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Santé : L’Afrique en alerte face à une forme de paludisme qui ne craint pas les médicaments

Par Le dimanche, 22 avril 2018 0

Dans Accueil

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Paludisme, la guerre d’usure (6/10). En Asie, un parasite résistant aux traitements se propage rapidement : son arrivée sur le continent serait catastrophique.

Paludisme : la résistance au traitement se propage 

 

 

Le 22/04/2018

 

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C’est un phénomène qui inquiète les experts« Il pourrait se transformer en catastrophe », s’inquiète Philippe Deloron, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et à l’université Paris-Descartes. De quoi s’agit-il ? De la diffusion rapide, en Asie du Sud-Est, d’une forme de paludisme qui résiste aux traitements actuels.

Repéré pour la première fois au Cambodge en 2007, ce paludisme résistant s’est propagé dans les pays voisins, au Vietnam, en Thaïlande, au Laos et en Birmanie« Dans certaines zones du Cambodge, le parasite Plasmodium falciparum résiste à toutes les combinaisons médicamenteuses à base de dérivés d’artémisinine, précise Philippe Deloron. On essaie donc d’autres combinaisons thérapeutiques ou des médicaments plus anciens, comme les cyclines. »

 

Ce problème est lié à l’apparition de mutations chez le parasite, mais il est aussi favorisé par le recours à des traitements de qualité médiocre ou contrefaits, leur sous-dosage ou leur mauvais usage, par exemple quand on utilise l’artémisinine sans l’associer à un médicament complémentaire, comme la luméfantrine.

Le premier enjeu est donc de promouvoir le bon usage des anti-paludiques. « Il faut respecter les protocoles thérapeutiques, ne prescrire les traitements combinés qu’à bon escient et après confirmation du diagnostic par des tests biologiques, et bien sûr éviter les contrefaçons », résume la professeure Sandrine Houzé, qui dirige le Centre national de référence sur le paludisme en France.

 

Le risque d’une hécatombe

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Carte des pays touches par le paludisme.

Cette résistance crée aussi un défi de santé publique. Les experts redoutent sa propagation au sous-continent indien et, surtout, à l’Afrique« Des précédents ont de quoi inquiéter », rappelle Philippe Deloron. Dans les années 1950 et 1960, deux vagues de paludisme résistant aux traitements classiques sont apparues en Asie du Sud-Est : contre la chloroquine d’abord, contre la sulfadoxine-pyriméthamine ensuite.

« Vingt à trente ans plus tard, ces résistances se sont diffusées en Inde et en Afrique. Là, elles ont explosé d’un coup : en cinq ans, elles ont traversé tout le continent africain, où elles ont fait des millions de morts. » C’est qu’en Afrique, la transmission est beaucoup plus intense qu’en Asie. Dans certains villages, 60 à 80 % des enfants sont porteurs du parasite – sans pour autant être malades, le plus souvent. En Asie, cette proportion reste faible, de l’ordre de 1 à 3 %.

Comment limiter le risque d’une nouvelle hécatombe en Afrique ? C’est une question qui fait encore débat. « Il y a deux grandes écoles, résume Philippe Deloron. Pour l’Organisation mondiale de la santé [OMS], il faut limiter la transmission du parasite par une recherche active des infections et par leur traitement, mais aussi par une action sur les moustiques. Il faut donc étendre la distribution des moustiquaires imprégnées d’insecticide et développer les pulvérisations intra-domiciliaires. » Dans la même logique, des experts préconisent de traiter les malades le plus tôt possible.

La seconde école plaide en faveur d’un traitement préventif de masse des populations, à l’aide de différentes molécules. L’idée est de rompre ainsi le cycle de transmission du parasite. « Mais l’OMS n’a pas adhéré à cette stratégie, qui n’est pas pratiquée sur le terrain », relève Philippe Deloron.

 

Plateforme collaborative

Un Réseau international sur la résistance aux antipaludiques a été mis en place, le Wwarn (pour Worldwide Antimalarial Resistance Network). Cette plateforme collaborative fournit des données fiables sur les facteurs qui affectent l’efficacité des antipaludiques. Elle conçoit aussi des instruments de suivi de la propagation de la résistance des parasites aux médicaments. Et elle développe des outils et des formations gratuites pour favoriser l’utilisation d’antipaludiques de haute qualité.

Les vaccins pourraient être une autre arme potentielle. « Le seul vaccin actuellement disponible, le RTSS, est considéré par l’OMS comme un outil utile pour limiter la transmission du paludisme – et donc des résistances –, mais son efficacité n’est que de 30 % », déplore Philippe Deloron.

 

Alors que faire en Afrique ? Il s’agit bien sûr de fournir des médicaments de qualité, mais aussi, pour l’heure, de « surveiller les mutations du parasite associées à ces résistances », estime Tomas Jensen, de Médecins sans frontières. A ce jour, aucune résistance n’a été détectée sur le continent par les systèmes de surveillance des différents pays. « Le système de suivi que nous avons instauré dans une dizaine de villages du Mali montre que les combinaisons à base de dérivés d’artémisinine sont encore efficaces », se rassure le professeur Ogobara Doumbo, qui dirige le Centre de formation et de recherche sur le paludisme, à Bamako. Même constat au Sénégal.

« La France est aussi un bon reflet de ce qui se passe en Afrique. L’analyse des cas de paludisme importés, contractés sur le continent et diagnostiqués en France, confirme que les parasites qui circulent en Afrique restent sensibles à ces traitements », renchérit Sandrine Houzé. Mais demain ? Il faudra sûrement développer de nouveaux anti-paludiques. Et comprendre plus finement les mécanismes de résistance dont s’arme le parasite.


 lemonde.fr

 

L’Afrique perd plus de 7000 milliards FCFA par an à cause du paludisme

 

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[Diamniadio, Sénégal] "Le paludisme à lui seul devrait priver le continent de 12 milliards de dollars (environ 7 000 milliards de FCFA) par an, en perte de productivité, en investissements et en coûts de santé associés".

Ainsi s’exprimait Mariama Cissé, représentante de l’Union africaine, à l’occasion de la septième conférence panafricaine de l’Initiative multilatérale sur le paludisme [Multilaterial Initiative on Malaria, MIM], ouverte ce dimanche à Diamniadio, à une quarantaine de kilomètres de Dakar au Sénégal.

Mariama Cissé a dès lors invité les dirigeants africains à "aborder la question de la santé avec audace, pour atteindre les aspirations ambitieuses pour le développement socioéconomique, la croissance économique inclusive et l’agenda de transformation structurelle de l’Afrique d’ici à 2063."

 

“Si nous avons l’ambition d’éradiquer le paludisme, il faudra accepter de faire beaucoup plus et de façon plus vigoureuse, de façon plus dynamique et de façon plus économique”
Magda Robalo, représentante région Afrique, l’OMS

 

Selon le rapport 2017 de l’OMS sur le paludisme, 91 pays ont signalé un total de 216 millions de cas de paludisme en 2016, soit une augmentation de 5 millions de cas par rapport à l'année précédente.

Le nombre global de décès dus au paludisme a atteint 445 000 morts, à peu près l'équivalent du nombre signalé en 2015.

La région Afrique de l'OMS continue de représenter environ 90% des cas de paludisme et des décès à l'échelle mondiale.

L’OMS précise en outre que quinze pays - dont quatorze d’Afrique subsaharienne - portent 80% de la charge mondiale du paludisme.

Au regard du relâchement, Mariama Cissé pense que les pays africains doivent renouveler leurs engagements pour une Afrique exempte de paludisme, d’ici à 2030.

Question de rester en conformité avec le cadre catalytique de lutte contre le sida, la tuberculose et l’élimination du paludisme, adopté par les chefs d’Etats et de gouvernements, lors du sommet de l’Union Africaine, en juin 2016.

 

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Appel à la mobilisation

"Notre génération peut le faire. Je suis convaincue que nous pouvons vaincre le paludisme de notre vivant", se convainc pour sa part Magda Robalo, représentante de la région Afrique de l’OMS.

Dans un discours aux accents d’appel à la mobilisation, la responsable onusienne a énuméré les progrès réalisés dans la lutte contre le paludisme, tout en notant les contre-performances de ces dernières années.

Outre l’augmentation du nombre de cas de paludisme, elle a évoqué la baisse, depuis 2014, du financement de la lutte contre le paludisme, en particulier en provenance de sources nationales.

"Si nous avons l’ambition d’éradiquer le paludisme, il faudra accepter de faire beaucoup plus et de façon plus vigoureuse, de façon plus dynamique et de façon plus économique", a-t-elle poursuivi.

Mariama Cissé estime pour cela que l’énorme boom économique des pays africains offre une opportunité d’améliorer les prestations de services dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène, des secteurs dont dépend la santé des populations.

Magda Robalo a par ailleurs insisté sur l’importance de la recherche dans la lutte contre le paludisme, estimant que la reconnaissance à l’échelle internationale du rôle des chercheurs a enclenché une dynamique importante en faveur d’une collaboration accrue entre les institutions de recherche, les décideurs et les personnes chargées de la mise en œuvre des programmes de lutte.

 

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Recherche

Elle a, à cet égard, salué les collaborations entre chercheurs spécialisés dans la prévention et le contrôle, qui ont permis la mise au point du vaccin RTS,S, un nouvel outil de prévention du paludisme chez les enfants, considéré comme "une nouvelle frontière" à explorer dans la lutte contre la pandémie.

Harold Varmus, Prix Nobel de médecine en 1989, a aussi salué dans un exposé, les contributions des chercheurs africains dans la lutte contre le paludisme, citant l’exemple du Malien Ogobara Doumbo, directeur du Centre de formation et de recherche sur le paludisme au Mali.

Pour sa part, Rose Leke, présidente du secrétariat du MIM, a rappelé le chemin parcouru depuis la première réunion de l’organisation, en 1997, à Dakar, expliquant qu’elle a permis d’impulser une nouvelle dynamique à la lutte contre le paludisme, à l’échelle mondiale, avec une mobilisation sans précédent des ressources intellectuelles et financières, ainsi qu’un appui politique conséquent.

Pendant cinq jours, les experts venus du monde entier, vont réfléchir à la situation épidémiologique sur le continent, ainsi qu’aux défis qui restent à relever pour une éradication totale du paludisme.

(Ecofin Hebdo)

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