p12-13.

 

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II. DÉFINITION DE LA SORCELLERIE

 

   La sorcellerie est la magie qui recourt essentiellement à des procédés secrets illicites ou effrayants( sort, sortilèges, envoûtement, messes noires, pactes avec Satan).

   Pour KAPINGA DIBENDELE, la sorcellerie est un avoir du patrimoine culturel de la famille. Ensorceler signifie typiquement jeter un mauvais sort à quelqu’un. L’auteur souligne que la sorcellerie est une réalité, elle existe parce qu’elle est soudaine liée à la condition de l’existence humaine.13

   Selon Gilbert MALEMBA M. N’SAKILA, la sorcellerie est un mode occulte, ou mieux extra ordinaire des connaissances qui permet de manipuler les éléments cosmiques à partir de leur nature intime dans un but socialement destructif.

  Pour lui, la sorcellerie est un pouvoir ou une force psychique qui découlant des connaissances occultes appropriées, permet à celui qui en est détenteur d’user à volonté des éléments de la nature .14

   Jeanne FAVRET-SAADA en analysant le phénomène de la sorcellerie dans une localité de Bocage, en France, il a étudié la mort, la stérilité, les maladies des bêtes et des gens d’après lui étaient marquées par l’opposition entre le malheur ordinaire et son extraordinaire répétition .15 L’attaque à la sorcellerie met en forme le malheur qui se répète et qui atteint au hasard les personnes et les biens d’ un ménage ensorcelé coup à coup, une génisse qui meurt, l’épouse qui fait une fausse couche, l’enfant qui se couvre des boutons, la voiture qui va au fossé, etc. Le couple s’angoisse : « Qu’est-ce qui va encore arriver ?».

   Le même auteur poursuit que le médecin et le vétérinaire lui répondent en déniant l’existence d’une série : les maladies, les morts, les pannes ne s’expliquent pas avec les mêmes raisons, ne se soignent pas avec les mêmes remèdes, dépositaires d’ un savoir sur le corps, ils prétendent éliminer séparément les causes du malheur : Désinfectez donc l’étable, vaccinez vos vaches, adressez votre femme à un gynécologue, donnez un lait moins gras à votre enfant, buvez moins d’ alcool, etc. Rien ne dit de la sorcellerie qui ne soit étroitement commandé par l’énonciation.

 

13 KABINGA DIBENDELE, cours de sociologie et anthropologie, C.U.M, G1 -2001. Inédit.

14 MALEMBA M. N’SAKILA, la queue du chiot, édition CELTRAM, Lubumbashi, p38.

15 FAVRET-SAADA Jeanne, les mots, la mort, les sorts, édition G ALLIMARD France 1997, p20.

 

   En analysant les différentes définitions des auteurs que nous venons de présenter , la sorcellerie apparaît comme un pouvoir mystique que certaines personnes initiés possèdent et savent manipuler pour soit nuire aux autres. Elle existe presque dans chaque culture, il s’agit d’un fait social qui est vécu d’un peuple à un autre, d’un pays à un autre, d’une culture à une autre.

 

A. FAIT SOCIAL

   Il s’agit d’un fait social que nous vivons dans notre environnement qui mérite d’être présenté, observé et étudié pour une solution dans notre communauté, comme des événements que nous vivons le jour au jour.

   Parlant de l’événement, Claude de JONCKHEERE dit que l’événement permet d’éviter les pièges du substantialisme opposant esprit et matière et faisant bifurquer la nature. Ainsi l’esprit est constitué d’événements mentaux et la matière d’événements physiques. La société est, de même, une infinité d’événements sociaux. Les événements ne sont pas analysables en termes d’attributs d’une chose ou d’un sujet, mais en termes de relations entre les choses et de relations entre ces choses et un sujet.

   Mais s’intéresser aux événements pose un nouveau problèmes qui est celui du langage dont nous disposons pour en rendre compte .pour décrire ou interpréter ,un événement en évitant de faire bifurquer la nature, nous ne disposons pas de certitudes axiomatiques desquelles nous pourrions partir . La seule procédure possible est de partir d’expressions verbales usuelles, même si elles sont mal définies et ambiguës. Ce ne sont pas des prémisses , ce sont des tentatives d’énonciation de principes généraux qui trouveront leur illustration dans des descriptions ultérieures de faits d’expériences. C’est à partir de cette élaboration ultérieure que devraient se déterminer les significations qui peuvent être assignées aux mots et aux phrases que l’on a utilisés .Malgré cela, le langage ne peut pas être autre qu’elliptique exigeant un saut de l’imagination pour comprendre sa signification dans ses rapports avec l’expérience immédiate.

   Quand on parle du concept sorcellerie à notre époque , cela renvoi à la folie , aux villageois, aux délirants, aux arriérés, aux dépourvus d’un bagage scientifique, aux croyances, etc. Pourtant ce sont des faits que nous vivons même dans nos grands centres urbains, mais personne ne prends le courage de le dénoncer en vue de protéger la population contre ce phénomène social au lieu d’y passer sous silence comme si ces faits là n’existent pas dans notre société. Prenons le phénomène « LONDOLA », connu par la plupart de lushois qui consiste en ce que lorsque une mort extraordinaire arrive, les membres de la famille du défunt consultent le devin, non seulement pour connaître la cause mais d’identifier aussi l’auteur qui a provoqué cette mort, ainsi le devin par des rituels ,quand le corps du défunt est mis dans le cercueil, après certaines cérémonies les gens qui transportent le cercueil vont se laisser conduire par le défunt jusque chez celui qui l’a tué, ainsi le sorcier est donc connu. Le « Londola » constitue un mode de désignation, d’identification ou encore de détection de l’auteur d’acte de sorcellerie.

   Nous avons aussi le phénomène « KAPOPO », connu aussi dans la partie sud du Katanga ,qui consiste à causer la mort par le fait de jeter à quelqu’un un mauvais sort, la personne atteinte par le « KAPOPO » développe une maladie moins connue de la médecine moderne, le mode de traitement est généralement le recours aux guérisseurs traditionnels, si non c’est la mort qui s’en suit, il apparaît ici comme un moyen de se rendre justice, de règlement de compte, de vengeance par des procédés occultes.

   Le Tenta, il s’agit de fétiche qu’ ont certaines personnes qui consiste à tendre un piège magique à toute personne qui peut avoir un problème, une dette, qui sort avec une femme d’ autrui ,qui a volé quelque chose appartenant à autrui etc., la victime peut chercher à se rendre justice, à se venger ou encore à régler les comptes à la personne présumée auteur en s’adressant à un féticheur, le mode de transmission de tenta, c’est généralement par la jambe, quelqu’un peut heurter quelque chose et automatiquement, les effets magiques pénètre le corps.

   Il y a aussi le « Majende », la petite magie que les petits cambriola ires utilisent pour rançonner les passants, aussi souvent chez les femmes vendeuses du marché, c’est ainsi qu’ une femme avertie lorsque elle fait ses achats au marché et, quand on lui remet une différence , elle ne peut pas mettre cet argent sur une somme d’argent qu’elle a sur lui, de peur qu’elle ne perde tout l’argent qu’elle a . Un autre fait connu , c’est le « Bizaba » qui consiste a consulté un féticheur ,qui va vous faire subir rite au cours d’une cérémonie ,qui fera que même si on tire sur vous une balle vous ne pouvez pas être atteint, que se soit un couteau, une lance ,etc. face à une personne trempée dans les bizaba quelque soit le coup le sang ne peut pas couler ,ces fétiches sont utilisés souvent par le « mai-mai », c’est un moyen d’Invulnérabilité aux balles.

   Il y a le phénomène de la foudre qui est très connu dans nos milieux qui est souvent de nature mystique ,mais dans certains milieu des intellectuels cette thèse n’ est pas admise mais plutôt la nature électrique provenant d’ un phénomène physique, qui crée la foudre, mais ce qui est connu même des intellectuels c’est lorsqu’il pleut et qu’il y a une foudre, toute personne s’ interroge s’il n’ a pas commis un mal quelconque, en 1976 à Kolwezi il avait vécu un phénomène des « Onze personnes tuées par la foudre de TSHIPOY », en fait Monsieur TSHIPOY avait une foudre d'origine de la sorcellerie ,qui était pour lui comme un fonds commerce, toute personne qui pouvait connaitre un vol , soit qui pouvait soupçonner sa femme avec une personne pouvait voir Monsieur TSHIPOY pour en finir avec la personne moyennant le paiement d’ une somme d’argent.

   Un autre fait, c’est dans le village lorsqu’une personne se promène la nuit et croise un masque d’un sorcier, la personne peut avoir vu ce masque, ou non mais le mauvais sort attaque déjà la personne ,le jour suivant c’est une forte fièvre qui l’attaque, il faut consulter le devin pour être soigné traditionnellement et généralement lorsqu’on amène la personne chez le médecin, il n’arrive pas à découvrir la maladie.

   Nous avons certains autres faits très connus à travers la ville, c’est les gens qui dorment dans des cimetières à la recherche de l’argent, les gens qui sacrifient leurs membres de familles pour de raison de promotion dans leur milieu professionnel.

Après l’analyse de différents faits qui ont pour origine la sorcellerie ,ceci nous amène à croire que la sorcellerie est un phénomène social qui existe , qui mérite une attention particulière de la part des anthropologues, des sociologues et les juristes pour résoudre les différents litiges que nous vivons dans nos milieux en rapport avec la sorcellerie.

 

B. LA SORCELLERIE ET LES NOTIONS CONNEXES

 

La sorcellerie renvoi à d’ autres concepts qui lui sont connexes, ces concepts se rapportant à la sorcellerie sont : la magie, le fétichisme et la divination.

   La magie est une pratique par laquelle certaines personnes ont la puissance de produire les effets surnaturelles par l’ intervention des esprits et surtout des démons . Le fétichisme par contre est l’attachement morbide et exclusif à certaines catégories d’objets auxquels on attribue un sens. Par exemple le cas de sortilèges offensifs pour jeter un mauvais sort sur la personne déterminée ou sur un bien, ou encore tout simplement des sortilèges offensifs auxquels on donne un sens pour causer la mort d’une personne . Notons que grâce au fétichisme la sorcellerie peut se matérialiser et échapper à la notion de magie.

   Le devin et le voyant sont les détecteurs du mal causé par sorcier, il en indique généralement l’origine, les causes et peut fournir les indications pour guérir la personne qui est ensorcelée. Le fétiche signifie tout simplement produit pharmaceutique ou médicinal lorsqu’il s’agit d’un traitement traditionnel ,il devient sortilèges ou magique lorsque par un symbolisme intentionnellement déterminé, on le considère comme porteur de malédiction ou porteur de bonheur. Ceci réside dans la nature mystique.

   Le ministère de la culture et arts reconnaît officiellement les devins en leur octroyant un statut légal, cette autorisation permet à ses devins d’exercer leur métier, ces devins sont regroupés au sein d’une organisation « Union Nationale des Guérisseurs Traditionnels » . Parmi eux , on distingue :

-Des guérisseurs herboristes ou phytothérapeutes qui guérissent par les plantes ;

-Des guérisseurs spirituels qui sont en relation avec les esprits et guérissent par leur intermédiaire ;

-Des guérisseurs voyants qui ont une vision de loin ;

-Des guérisseurs sorciers à qui, est attribué le pouvoir de la puissance ascendante des ancêtres.

   Du point de vue de leur administration, les guérisseurs traditionnels sont sous la dépendance du Ministère de la culture et des arts en collaboration avec le Ministère de la Santé Publique. Parmi eux il y a ceux font preuve d’un savoir faire c.à.d. qui ont une longue expérience, qui ont une grande réputation dans leur domaine,qui ont réussi plusieurs tests ,ils sont régulièrements consultés et considérés comme experts par les tribunaux coutumiers qui les sollicitent pour l’administration de la preuve lors d’un litige d’accusation de la sorcellerie.

   Nous pouvons aussi noter que le travail des guérisseurs traditionnels est exercé sur l’ensemble du territoire national par des gens qui ont rempli les conditions vis-à-vis du ministère de tutelle. Ainsi, ils se trouvent dans les villes, districts, territoires, chefferies, secteurs et cités; c’est la loi n° 04/015 du 16 Juillet 2004 telle que modifiée et complétée par la loi 05 / 008 du 31 Mars 2005 fixant la nomenclature des actes générateurs des recettes administratives judiciaires et domaniales et de participation ainsi que leur modalité de perception, en annexe A, l’arrêté inter ministériel n° 25 / CAB/ MIN/MCA /13/2005 et 064 CAB/MIN/FINANCES/2005 du 28 juin 2005 portant fixation des taux de droit , taxes et redevances à percevoir à l’initiative du ministère de la culture et des arts, en son article 16 alinéa 1 fixant l’autorisation d’exercer la profession de guérisseur.

 

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III LA LÉGISLATION CONGOLAISE SUR LA SORCELLERIE

   La législation congolaise passe sous silence le problème de la sorcellerie, mais reconnaît la sorcellerie, elle n’interdit pas à toute personne de croire à la sorcellerie, condamne le fait d’accuser une personne de sorcière ,par le fait que cette accusation peut amener les victimes de la sorcellerie à commettre des infractions qui portent atteintes à l’intégrité physique d’une personne accusée.

   Il convient de relever le caractère dualiste de la législation congolaise, au nom du principe de l’unicité des juridictions, il y a la coexistence des juridictions coutumières au coté des juridictions du droit écrit. La place de choix est accordée à la loi selon la conception occidentale par rapport à la coutume et en cas de conflit entre la coutume et la loi, c’est la loi qui l’emporte, nous avons là une question de conflit que nous estimons analyser pour résoudre la question de la sorcellerie.

   La constitution congolaise ne parle des coutumes comme source de normativité ou de légalité qu’en ses articles 153 alinéa 4 et de façon incidente, à l’article 207 consacré à l’autorité coutumière. Ce manquement est sans aucun doute l’un des défauts majeurs de la nouvelle constitution que les critiques n’ont cependant pas relevé. Il n’est en effet pas normal que, dans un pays qui connaît un système juridique hybride associant le droit écrit ou le droit moderne d’expression écrite au droit coutumier d’expression orale, la constitution ne traite pas spécifiquement des conditions de la reconnaissance de la normativité coutumière.16

 

A. LE DROIT COUTUMIER FACE A L’ACCUSATION DE LA SORCELLERIE

Avant la colonisation, c’est la coutume qui déterminait les infractions et les peines, les tribunaux coutumiers disposaient de leurs propres peines :la mise à mort, les corporelles, les peines infamantes, l’ostracisme les peines patrimoniales, etc.

Avec la pénétration (occupation) européenne qui avait fait son entrée fracassante et envahissante , à telle enseigne que l’ application du droit coutumier ne dépendait plus que la bonne volonté d’ officier du ministère public qui pouvait abandonner le justiciable à la juridiction du droit coutumier Le droit coutumier n’a pas perdu sa place dans l’organisation de la justice congolaise, ce droit existe et continue à régir les rapports sociaux dans les milieux ruraux congolais et même dans le milieu urbain périphérique populaire ou se concentre des groupes ethniques homogènes qui préfèrent résoudre leurs problèmes en faisant appel au droit coutumier. Le droit pénal coutumier se manifeste également comme le dit SOHIER, à travers un droit magico religieux, droit sacré et mystique, droit du « faste » et du « néfaste » où se règlent des choses et des affaires que les hommes ne peuvent trancher et punir que par et avec l’ intervention des mânes des ancêtres, des esprits et des dieux, ou opérant « sorcier » et « féticheur » induisant des flux maléfiques, néfastes ou fastes dans la force vitale des coupables ou victimes.   

   Le professeur KAMPETENGA, parlant du droit coutumier dit que le droit coutumier se manifeste à travers des actions « judiciaires » mues dans le cadre des procédures privées ou des procédures judiciaires. celles-ci mettent en branle’ des juridictions coutumières agissant selon des procédures privées ou publiques spécifiques poursuivant des infractions diverses et appliquant des peines particulières suivant des règles de participation criminelle singulière.

   Il poursuit en définissant le droit coutumier comme un corps des règles juridiques implantées dans une collectivité sous forme d’usage ou pratique sociale obligatoire portée par les coutumes.

   Ces règles juridiques s’imposent à tous les membres du groupes ou de la collectivité pour harmoniser leur vie commune, assurer l’ordre social, procèdent d’un certain nombre d’actes conformes les ayant rendues au cours du temps constantes, uniformes et obligatoires.

   Placer sous la sanction de la contrainte publique ou de l’autorité compétente, en l’espèce ici le « mos majorum » mœurs des ancêtres ) à travers leurs garants connus tel que le patriarche, le conseil de famille, la parentèle ,le conseil de clan , le notable de la tribu, le chef du clan ou de tribu. Ces règles donnent à chaque membre de la collectivité le droit d’ en exiger observation par tous en s’adressant à ladite autorité. Parlant de la sanction, la peine, le verdict en droit coutumier ,le droit coutumier comme le droit écrit respecte les règles liées à la procédure, les procès tiennent compte des conclusions ou résultats des experts, dans le cas d’espèce lorsqu’un procès se tient le tribunal recours à un expert en l’occurrence le devin qui a déjà fait preuve d’ une longue expérience, lorsque on en trouve pas dans le milieu ,on peut même recourir à un autre milieu, c.à.d., à un autre chef coutumier qui peut en avoir dans sa collectivité, avant de commencer, il passe à un test organiser par la cour lorsqu’il réussit, c’est alors qu’il peut éclairer la cour ou le tribunal sur une question liée à la sorcellerie.

 

B. DES TRIBUNAUX DANS DES MILIEUX RURAUX

   La base de l’existence des juridictions coutumières et l’article 163 de l’ordonnance loi n° 82/020 du 31 Mars 1982 portant code d’organisation et de compétence judiciaire qui stipule « Les tribunaux de police et juridictions coutumières sont maintenus jusqu’à l’installation des tribunaux de paix »17

Les juridictions coutumières fonctionnent et tranchent les litiges qui opposent les différentes personnes qui vivent dans des chefferies, dans les collectivités, secteurs ou encore dans le groupement, dans toutes circonscriptions on y trouve une autorité coutumière qui réglemente la vie en société.

Il faut noter que l’appartenance à une chefferie ou collectivité prouve le rattachement de chaque individu par rapport à son sol, sa terre et ces ancêtres, parce que tout déplacement vers une autre terre suscite toujours des interrogations, de savoir quels sont les mobiles qui ont poussé la personne à abandonner sa terre pour une autre circonscription d’où tout déplacement est toujours suspecté. Contrairement au mouvement de déplacement vers la ville, ou les jeunes et adultes y vont pour des raisons d’études, des misères du village, la recherche de l’emploi ou encore les modernismes qui emportent les villageois, certains réussissent à s’intégrer et d’autres n’arrivent pas.

La RD Congo n’a pas encore une infrastructure qui permet d’installer les tribunaux de paix dans tous les territoires, les juridictions coutumières continuent à trancher les litiges dans les milieux coutumiers les gens observent et acceptent la sentence coutumière qui crée l’harmonie entre les personnes et surtout en matière de la sorcellerie.

17 Article 163 du code d’organisation et de compétence judiciaire

 

 

C. POURSUITE DE LA SORCELLERIE. 

   Très souvent l’autorité coutumière est saisie d’une contestation soit des membres de famille qui accusent un frère de sorcier, soit une tierce personne qui peut recourir à une sorcellerie pour nuire à telle ou telle personne qui n’est pas de sa famille.

   La sorcellerie se vit dans toutes les sociétés comme il a été démontré tout au long de cet exposé ; certaines personnes sont jugées de part leurs comportements comme étant des sorciers, c’est le cas d’une personne qui cherche toujours à vivre seul, qui n’aime pas les gens, les enfants, qui a un caractère compliqué etc. le village peut traiter cette personne de sorcier.

   L’autre hypothèse, c’est effectivement une personne qui pratique la sorcellerie au sein de la communauté en occasionnant la mort ou jetant les mauvais sorts aux autres, soit provoquant des maladies au sein de sa communauté, cet état des choses créent la panique, la désolation, la peur, le découragement, la vengeance, la rébellion au sein du groupe.

   L’investigation menée à la chefferie de KAPONDA et SHINDAIKA a démontré que les gens croyant à la sorcellerie et y attachent une grande importance et l’implication de l’autorité coutumière résous beaucoup des problèmes, les gens arrivent à la réconciliation.

   Deux cas ont retenu notre attention, le premier est celui d’un notable du chef INAKILUBA, qui est un chef de groupement de la chefferie de KAPONDA, le sieur était un grand sorcier et a su par les méthodes magiques dominé le chef INAKILUBA, qui ne savait rien dire devant ce notable qui faisait tout pratiquement à la place du chef étant lui-même de la famille du chef , la famille a commencé à enregistrer des morts, des mauvais sorts, des envoûtements etc. Certains membres se sont décidés d’aller chez les devins clandestinement, qui leurs confirmeront qu’effectivement s’était ce notable, ils jugeront que l’un de ces devins le sort de ces malheurs, en pleine cérémonie, le devin sera surpris, tous les fétiches anéantis, et se déclarera incapable, devant cette menace permanente, ils jugeront de saisir le chef de collectivité.

   Après la réunion avec ses notables ils jugeront de leur donner l’autorisation d’aller consulter trois devins, différemment, tous trois confirmeront que le sieur était effectivement un grand sorcier, au retour ils amèneront le résultat au chef de collectivité qui avait constitué la cour, le sieur a reconnu, puis acceptera de payer l’amende et rembourser de toutes les dépenses à titre de dommage ; après les sages conseils du chef, la vie à pu continuer.

   Le deuxième cas jugé à la chefferie toujours de KAPONDA était d’un habitant de cette contrée qui faisait les champs mais va décider de chercher la sorcellerie pour le rendement des ses champs, malheureusement cette sorcellerie va se détourner sur les membres de la famille qui vont enregistrer les morts, la famille va le pointer et l’affaire portée auprès du chef KAPONDA. Le chef réunira la cour pour statuer sur le litige pendant ce temps comme la personne était renseignée que le Droit écrit ne reconnait pas la sorcellerie va saisir le tribunal qui à son tour fera une « réquisition d’information » au chef et ces notables qui constitué le tribunal.

   Ils s’amèneront au parquet pour expliquer le cas comment, il s’était déroulé et insisteront au parquet de leur laisser arriver au bout et au procureur de poursuivre par la suite les infractions retenues à charge des frères de l’intéressé pour l’avoir accusé de sorcier.

   Le tribunal coutumier leur donnera l’autorisation de consulter les trois devins et d’amener le résultat, tous les trois contactés séparément confirmeront que le sieur était un sorcier et retourneront donner le résultat au tribunal coutumier. Après les questions par le tribunal, le sieur reconnaîtra qu’il avait la sorcellerie pour son champ, mais lui-même regrettait les proportions que cela prenaient séance tenante il accepta qu’on lui enlève la sorcellerie, ce qui fut fait et il payera les amendes au tribunal et le remboursement de toutes les dépenses effectuées par la famille, puis il intégra le groupe.18 En analysant les deux situations parmi tant d’autres, a permis de constaté qu’il y a beaucoup de cas de sorcellerie que le chef tranche, rétabli la confiance et reviennent à la cohabitation.

 

D. LA PREUVE EN MATIÈRE DE SORCELLERIE

   Le tribunal coutumier en se trouvant dans l’obligation d’analyser le litige ou la contestation en matière de la sorcellerie recours au témoignage ainsi qu’à l’aveu du présumé coupable.

   En siégeant sur les matières liées à la sorcellerie, ils arrivaient à départager les familles qui étaient presque ennemis pour éviter la vengeance de la communauté sur le sorcier à la réparation du dommage que le sorcier causait, etc.

   La preuve en matière de sorcellerie se fait actuellement par une autorisation du tribunal coutumier aux deux parties de consulter trois devins et d’amener eux-mêmes le résultat au tribunal coutumier pour trancher.

   Si sur les trois devins consultés deux abordent de la même manière et le troisième dit le contraire, le tribunal peut aller aux quatrièmes devins pour le départager. 

La preuve permet d’établir la responsabilité et voir dans quelle mesure amener l’auteur à la réparation.

La décision de trois devins est le fruit de la consultation des chefs coutumiers dans le souci de rendre cette justice la meilleure.

   Le code pénal congolais livre II, en ses articles 57 et 59 stipulent ce qui suit : « Il y a infraction des épreuves superstitieuses lorsqu’on soumet une personne à un mal physique (épreuve du poison, épreuve du feu, etc. ) que cette personne soit d’accord ou non en vue d’établir si cette personne est responsable ou non du mal dont on l’accuse (décès, maladie et accident) ».19

   Mais en droit coutumier, ce moyen de preuve est accepté par toutes les parties et reste un moyen efficace surtout en matière de la sorcellerie, l’autorité coutumière qui respecte la personne humaine veuille à l’exécution.

   Pour ce qui est des moyens de preuve, le tribunal coutumier tient certains moyens reconnus en droit écrit, nous avons notamment l’aveu, qui peut provenir des preuves fournies par la divination, ou de la personne elle même devant le tribunal, le témoignage, lorsque une personne recours par exemple à un lanceur de foudre pour un conflit de concession, le lanceur de foudre peut être une personne de connu dans le milieu, et les personnes initiées savent très bien distinguer la foudre liée au phénomène physique et la foudre d’origine sorcière la personne sollicitée peut passer à un témoignage, etc.

   Nous assistons en droit coutumier à des condamnations, les personnes condamnées paient des amandes devant ces tribunaux, indemnisent les victimes, 

 on voit ainsi la paix se refaire dans le milieu, l’ordre public restauré, la vie en société reprend comme d’ordinaire.

?

18 Témoignages de MPUMA Gaspard greffier de chefferie de KAPONDA, MULEMENA MUKONTA juge et LUKANGA MUSHIKA représentant du chef KAPONDA.

19 Article 57 à 59 du code pénal congolais livre II

 

 

D. LE DROIT ECRIT FACE A LA SORCELLERIE

   Le droit écrit est défini comme un ensemble des règles établies pour régir l’ordre et la paix, édictées par une autorité compétence et assorties d’une sanction.20

   Le droit écrit, plus particulièrement le droit pénal congolais n’a pas ériger la sorcellerie en infraction, mais spécialement en son article 78, punit l’accusation de sorcellerie, le fait d’accuser une personne de sorcière constitue une infraction, lorsque cette personne à la suite de cette accusation est victime d’un comportement punissable par la loi.

   L’accusation de sorcellerie constitue une infraction si les éléments suivants sont réunis :

-une personne est accusée sans fondement;

-cette accusation est basée uniquement sur des croyances superstitieuses ;

-Cette accusation a poussé certaines personnes à commettre une infraction contre l’accusé.

   Pour le droit écrit la difficulté réside dans l’ établissement de la preuve en matière de sorcellerie , parce que après l’analyse des éléments constitutifs d’une infraction, il se pose un problème de la responsabilité de la personne, la responsabilité est plus facile dans l’accusation de la sorcellerie plutôt que la sorcellerie elle-même.

   À ce sujet DUVIEUSART L; soutient que « la croyance à la sorcellerie et au moyen de s’en protéger est évidemment improuvable par la science, c’est une question de croyance et d’opinion libre (…), il est évidemment impossible de prouver que la foudre qui a tué monsieur X ou le chien enragé qui l’a mordu ou encore le cancer qui le mine ont bien été envoyés par son oncle maternel, même si cet oncle maternel le reconnaît ».21

   La préoccupation est de savoir pourquoi la droit écrit ne punit pas la sorcellerie bien que connue par le législateur congolais, qui du reste connait ce phénomène à travers la société congolaise et n’interdit pas d’y croire.

   Ceci peut s’expliquer par le fait que le droit écrit traite le phénomène de la sorcellerie de la superstition à cause de l’esprit judéo-chrétienne qui a constitué même le sous-bassement du droit écrit.

   L’évangélisation du Congo a amené le congolais de rompre avec sa culture pour opter totalement pour la civilisation occidentale.

20 LIEDE CHRVAN, élément du droit civil Zaïrois, CRP, Kinshasa, 1990 p7

21 DUVIEUSART LEOPOLD, cas de recherche de sorcellerie en matière rural au Zaïre, ( 24 Février en ligne 1999), http : // www.linginghub.elsevier.com; (21Avril 2008).

 

 

IV. CONFLIT ENTRE LE DROIT ECRIT ET LE DROIT COUTUMIER SUR LA SORCELLERIE

 

   Antoine SOHIER parlant de la question du droit coutumier dit : » une règle fait partie du droit coutumier quand son application pouvait être exigée par l’autorité ou quand le particulier pouvait recourir à celle-ci pour forcer un tiers à le respecter ;en somme quand d’ office ou sur requête la justice indigène la sanctionne. Une règle fait partie du droit indigène quand le respect pouvait en être réclamé devant la justice publique ou privée ou encore quand son inobservation pouvait entraîner une guerre en groupement.

   Nous avons évoqué la question du dualisme juridique, qui est caractérisé par la coexistence du droit écrit et du droit coutumier en République Démocratique du Congo, s’agissant de la question de la sorcellerie, le tribunal coutumier tranche la question liée à la sorcellerie, nous avons démontré comment la question de la sorcellerie était tranché par le tribunal coutumier pour résoudre un conflit en matière de sorcellerie, ainsi l’ordre public en milieu coutumier était rétabli, même de nos jours les mêmes tribunaux continuent à trancher ce litige de la même manière.

   La difficulté réside ici lorsque nous sommes en droit écrit ou la sorcellerie n’est pas érigé en infraction tous les phénomènes que nous avons stigmatisé comme étant des faits sociaux qui ne sont pas connu aux yeux du droit écrit ou pour ce droit la preuve est difficile à démontrer comme il s’agit d’un phénomène mystérieux.

En matière de conflit d’une loi et la coutume, c’est la loi qui l’emporte sur la coutume.

   Ainsi, tous les litiges en matière de sorcellerie qui sont connus et rendus par les juridictions coutumières, sont revus au degré d’appel par les tribunaux de paix, les jugements rendus par les tribunaux de paix sont au profit des personnes condamnées par les tribunaux coutumiers, nous voyons là le conflit entre la loi écrite et la coutume, une question qui nécessite l’intervention du législateur pour régler les nombreux problèmes que nous vivons dans notre communauté.

 

CONCLUSION

   Notre réflexion sur la sorcellerie veut démontrer que la société congolaise souffre de certains faits sociaux, que le droit écrit semble ignorer alors que se sont des faits vrais connu même par le législateur congolais, qui connait ces faits et ses conséquences et qu’ il faut réglementer pour restaurer la paix sociale dans nos milieux ou on voit des litiges en rapport avec la sorcellerie naître.

   Après l’indépendance les problèmes de la mise sur pieds d’un droit moderne Africain en général et congolais en particulier était nécessaire pour l’unification du droit moderne et du droit coutumier, car l’ignorance du droit traditionnel n’a pas su résoudre ou anéantir la justice coutumière qui refait sur face en créant des problèmes sociaux importants.

   Nous avons parlé de phénomène londola, Majende, Kapopo ,tenta, la foudre, le bizaba, le sacrifice d’un membre famille par celui qui cherche à s’enrichir ou à obtenir une promotion, etc.

   Faits que nous vivons dans notre environnement qui méritent une attention particulière, en savoir les causes pour trouver une solution durable dans notre société africaine, au lieu de passer sous silence ces faits.

   Il n’ya pas des sociétés sans loi, la loi est nécessaire pour réglementer la société, ainsi la société ne peut pas vivre sans loi, c’est la société qui crée le droit, toute société née, existe et évolue, le droit doit aussi évoluer avec la société, d’où la nécessité d’amender une loi à s’adapter aux réalités de la société en vue de l’amener à répondre aux besoins de la communauté.

   Nous avons parlé du sous bassement du droit écrit qui est un droit fondé sur l’esprit judéo-chrétien que nous avons hérité du colonisateur, qui a mis l’accent sur l’évangélisation et dans la conception même du Dieu.

Le colonisateur qui a été buté au même phénomène a su comment le réglementer en créant le dualisme pour atteindre son objectif qui était celui d’amener les peuples indigènes à la civilisation européenne.

   Nous estimons que lorsqu’on aborde la question de la sorcellerie, on n’est pas arriéré, sans bagage scientifique, fou, villageois, croyant ou délirant, nous trouvons que il s’agit d’un phénomène que nous constatons dans notre environnement qui mérite qu’ on en parle pour une solution dans le milieu des intellectuels. Notre droit écrit mérite d’être amender sur cette question précise liée à la sorcellerie, optant bien entendu les solutions du droit coutumier qui continue à résoudre des nombreux litiges nos milieux ruraux et même environnant les grandes villes, aussi arriver à la création d’une section ou chambre au niveau des tribunaux de grandes instances pour connaître tous les litiges en rapport avec la sorcellerie.

   La reconnaissance des devins par le ministère de la culture et des arts, qui pour certains qui guérissent même certaines maladies nous pousse à soutenir qu’on ne peut pas affirmer une chose et son contraire.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

TEXTES LÉGAUX

- Code pénal Congolais (Décret du 30 Janvier 1940)

- La constitution de la République Démocratique Congo du 18 Février 2006

- Loi n° 04/015 du 16 juillet 2004 telle que modifiée et complétée par la loi n°05/008 actes générateurs de recettes administratives judiciaires et domaniales et de participation ainsi que leur modalité de perception.

- Ordonnance- loi n°82 /20 du 31 Mars 1982 portant organisation et compétence judiciaire, J.O N°7 du 1er Avril 1982, complétée par l’ordonnance

– loi n° 83/ 009 du 29 Mars 1983. B. OUVRAGES

- AKELE Adau P. et SITA Akele Mwila A., des lois indispensables pour l’application de la constitution du 18 Février 2006 de la RDC, Editions CEPAS Kinshasa 2006,

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- GILBERT MALEMBA, M. N’SAKILA, La queue du chiot, édition CELTAM, Lubumbashi ,2004 .

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- SOHIER. A , Le mariage en droit coutumier Congolais ,édition libéral Falk Fils, Bruxelles.

- DUVIEUSART LEOPOLD, cas de recherche de sorcellerie en matière rural au Zaïre, (24 Février en ligne 1999), http : // www.linginghub.elsevier.com; (21Avril 2008).

 

Source : https://www.hamann-legal.de/upload/La_Constitution_Congolaise_Ne_Reconnait_Pas_la_Sorcellerie_-_Wikha_Tshibinda_Baudouin.pdf

Date de dernière mise à jour : vendredi, 20 décembre 2019

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